mercredi 30 mai 2012

FEAR & LOATHING IN TWITTOS LAND






De samedi matin à mardi après-midi, j'ai fait partie de l'équipe d'Ultragonzo, un site participatif, expérimental et temporaire, de "journalisme" dit "subjectif". Ouvert le 25 mai, fermé le 25 juin, il compte en son sein de gentils gentils parfois un peu à la ramasse et quelques micro-célébrités qui prennent très mal la critique. Des Twittos, quoi. Récit de mes quelques heures d'ennui virtuel en leur compagnie.
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dimanche 27 mai 2012

COLLATERAL # 1



1. SUPPORT YOUR LOCAL SCENE

C'est en juillet 1997 que je me suis rendu compte que rock critic, c'était vraiment un métier de plouc, rock critic en Belgique francophone du moins, encore que la plupart des nerds drogués américains qui ont transformé le journalisme musical en entreprise de sous-traitance pour le marketing de la RIIA ne vaut pas beaucoup mieux. Je m'en souviens très bien, c'était au Festival de Dour. Cela faisait une nuit et deux jours que l'on y buvait sec, principalement de la vodka chaude et de la bière tiède, sans doute un peu rallongée au MDMA, ce que je n'ai jamais cherché à savoir, vu que ça m'allait. On était raides comme des pylônes à haute tension, attendant que ne débarque sur scène je ne sais plus quel groupe à la con, ne l'attendant même plus en fait, avec toute la purée de pois que l'on se trimballait entre les oreilles. Et se plante alors devant nous ce mec, on appellerait ça un troll aujourd'hui, et il nous balance sur un débit de speedfreak, avec la grimace de celui qui veut faire s'écrouler les psychés, que les magazines musicaux, c'est rien que de la merde. Que les journalistes sont tous des bites, qu'ils n'écrivent que des grosses conneries, souvent fausses et pas sincères pour un sou. Qu'ils ignorent tout des bons groupes, trop calés sur l'agenda promotionnel des firmes de disques et résignés à en vanter les daubes incubées. Que le temps que les articles se publient, de toutes façons, les « vrais » branchés ont déjà tous usé tous les « vrais » disques depuis 2 mois. Clair, ce troll cherchait le clash et du groupe que l'on formait, il y en a qui réagirent en soupirant, en levant les yeux au ciel, en se dispersant. Un autre gars, le genre à pondre des articles plus longs que des péniches, est parti dans une justification très foireuse, y allant avec le besoin vital de défendre la culture alternative, l'idée de croisade contre le mainstream, ce genre de couillonnade typique de ces années là. Moi, j'ai éclaté de rire. Balancé au mecton qu'il se trimballait une bonne tête de con, qu'il devrait se soigner sa petite peau, se trouver des t-shirts moins beaufs mais que sur le fond, il avait entièrement raison. C'est vrai que l'on faisait le métier le plus inutile au monde. Qu'il n'existait que parce que l'industrie le voulait bien. Que la meilleure image pour caricaturer un journaliste musical, ça restait le pique-boeuf, cet oiseau qui picore le dos des hippopotames. Que si, pour une raison ou une autre, les labels coupaient la pub et l'accès à l'info, nous coulions, et, si l'industrie trouvait un jour le moyen de promovoir ses produits sans passer par les relais médiatiques, il n'existerait plus aucune raison pour que ne subsiste une presse musicale. Le troll avait trouvé ça génial, s'était mis à me payer des coups mais au fond, c'était vraiment un garçon pénible, vraisemblablement en pleine montée d'ecsta et ce n'était pas la première du week-end. J'ai fini par l'envoyer chier, prétendre que je devais interviewer Henri Rollins et que je ne me priverais pas de lui dire que ses fans avaient vraiment des tronches de pénis fraîchement sortis de mains caleuses. Je crois qu'il s'est alors mis dans l'idée de me péter la gueule mais j'ai réussi à le semer et à ne plus le croiser le reste du temps que j'ai erré là. De toutes façons, j'étais accrédité et avec mon bracelet d'empereur romain, j'aurais pu le faire sortir du festival par la sécurité d'un claquement de doigt, ce connard. (à suivre...)
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lundi 21 mai 2012

KIKAPéTé?

Au concours du gros bitosse, depuis deux semaines, on remarquera le haut niveau de gagne de la plupart des dessinateurs de presse au moment de se moquer de François Hollande. Le nouveau président français est pour ainsi dire un inconnu, singulièrement sur la scène internationale, mais aussi en France, où il fut durant de longues années, au sein de son propre parti, médiatiquement éclipsé par les Aubry-Moscovici-Fabius et, surtout, par DSK. Autant dire qu'après les fastes années de la sarkozie, où les occasions de blaguer la politique poussaient aux arbres, la plupart des humoristes se retrouvent aujourd'hui le bec dans l'eau et l'inspiration à zéro face à ce nouveau président qui n'a pas l'air de traîner des casseroles et n'a encore commis aucune bourde significative, ni marquante. D'où, histoire de meubler, pléthore de dessins qui se moquent de son physique, de sa normalité, de sa prétendue mollesse ainsi que d'une certaine maladresse protocolaire. Bref, on en est revenu au niveau du « bon Roi Dagobert a mis sa culotte à l'envers » et l'humour politique français retourne en récré jouer à kikapété. Vivement, dès lors, que François Hollande fasse une très grosse connerie. Mais alors du genre vraiment énorme. Que le lol redevienne sauvage ! 
Chronique également publiée sur The Comedy Office (version beta)

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mardi 15 mai 2012

SOCIALEMENT RACISTE

Mardi 15 mai 2012, 17h10. Au moment d'éditer ces lignes, ma chronique sur la Belgian Gay Pride publiée ce lundi chez Focus a été recommandée sur Facebook par 787 personnes. Vu le sujet et le ton, le contexte aussi, je m'attendais bien à ce qu'elle fasse jaser mais pas à un tel buzz. Je n'y trouve rien de très politiquement incorrect, scandaleux, briseur de tabou, ronchon, mal-pensant. Rien de très Zemmour. D'où mon amusement, mon étonnement aussi, devant l'emballement. Celui-ci est en fait largement très positif. Les gens se marrent, même ceux qui ne partagent pas mon point de vue (forcé pour l'aspect comique mais sincère). Il y a bien quelques critiques de fond et de forme qui reviennent régulièrement mais cela fait partie des réactions on va dire « normales » à ce genre de publication. Que ma façon d'écrire est mode mais ne développe pas de vraie pensée ou que je tais sciemment les aspects sociaux de la manifestation dans un but caricatural, il n'y a rien à répondre à cela. Ce sont des opinions. Là où je tique un peu plus, tout en restant plutôt amusé du truc, c'est quand on en vient à des sous-entendus nettement plus tortueux, tordus, et tous comptes faits proches de la diffamation.

A cet exercice débile, le champion du monde de la semaine est un journaliste du Soir, dont je tairais l'identité, le but n'étant pas ici de provoquer des combats de coqs mais bien de tenir des notes amusées sur les coulisses de la publication de chroniques au temps du troll généralisé. Cette lumière de l'information régionale, d'emblée, tape fort. Voici ses propos :

(ce chroniqueur est) « le genre contre-contrepied très tendance. Mais à part ses capacités d'écriture, je ne vois pas ce qui distingue son opinion de celle du barman dont il parle. Barman, au passage, qu'il aurait semble-t-il félicité d'avoir zappé quelques beaufs de la Terre en fonçant dans la Gay Pride. Si j'avais des doutes, ce commentaire m'a convaincu que cette Gay Pride là a encore tout son sens: celui d'emmerder le beauf. Le vrai. »

Bref, zimzamzoum, me voilà traité de beauf (ce dont je me fous éperdument) mais aussi accusé de « semble-t-il » vouloir féliciter celui qui commettrait un meurtre de masse un jour de Gay Pride. Ce qui est ridicule, certes, mais aussi plutôt offensant. J'ai demandé au gusse qu'il m'explique un peu comment une chronique qui ne fait pas grand-chose de plus que de poser la question du discours sociétal noyé dans le folklore disco pouvait se transformer en petit pamphlet homophobe friendly. Voici sa réponse :

« Admettons que le fin esprit que vous êtes ne soit pas un intolérant fondamental qui se dissimule derrière la lecture « sociétale » d’une manifestation. Admettons même que vous ne soyez pas hostile aux homosexuel(le)s, malgré ce « en commettant ce crime abject, ce trou-de-balle de limonadier aurait surtout zappé de la surface de la terre une belle tripotée de gros beaufs ». On comprendra au moins que ce qui nous vaut votre billet, c’est une détestation de la manifestation de masse et de son principe forcément simplificateur, dont vous faites curieusement une spécialité belge alors qu’il s’agit d’une caractéristique des… démocraties. Vous préfèreriez, à vous lire, plaindre trois dissidents distingués chaussés de Gucci et sirotant une coupe de Pieper-Heidsieck, emprisonnés pour avoir brandi des panneaux vantant le style de Proust, les qualités guerrières de l’empereur Hadrien ou la voix de Freddy Mercury. Hé bien non : il y a eu 50.000 buveurs et buveuses de Cara Pils samedi au centre de Bruxelles, qui savaient qu’ils susciteraient des commentaires désapprobateurs comme les vôtres et ceux de votre barman, et qui l’ont quand même fait. Désolé de vous avoir dérangé. »

Bref, me voilà en plus d'être beauf et quasi-complice de massacre virtuel, également devenu intolérant fondamental, hostile aux homos, anti-démocrate, responsable de propos aussi abjects qu'une envie de carnage et dérangé par l'existence d'homosexuels qui ne répondent pas à mes critères de classe. Je passe le coup de « détester les manifestations de masse » parce que là, je plaide coupable, surtout pour les courses de Noël et le Festival de Dour.

Même si ses gazouillis n'engagent que le type en question, décidemment, tout s'éclaire quand vient Le Soir.

Le titre de ce billet, Socialement Raciste, est un hommage à une autre réaction, qui m'a été rapportée par l'ami de quelqu'un que le texte a visiblement outré. Je trouve cette expression immensément drôle.
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jeudi 10 mai 2012

DES FLICS DANS LA VILLE


Filmé à la Jean-Kevin Scott (le rénégat wallon de la famille de Ridley et Tony), rendu terriblement anxiogène par une voix off qui a visiblement appris le journalisme au cours de stages intensifs de modération de commentaires sur le site de la Dernière-Heure-Les Sports, Des Flics dans la Ville, la nouvelle émission de télé-réalité de RTL-TVI, est vraiment le genre de produit qui donne le cancer du cerveau et fait voter à droite. Ce qui est sans doute son but.

On y suit dans leur quotidien des flics de la Zone Nord de Bruxelles, coin de la ville qui est dépeint comme une sorte de cloaque plus proche du New-York City babylonien du film Taxi Driver que du gigantesque et propret mouroir pour vieux pochetrons des classes moyennes qu'est réellement la plus grosse partie des lieux (*). Si on se laisse hypnotiser par le montage serré, l'ambiance musicale terrifiante et les horreurs de la voix off, c'est pourtant The Wire, pas Derrick, la référence. Là aussi, c'est certainement le but.

Le storytelling à l'écran, c'est une chose. La réécriture dans mon petit esprit critique, tout à fait autre chose. Or, que voit-on réellement sur ces images ? Un simplet relativement bourré se faire gauler après avoir accroché une bagnole garée. Autant dire le délit de fuite du millénaire. Deux dealers se faire prendre en flag lors d'une opération coup-de-mou à défaut d'être très coup-de-poing. Ils ont énormément de drogues chez eux, c'est vrai. Par contre, je n'ai toujours pas compris en quoi un soldat tchetchène à moitié nu sur le téléphone portable de l'un d'eux en ferait un sérieux candidat au Jihad international ? Hahaha, plus le droit d'être homo et de kiffer les grosses mitraillettes ou quoi, à Schaerbeek ?

Autres affaires dignes de celle du Tueur du Zodiaque pour nos flics de (bi)choc : aller photographier les dames de la rue d'Aerschot. Ils appellent ça « mettre le fichier à jour » et à les voir minauder au comptoir du bordel, il est clair que le moment le plus passionnant de cette noble mission, c'est celui où il leur faut « introduire les données dans le port USB ». Nos amis de la police réconfortent aussi les « vieilles personnes » s'étant fait dérober leurs économies par de faux flics. Séquence émotion : il n'est jamais gai de voir pleurer une vieille dame qui vient de se faire chourrer 12 000€ par des escrocs. Sauf que dans la foulée, l'inspecteur nous explique que les types qui pratiquent ce genre d'arnaque ne se présentent pas à la porte de leurs victimes avec de fausses cartes de police mais bien avec la photocopie d'une carte semi-officielle française dont le drapeau a été recolorié au Magic Color et où la photo est en fait celle de... COLUCHE ! (je n'invente rien!!!)

Je n'ai pas tout suivi, un moment je me suis même carrément endormi. Il y a sans doute des gens qui frémissent, prient et pleurent devant ce type d'émission mais moi, soit je me gondolais sec, soit je ronflais de façon toute aussi généreuse. Il se fait que j'habite Bruxelles depuis toujours, que j'ai passé un certain temps dans les quartiers filmés et que mon père a sinon été flic durant plus de 35 ans. Des histoires de flics, j'en mange à chaque repas familial. A la tonne. J'ai aussi été journaliste et je le suis encore un peu, parfois. C'est de ce background que vient le rire. Un rire narquois, sarcastique, un peu méprisant même. Je ne ris pas des flics et des types qu'ils arrêtent, je ris de la façon dont on me le montre sur RTL-TVI. Parce que moi, quand on me raconte une bonne histoire de flic, que l'on me sert un chouette mélange de drôlerie et d'émotion, de bêtise et d'absurde, d'arbitraire dégueulasse et de rébellion idiote, je respecte cette réalité et ses nuances, et JAMAIS, JAMAIS, JAMAIS, je n'irais transformer cela à grands renforts de clichés, de jeux de con sur les peurs les plus primaires et de scénarisation flemmarde en minable petit conte moral uniquement destiné à faire de l'audimat chez les vieux pétochards et les beaufs pour qui Bruxelles est la salle d'attente de l'Enfer. Voilà donc ce qui me fait le plus rire, dans cette affaire : le cynisme des producteurs, la vue courte des journalistes. Le sujet en or qui se transforme en propagande pour l'aile dure du MR.

(*) durant le reportage, on ne voit jamais les coins vraiment hardcore de la zone couverte, c'est amusant!
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