La
semaine dernière, j'avais à peine envoyé ma chronique sur les
festivals et le clubbing à la rédaction que je tombais sur 2 articles en contrariant quelque peu le propos
Le premier, que je ne
retrouve plus mais qui reprenait le même genre d'infos que ce LIEN
- sur un ton toutefois nettement plus alarmiste - laissait entendre
qu'en France, le festival n'avait peut-être pas beaucoup d'avenir.
Histoire de réduire les déficits, le gouvernement Hollande a en
effet prévu de rabotter de 11 milliards d'euros sur 3 ans les
dotations aux collectivités locales, ce qui entraîne des coupes
drastiques dans les budgets culturels. Ce régime sec produira déjà
quelques effets tout au long de cette saison 2015 : entre 80 et
90 rendez-vous culturels estivaux habituels n'auront tout simplement
pas lieu. D'autres dureront moins longtemps et certains seront même
fusionnés. Les festivals musicaux sont en principe moins concernés
par ces mesures, car leur modèle économique repose a priori
davantage sur la vente de billets que sur les subventions mais on
sait par ailleurs que certaines municipalités d'extrême-droite, de
droite, et même de gauche, se gênent de moins en moins pour faire
connaître leur désamour des musiques électroniques et du rock ;
ces grosses nuisances, ces attractions pour Français qui se lèvent
tard. Donc, tout va mal dans le secteur. D'autant plus mal que dans
un pays où ça va en principe un peu mieux, le Royaume-Uni, l'avenir
même du concept de festival se discute ferme, là aussi.
« Il
y a trop de festivals pour trop peu de grands groupes susceptibles de
faire de bonnes têtes d'affiches. Nous n'avons plus d'artistes du
calibre de Madonna et des Rolling Stones. Nous n'avons même plus
d'artistes du calibre des Arctic Monkeys, de Coldplay et de Muse. En
plus, les gens n'écoutent plus d'albums alors que la plupart de ces
grands artistes bâtissent leurs réputations sur la longueur. Ils
peuvent sortir trois albums avant de vraiment maîtriser leur art, de
devenir vraiment bons, mais les jeunes ne veulent pas de ça. Ils
aiment un morceau, un son, et puis c'est tout, ils passent au truc
suivant. C'est pourquoi je pense que les festivals de musique sont
probablement en bout de course. Ce qui va se passer, c'est que de
plus en plus d'évènements vont se développer où il n'y aura pas
juste que de la musique mais aussi de la poésie, des bouquins et de
la magie. Il va y avoir beaucoup plus de petits festivals proposant
chacun quelque-chose de très différent, quelque-chose de plus que
juste un grand champ plein de gens où on hésite à chercher les
toilettes de peur de rater le groupe qui joue sur scène. »
Traduit
et synthétisé par mes soins, c'est Harvey Goldsmith qui parlait
ainsi au Guardian, la semaine dernière. A 69 balais, Goldsmith
est un poids lourd de l'industrie musicale britannique, qui organise
des concerts depuis 1975 et travaille avec les plus gros vendeurs du
rock et de la variété. Goldsmith a quelques idées pour ces jeunes
qui aiment les sensations et les sons plus que les albums et les
artistes corporate. L'année prochaine, en juin, il leur fera ouvrir
toutes grandes les mirettes devant un adaptation théâtrale
ultra-technologique de The Hunger Games. Plus tard, il est question
de présenter d'une façon a priori similaire la vie d'Anne Frank.
Less
is More
Bref,
au plus loin se tiendra ce genre de type du secteur des loisirs
culturels, au mieux quelqu'un comme moi se portera. Dans ma chronique
de la semaine dernière, le mot magique, celui à bien imprimer,
était « forain ». Marre des délires wizzz, du
gigantisme, des attractions pouet-pouet, du clinquant, du faussement
cool ! Less is more, toujours : French Connection plutôt
que Bad Boys 2, une saucisse, un œuf et des toasts plutôt qu'un
interminable brunch, 3 punks et 3 accords plutôt que Christine, ses
Queens et un ensemble classique, un all-nighter de 300 personnes
plutôt que 250 DJ's sur 12 scènes... Si l'avenir, ce sont des
festivals avec des clowns, du stand-up, une foire du livre et des
cracheurs de feu, on peut d'ores et déjà imaginer bien des
horreurs. Exemples : un village médiéval à Dour (version
Peste Noire, c'est déjà le camping, cela dit). Aux Francofolies,
une blagounette de Jérôme de Warzée entre chaque morceau de Marie
Warnant et pas le moindre pelé, ni le moindre tondu, pour applaudir
Flavien Berger s'il joue au même moment que se tient la séance de
signatures de Marc Lévy. Couleur Café devient Couleur Kimchi, le
festival de la fusion ultime. Sans lactose, sans sucres raffinés,
sans gluten. Mais avec Omar Sy et le Grand Orchestre des Anciens de
Top Chef. Et au Brussels Summer Festival, en tête d'affiche,
l'immeeeense Pierre Mertens et ses éblouissements, juste après la
reformation des Thompson Twins. Brussels Summer Festival qui peut
d'ailleurs fusionner avec la Foire du Midi et Le Salon de
l'Alimentation.
Dans
un pays aimant autant les festivals musicaux que la Belgique, tout
cela semble nettement improbable. Certains ne vont donc pas manquer
de m'accuser de noircir et de caricaturer le tableau comme je
l'aurais fait la semaine dernière pour le clubbing, même si ce que
je racontais la semaine dernière sur le clubbing n'était pas qu'une
opinion personnelle. En fait, il s'agissait surtout de la mise en
scène de propos souvent entendus dans l'industrie et notamment
défendus par Peter Decuypere, la légende noctambule jadis derrière
le 55 de Kuurne, le Fuse des grandes années et I Love Techno. Dans
l'Electronic Music Art Report de 2015, un bouquin à tirage limité
publié par Hello Bank et l'agence Trendwolves,
c'est surtout lui qui parlait de clubs dépassés par les festivals,
de clubbing obligé de se réinventer. Pour Decuypere, l'avenir sur
lequel miser, ce sont même plutôt essentiellement des events de
jours comme Technoon et WECANDANCE.
Evidemment,
ce genre de propos est à prendre avec beaucoup de pincettes. Peter
Decuypere et Harvey Goldmsith ne sont pas que des observateurs, ce
sont surtout des acteurs à part entière des secteurs dont ils
parlent. Ils ont des choses à vendre, des projets, des confrères et
des amis à faire mousser. Daft Punk ou Coldplay ne sont pas pour
l'un et l'autre des auteurs de sons à simplement consommer mais des
modèles de ce qui marche encore bien dans un secteur profondément
en crise. Leur vision n'est forcément pas la même que celle de
jeunes qui débutent avec l'envie de tout casser ou de quadras
moqueurs observant avec une délectation très sarcastique l'aquarium
aux requins. Leurs idées, leurs visions, sont des paris plus ou
moins ouvertement commerciaux sur l'avenir. A défaut de prophéties
certaines, de belles inspirations, ce sont surtout d'excellents
sujets de papiers ricaneurs. Dont acte, forcément.
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