MICHEL HOUELLEBECQ : « En
résumé, les Blancs voulaient être bronzés et apprendre les danses
de nègres ; les Noirs voulaient s'éclaircir la peau et se
décrêper les cheveux. L'humanité entière tendait instinctivement
vers le métissage, l'indifférenciation généralisée ; et
elle le faisait en tout premier lieu à travers ce moyen élémentaire
qu'était la sexualité. Le seul, cependant, à avoir poussé le
processus jusqu'à son terme était Michael Jackson
Il n'était
plus ni noir ni blanc, ni jeune, ni vieux ; il n'était même
plus, dans un sens, ni homme ni femme. Personne ne pouvait
véritablement imaginer sa vie intime ; ayant compris les
catégories de l'humanité ordinaire, il s'était ingénié à les
dépasser. Voici pourquoi il pouvait être tenu pour une star, et
même pour la plus grande star – et, en réalité, la première –
de l'histoire du monde. Tous les autres – Rudolf Valentino, Greta
Garbo, Marlène Dietrich, Marilyn Monroe, James Dean, Humprey Bogaert
– pouvaient tout au plus être considérés comme des artistes
talentueux, ils n'avaient fait que mimer la condition humaine, qu'en
donner une transposition esthétique ; Michael Jackson, le
premier, avait essayé d'aller un peu plus loin. (…) Fallait-il en
conclure que le premier cyborg, le premier individu qui accepterait,
dans son cerveau, l'implantation d'éléments d'intelligence
artificielle, d'origine extra-humaine, deviendrait du même coup une
star? Probablement, oui ; mais cela n'avait plus grand-chose à
voir avec le sujet. »
(Michel Houellebecq, Plateforme, roman, Flammarion, 2001)