Ce
qui est marrant avec Le Soir, c'est leur panique totale du bad buzz.
Moi rédacteur en chef, une correspondante au Caire refuse mes
angles, je raccroche en lui disant que je la rappelle vers juillet
3087 et on reste là. Elle me bashe sur Internet, je l'invite
éventuellement à aller s'asseoir sur la pointe de la pyramide de
Gizeh...
... en utilisant un faux profil mais jamais, au grand jamais, je n'engage le nom de mon journal et sa réputation en lui répondant publiquement. Secret professionnel, popote interne. Le bad buzz enfle, elle parle à Daniel Schneidermann, à l'Express, au Nouvel Obs : don't feed the troll. Pas de commentaires. Nous ne nierons pas plus que nous ne confirmerons l'existence de ce différend. Cette mission n'a jamais existé. Occupez-vos de vos fesses, les Morandini en herbe. My way or highway.
... en utilisant un faux profil mais jamais, au grand jamais, je n'engage le nom de mon journal et sa réputation en lui répondant publiquement. Secret professionnel, popote interne. Le bad buzz enfle, elle parle à Daniel Schneidermann, à l'Express, au Nouvel Obs : don't feed the troll. Pas de commentaires. Nous ne nierons pas plus que nous ne confirmerons l'existence de ce différend. Cette mission n'a jamais existé. Occupez-vos de vos fesses, les Morandini en herbe. My way or highway.
Au
Soir, ça ne marche pas comme ça. Au Soir, on est coutumier de
l'emballement pétochard et du réflexe corporatiste. Pour une pique
vacharde bien placée de disons 2000 caractères sur Facebook, il y a
des chances de récolter dans le journal, sur leur site, sur ses
réseaux sociaux et dans les médias audiovisuels les réponses sur
6000 caractères au moins d'une douzaine de chefs de service et de
journalistes qui passaient par là et préfèrent participer à une
opération collective de noyade de poiscaille plutôt que d'encore
buller sur Candy Crush en attendant que Charles Michel ne sorte une
énième connerie à commenter. On le voit encore avec cette affaire
Vinciane Jacquet, ex-correspondante au Caire du journal : suite à sa bafouille basheuse, la
rédaction déballe un paquet de justifications et met gratuitement
en ligne des pages payantes pour prouver sa bonne foi et son travail
non sensationnaliste alors qu'on ne lui a en fait strictement rien demandé,
qu'on se fout même complètement du fond de cette histoire. Les gens
partagent le statut « pavé colère » de Jacquet parce
qu'il parle davantage d'une tare de notre époque et du déclin général d'un métier
que simplement du Soir mais plutôt que faire le dos rond et de laisser pisser,
celui-ci, via ses journalistes, se sent obligé de prouver qu'il fait
toujours partie de la grande presse et s'aventure dans des tartines
et des statuts maladroits qui confirment en fait bien souvent ce que
tout le monde ou presque reproche à ses journalistes, quelques notables exceptions mises à part : d'être des nouilles
dans le déni, d'enfoncer les portes ouvertes, de prétendre rester
les meilleurs alors qu'ils enculent les mouches, de se gargariser de
grands concepts déontologiques et humanistes alors que ce sont de
grosses putes à clics comme tout le monde, etc...
En
2008, j'ai moi-même été le déclencheur d'un emballement pétochard
dans leur rédaction. Sur Frontstage, Thierry Coljon avait écrit un
truc complètement con évoquant le spectre de la censure suite à
l'embargo d'une interview du groupe Deus, qui ne pouvait être
publiée dans Le Soir qu'à partir d'une certaine date sous peine
d'amendes imposées par le label. Coljon avait signé un contrat
engageant Le Soir à respecter cette clause mais d'autres
journalistes d'autres médias avaient refusé. Autrement dit, à l'insu de son plein gré, il avait contraint son journal à accepter l'inacceptable. Une bien bonne raison pour le
virer, à mon sens, mais dans un beau réflexe préventif, la
rédaction du Soir avait préféré jouer la carte de dénoncer les soi-disant pressions immondes sur la liberté d'informer qui venaient de franchir un nouveau cap avec cette affaire d'amendes éventuelles ; soit parce qu'ils étaient
assez cons pour y croire, soit pour simplement tenter de masquer la
bourde de Coljon façon Incendie du Reichstag. De mon côté, j'ai balancé l'évidence :
l'embargo sur l'interview et la critique est tant dans les médias
que dans l'industrie des loisirs une pratique banale.
Logique : puisque l'interview est considérée comme de la promo
par la boîte et de l'actu par le média, on ne publie pas une
chronique ou une interview avant que le produit lié ne soit
disponible à l'achat. Evidemment, le coup de la menace d'amende
agitée par le label posait un réel problème éthique mais je ne
pense tout simplement pas que c'était légal. Sauf quand on est
assez bête pour signer un papier contraignant son employeur à
respecter cette clause.
En publiant ce billet, je m'étais senti comme un moucheron se
cognant la gueule contre une fenêtre fermée pour amuser les autres
moucherons. Sauf que Le Soir
n'est pas une rédaction aux fenêtres fermées mais une grosse vache
folle et que, sans m'en rendre vraiment compte, je lui suis entré dans l'oreille, la rendant
momentanément encore plus folle. 8 ans plus tard, force est de
constater que ça meugle toujours autant quand un moucheron lui
taquine le tympan. On continue la blague ou on dit au Soir que c'est
aussi pour ça qu'il prend si cher à l'exercice du bashing ?