Je suis
de la génération Desert Storm/Timisoara. Découvrir qu'une large
partie de toutes ces horreurs tenait davantage de l'hollywoodien de
bazar que de faits réels m'a profondément marqué et j'éprouve
depuis un rejet viscéral pour la mauvaise mise en scène de
l'actualité. Fondamentalement, je suis de ceux qui estiment que
l'information n'a pas à véhiculer d'émotion, que son traitement se
doit d'être neutre, se contenter de faits ; aussi austère et
peu vendeur cela puisse paraître (*). Ce n'est pas aux rédacteurs
en chef de décider sur quels sujets je dois verser des larmes. Leur
travail, c'est de hiérarchiser cette information, de composer un
sommaire, pas de façonner l'opinion d'autrui. Singulièrement depuis
le 11 septembre, avec l'anthrax, Madrid, Londres, Ghislenghien, le vol Rio-Paris, le
Pukkelpop, Liège, Sierre aujourd'hui, cette façon de voir n'a plus la côte.
Nous sommes à l'ère de la manipulation sentimentale généralisée,
où ça brode ferme à partir de grosses ficelles parce qu'il n'y a
souvent pas grand-chose à dire. Ce storytelling me fait gerber,
parfois au sens propre, comme je pense qu'il fait gerber toute
personne un tant soi peu morale et douée d'un minimum d'intelligence
humaine, qui ne peut que se sentir salie et insultée par l'indécence
et la misère des arguments et des spéculations que l'on nous sert à
la louche dans les médias modernes.
L'autre soir, sur Facebook, un
drôle de coco à peine concerné par tout cela m'en a sorti une bien
bonne, à savoir que ma façon de voir ces choses n'était pas en
adéquation avec l'époque. On parlait d'éthique dans le travail
journalistique et lui avançait qu'il fallait admettre produire de la
merde, pour garder son taf, nourrir ses enfants, aussi parce que les
gens en consommaient, étaient demandeurs d'un traitement scénarisé
de l'actualité. Moi, je soutenais plutôt qu'accepter d'aller
au-delà d'un certain degré de débilité besogneuse sans broncher
faisait de vous une grosse pute et que ce n'était pas aider
l'intelligence ambiante que de répondre le doigt sur la couture à
des exigences de cheftons psychopathes se prenant pour Jerry Buckenheimer en descente de coke. « Entre le chômage et garder
votre travail, quel serait votre choix éthique ?», m'a alors
demandé le mec. Je n'ai pas répondu mais ceux qui me connaissent
réellement savent que je préfère encore aller survivre au fond des
bois en me nourrissant exclusivement de glands plutôt que de choisir entre
un travail pourri et le chômage (auquel je n'ai d'ailleurs pas droit, bonjour l'assistanat!). And I mean it. Bisounours à côté
de mes pompes, irresponsable, mec inadapté à l'époque
contemporaine ? Mais, je le revendique, les gars. J'en suis fier
et c'est d'ailleurs la seule fierté que je me trimballe. Avec celle
de pouvoir tenir à des afters sans prendre de drogues, allez...
(*)
Après, on peut rajouter des rubriques débiles et des billets
d'humeur au sommaire, hein, je ne prône pas la Pravda, non plus
En effet, manipulation sentimentale généralisée et ça me fait aussi gerber sévere... D'ailleurs en rêgle générale, j'ai au moins envie de vomir une fois par JT de la RTBF, que je ne regarde plus que par masochisme (je ne m'aventure cependant que rarement, lors de crises de folie, sur RTL). Maintenant, c'est vrai qu'on est des anachronismes ambulant mon garçon, mais que veux tu, comme toi "I beg to differ".
RépondreSupprimerNous qui aimons les références cinématographiques :
RépondreSupprimerA la Tarantino :
-Did you kill someone?
-Only journalists.
-No real people?
A la Bruce Willis :
Un gnon dans la tronche à cette fouine calamiteuse de Richard Thornburg!
:-D
Tout à fait d'accord avec toi mais ce choix est malheureusement validé par les chiffres de l'audimat. Il n'y a plus que ça qui compte...
RépondreSupprimerQue l'audimat validait l'option caca, c'était justement le principal argument du mec avec qui je causais hier et dont je parle dans le post. Je ne suis pas certain que l'on puisse opposer des arguments objectifs à cela. Par contre s'opposer de son mieux au règne de la connerie devient alors impératif.
RépondreSupprimerLe problème, Serge, c’est que ce n’est plus l’éditeur responsable ou le rédac chef qui décide de la ligne éditoriale. C’est le prix de la pleine page publicitaire ! Faire dans l’émotion, ça booste les ventes, « ça augmente le taux de pénétration » dis dans le jargon de la culture pubarde. Donc le prix de la pleine page grimpe en flèche. Pas question qu’il stagne celui-là, si non le petit actionnaire ne sera pas content quand le groupe de presse annoncera une hausse de son chiffre annuel inférieure à 2,8%. Tant que ce système régi la presse, on ira toujours plus loin dans le larmoyant, le cynisme et le trash… c’est exponentiel ! C’est l’avènement du journalisme vautour 2.0 !
RépondreSupprimerComplètement d'accord ! C'est vraiment lamentable ce culte de l'émotivité, de l'hystérie de masse au détriment de la pensée rationnelle, sans parler des mines affectée surjouées par nos politiciens qui profitent que ce fait divers n'a aucune implication politique pour soigner leur image sur le mode du "moi aussi je suis un être humain."
RépondreSupprimerCeci dit, les glands, je te déconseille vraiment; j'ai encore essayé récemment par curiosité et c'est parfaitement dégueulasse...
On se reverra dans dix ans, place des glands d'hommes!
RépondreSupprimerBah non, j'espère avant mais je n'y pointe mon museau que quand il fait beau.
RépondreSupprimerBah tu parlais il y a peu de black mirror (par ailleurs produit par tes bien aimés Endemol qui bouffent donc à tous les rateliers, la téléréalité et sa critique la plus virulente) et ce truc m'a rendu malade pour de bon, mais comme le nom l'indique, ce n'est qu'une réflection de l'âme bien crapuleuse dans le fond de nos contemporains. S'opposer au règne de la connerie, certes, mais à ce jeux là tu risques vite de devenir l'omega man ;-) Alors je te le demande, serge: "Is there anything you can do, DOCTOR, I mean, seeing as how you've lost over 200 million patients?"
RépondreSupprimerLe règne de la connerie, c'est par extension. Je pense que c'est surtout le règne de l'ennui ! C'est dans l'air du temps. A force de rechercher la sécurité à tout prix : sécurité de l'emploie, du logement, du mariage, de la route, de la santé, plus fumer, plus boire, plus manger gras, plus baiser sans capote et j'en passe, les gens finissent pas s'emmerder sévère! Alors, je comprends qu'ils valident l'option caca, histoire d'enfin ressentir quelque chose de fort dans leur vie toute programmée metro-boulot-dodo. En faite, ils me font penser à THX1138 qui regarde sa télé hologramme pour éprouver tout ce qui lui est inaccessible.
RépondreSupprimerUn des blogs du Soir a par exemple osé : " les petits nenfants tenaient un blog pendant leurs vacances de neige " . Et de citer ce qui s'y trouvait. C'est parfaitement immonde. Le Soir, la RTBF, c'est vraiment pour gerber. Je préfèren encore la DH , eux aux moins ne prétendent à rien.
RépondreSupprimerLe truc c'est que c'est dans bcp de choses pareil. C'est juste un ''boulot'' , On ne cherche plus à ajouter une valeur ajoutée. Cete petite touche distinguée qui fera la différence et touchera le bénéficiare ou l'usager de facon pertinente . Ce que tu énonces pour les gratte papiers , tu peux aussi l'adapter aux profs, animateurs sociaux, boulangers, bouchers etc nope ?
RépondreSupprimerOui, oui.
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