Le concert
de Thee Oh Sees de ce mardi soir au Reflektor de Liège en aura
passablement laissé plus d'un circonspect. C'est que la toute
nouvelle mouture du groupe accompagnant John Dwyer sur scène est
minimale, étonnante, peut-être pas vraiment encore au point, voire
même légèrement wtf
: lui, au chant et à la guitare
transparente, un bassiste, deux batteurs et puis, c'est tout. Deux
batteurs, forcément, ça envoie sévèrement la purée mais la
débauche d'énergie est peut-être vaine quand les deux mecs jouent
la plupart du temps synchro des parties rythmiques tout de même pas
très compliquées et puis surtout, que cela fait maintenant un petit
temps que ce qui ressort le plus des albums de Thee Oh Sees sont
leurs chansons lentes, psyché ou carrément pop plutôt que les
scories post-punk et mongolo-rock des premières années.
On connaît
la drôle d'enroule : le groupe de scène n'est plus le même
que celui qui enregistre en studio. Or, celui que l'on entend sur
album a fortement gagné en finesse et en bizarrerie et c'est ce qui
fait dire que ce n'est peut-être pas une bonne idée de se contenter
en concerts d'une version et d'un choix musical « gabba
gabba/tout à fond/grosse patate ». Option patator qui ne
semble d'ailleurs pas troubler que les poppeux, puisque ce mardi
soir, les pogos excités des premières minutes sont en fait assez
vite devenus très syndicaux (et dans une salle en partie sponsorisée
par la FGTB, quoi de plus normal?).
Ces bémols n'ont toutefois pas
suffi à faire de la prestation liégeoise un mauvais concert mais
Thee Oh Sees n'a certainement rien à gagner à se montrer
essentiellement et banalement punk et garage là où sa vraie magie
réside dans ses dérapages contrôlés et ses délires qui donnent
des grosses poches sous les yeux. En fait, on a surtout eu
l'impression de voir un one-man show de John Dwyer accompagné de
faire-valoirs, en mode « nbsp Edward Norton et ses 3 Louveteaux ».
Le bonhomme reste en effet plutôt impressionnant avec sa guitare sur
le thorax, capable en une nanoseconde de passer d'un jeu très
hendrixien à des notes étranges et farfelues dignes de Brian Eno.
Tout en couinant. Par contre, les 3 autres pourraient se faire
remplacer plus rapidement qu'un guitariste chez The Fall que ça
n'émouvrait pas grand-monde. Dont acte ?
En première
partie, il y avait sinon Yonatan Gat, Monsieur Monotix en formation
elle aussi réduite : lui à la guitare, un bassiste, un
batteur. Les trois non pas sur scène mais au milieu du public. Une
prestation très physique, assez allumée, un poil trop démonstrative
aussi. Le batteur frappe comme un dingue, se lève même de son
tabouret pour reprendre son souffle ou parader comme un cervidé, le
doute reste permis. Le jeu de guitare, qui fait assez le malin, est
d'inspiration très africaine. Tout cela sonne très « Jean
Mikili sous speed », dit ma compagne. Autre tagline drôlatique
résumant bien non seulement cette soirée mais aussi ces premières
semaines d'exploitation du Reflektor liégeois: « C'est vraiment
cool de voir beaucoup de monde qui vient de Bruxelles. »
Réponse : « Moi, je viens d'Anvers. ». Liège, Rock
City, capitale de la Wallifornie, année 01.