Fargo,
la série télévisée planplan sur FX tirée du chef d'oeuvre des
Frères Coen, s'est achevée ce mardi 17 juin 2014 et récolte des
critiques assez dithyrambiques, notamment un 9.2 sur IMDB. Après le
succès comparable de True Detective, show pourtant à demi-mongolo à peine digne d'une enquête du Commissaire Moulin allié
à Jean-Paul Sartre sur la piste de Marc Dutroux, c'est à se désoler
qu'à défaut de véritables grandes nouvelles séries, les junkies
du streaming se contentent un peu vite de tout ce qui leur rappelle
même vaguement un âge d'or du genre, peut-être déjà révolu.
En
gros mais c'est au fond vraiment ça et pas grand-chose de plus,
Fargo sur FX est l'histoire d'un bête type qui rencontre le Diable.
Le premier, Lester Nygaard (Martin Freeman) est l'employé modèle et
effacé d'un bureau d'assurances de la ville de Bemidji, bourgade
paumée du Minnesota (fictive, la vraie Bemidji est plus
importante). Le second, Lorne Malvo (Billy Bob Thornton), est un
tueur à gages itinérant aussi compétent que cinglé, jouette et
mal coiffé (le cousin de Javier Bardem dans No Country For Old
Men?). Par jeu, Malvo entre dans la vie de Nygaard, sur qui son
machiavélisme va déteindre et là, c'est le bain de sang en pays
plouc. Quel rapport avec Fargo, le film ?
La
neige, les accents, vaguement la musique, quelques easter eggs, des
scènes entières replacées dans un contexte différent, des
personnages à priori similaires avant qu'ils ne gagnent une
personnalité plus ou moins indépendante de leurs modèles, le
million de dollars en pleine nature et puis aussi, la traînée de cadavres. Quelle(s) différence(s) avec le film ? Un
paquet, dont un ton plus sombre, une violence plus gratuite que
marrante, des personnages moins marquants et, surtout, le propos,
l'essence même, de l'histoire. C'est Emily Nussbaum, critique du New
Yorker, qui a le mieux résumé l'affaire, pointant que là où le
film était une méditation sur la stupidité de la violence, la
série, elle, s'avérait surtout fascinée par l'intelligence des
gens mauvais. Bref, l'une est antithèse de l'autre.
On
peut dès lors se poser la question : pourquoi placer cette nouvelle histoire, pas mauvaise en soi, dans un contexte si particulier
et référencé, où elle n'a en fait rien à faire. Fargo sur FX
pourrait s'appeler Palookaville, USA et se dérouler au Texas ou en
Floride, se contenter de ressembler à l'univers des Frères Coen
comme le font les premières saisons de Breaking Bad. On y trouverait
moins à redire et à se gratter la tête que devant une série qui
claironne s'inspirer d'un film célèbre, tout en allant totalement à
contre-courant de son propos et en banalisant même l'héritage. Fargo, sorti en 1996, se foutait royalement de la gueule
des films à la Tarantino, de leur violence stylisée impunie et de leurs psychopathes présentés comme des rockstars. On y glorifiait
au trentième degré des ploucs et le bon sens des petites gens (était-ce de l'affection ou de la cruauté, il reste permis de
douter). On y montrait des
criminels pathétiques et hilarants. C'était ça, Fargo et c'est
bien pourquoi en 2014, Fargo sur FX aurait en principe du non pas récupérer à sa sauce tous les poncifs des polars actuels mais bien démonter sans aucune pitié ces anti-héros accidentellement
meurtriers de masse mais de plus en plus virils à chaque épisode et ces morts gratuites qui n'apportent rien à
l'histoire mais donnent au spectateur une impression de
« transgression ».
En
ne gardant du film que son titre, ses décors, ses gimmicks, un peu
de son ambiance et rien de son propos, Fargo sur FX rejoint en fait
la série des séries qui ne sont finalement que des rip-offs à la
con, ultra-cheaps et convenus, de films considérés comme des
citrons à presser jusqu'à la dernière goutte : La Planète
des Singes, l'Age de Cristal, Terminator, les Agents du SHIELD,
Hanniboule le Canadair, etc... And
for what? For a little bit of money. There's more to life than a
little money, you know. Don'tcha know that?
Disponibilité, réactivité, esprit de synthèse, aptitude à la rédaction, livraison rapide du produit fini. Sur Linkedin, ce plan là a de quoi sérieusement affoler les recruteurs : fin décembre, Benjamin Schoos me proposait un peu en urgence d'écrire un chapitre de ce fameux bouquin sur Jacques Duvall, sur base d'une interview menée par quelqu'un d'autre ayant entretemps abandonné le projet. C' était torché et envoyé quelques jours plus tard et aujourd'hui, le bouquin, Le Contrebandier de la Chanson, est en librairies, avec mon texte tout à la fin. C'est un livre plutôt marrant, à l'écriture chiadée et souvent tordante, dans le style du journalisme rock à l'ancienne. Très compétent dans son domaine, je vous le recommande chaudement.
Trésors
cachés et culture Desafinado
(publié
dans Jacques Duvall, Le Contrebandier de la Chanson, Editions du
Caïd, 2014)
“-
J'ai toujours aimé la face B, le trésor bien caché. Chez moi, je
crois que ça a toujours été très naturel de préférer Mylène
Demongeot à Brigitte Bardot ou Tom Ovans à John Prine. Bien sûr,
c’est Bob Dylan le génie mais Tom Ovans me touche, heu, comment
dire… C’est comme le type qui sort avec la fille la plus jolie du
quartier. Bravo, il en jette un max, il a la plus jolie fille du
quartier. Tu es un peu jaloux. Jusqu'au moment où tu repères cette
petite bombe un peu pétasse vue de l'extérieur, qui n'est pas la
plus jolie mais la plus SEXY. Elle ne fait pas monter ta cote, non.
Mais elle fait monter autre chose chez toi, et ça tu ne peux pas le
nier.”
Appelons
donc cela la recherche de l’érection esthétique, c’est-à-dire
privilégier une culture bis à première vue éventuellement mal
foutue mais charriant son lot d’émotions fortes. Cela n’a rien
de geek. Un geek se fabrique une bulle. C’est un collectionneur
souvent nostalgique qui s’enferme dans un erzats de chambre d’ado.
Il se protège du monde extérieur, de la réalité. Traquer le
trésor caché, c’est autre chose. L’histoire de Bob Dylan est
riche mais s’inscrit très vite dans une logique de show-business,
dont elle dépend et qui l’imprègne. Tom Ovans, c’est un
clochard, un vrai, meurtri par le monde extérieur, et il le chante
peut-être mieux, avec un meilleur ressenti, plus de classe, plus de
magie, que Dylan et son empathie pour le hobo vécue du haut de sa
tour d’ivoire. Ou peut-être pas. Peut-être Tom Ovans ne fait-il
que toucher une corde sensible chez ses pairs, chez les êtres qui
sont, comme lui, “désaccordés”.
“Désaccordé”,
en portugais, se dit “Desafinado” et “Desafinado”, c’est
une chanson
composée
en 1959 par Antonio Carlos Jobim et Newton Mendonça, véritablement
considérée comme l’hymne de la bossanova. Longtemps en Europe, et
plus singulièrement en Belgique, la bossanova et le jazz cool ont
tenu plus que tout du trésor caché. Via Marc Moulin et Alberto
Nogueira, le beau-père de Lio, Jacques Duvall s’est intéressé de
près à ce pan musical, qui est selon lui “la
bande sonore idéale pour lire Chester Himes, au temps où les romans
de la Série Noire s’ornaient encore en couverture de pin-ups
dénudées.” On
retrouve bien là son attrait pour la proposition ni élitiste, ni
branchée, mais simplement différente, répondant à d’autres
critères que le tout-venant culturel, la variété, le pré-cuit.
Outre l’idée d’une proposition plus bandante, une autre corde
sensible entre là en résonnance. La traque du trésor caché, le
culte de la face B, cela revient en fait tout simplement à se sentir
davantage touché par les choses “désaccordées”. Desafinado,
cela pourrait être une culture en soi; une culture au coeur de
laquelle des gens comme Jacques Duvall se sentent complètement à
leur place.
La
Bombasse de la Planète Drakulon
“Se
sentir à sa place”, un desafinado peut l’éprouver de bien de
drôles de façons dans de bien drôles d’endroits. Dans le
magazine Vampirella, par exemple, où Jacques Duvall écrivit sur le
rock “zombiesque”. Cette publication parisienne mélangea tout au
long des années 70 les adaptations françaises du comic book de
Forrest J. Ackerman et Frank Frazetta racontant les déboires d’une
bombasse de la planète Drakulon venue sur Terre sucer tout ce qui
bouge, pas que les cous, à des articles sur la culture bis. Duvall
s’y épanchait sur l’horror rock et le barnum voodoo, genres
musicaux grand-guignolesques notamment représentés par
Screamin' Jay Hawkins, Lord Sutch, Arthur Brown et autres précurseurs
du psychobilly. Ces piges ne suscitaient guère de grande passion à
la rédaction, tout au plus considérées comme un trou bouché dans
la maquette. Jacques Duvall, par contre, était très fier
d’être publié dans ce que beaucoup considéraient pourtant comme
un magazine de gare avec pour héroïne une Barbarella de série Z.
Si,
dans le souvenir de Duvall, les sorciers rieurs et outranciers du
rock horrifique n’ont pas vraiment marqué les consciences de la
rédaction de Vampirella Magazine, celle-ci vénérait par contre
Jesus Franco, alias Jess Franco, considéré comme le Ed Wood
européen, un réalisateur espagnol toute sa vie englué sans
déplaisir aucun dans la série Z alors qu’il avait pourtant été
assistant d’Orson Welles en tout début de carrière. Franco jouit
aujourd’hui d’un certain respect et d’un culte évident,
notamment pour son film Vampyros Lesbos. Ce n’était pas vraiment
le cas à l’époque où Jacques Duvall traquait la moindre de ses
sorties : “Jess
Franco était le héros des chroniqueurs de Vampirella. J'étais
comme eux amoureux de sa femme Lina Romay. J'allais voir Venus in
Furs ou La Comtesse Sanglante dans d'infâmes cinémas pornos. Ce qui
participait à la mystique du truc. Je ne suis pas sûr que cela
m'aurait autant parlé si je les avais découverts au Palais des
Beaux Arts.”
Autre
passion-nichons duvalienne : les fumetti italiens, ici pris au sens
anglais du terme (en Italie, le terme “fumetti” désigne les
bandes dessinées. Ailleurs, il est utilisé pour désigner les
romans-photos produits dans la Péninscule). Laura Antonelli en était
la star incontestée, dès le début des années 60. Duvall en garde
un souvenir ému mais son amour pour la culture populaire italienne
ne s’arrête pas aux romans photos, ni à la plastique superbe de
celle qui deviendrait l’orageuse compagne de Jean-Paul Belmondo de
1972 à 1980. Duvall : “L'Italie
c'était les westerns spaghetti, Hugo Pratt, et puis Adriano
Celentano, Patty Pravo, Luigi Tenco, Ornella Vanoni. L'Italie,
c'était le plaisir. L'intelligence était là, même plus
qu'ailleurs, mais cachée derrière le plaisir. Les romans photos
italiens, c'est mes premiers émois d'ado, très jeune. Laura
Antonelli était la reine du genre bien avant de passer au septième
art.”
C’est
pour un loser comme toi que je dois me raser les jambes chaque matin?
Si
la variété italienne de ces années là, très orchestrée,
finaude, passant de drôles d’émotions sous sa couverture
d’amusement pour toute la famille, reste associée à une certaine
idée du bon goût, il n’en va pas de même pour la country music,
autre genre musical malgré tout adulé par Jacques Duvall :
“J'aime
la country péquenot, les filles à choucroute qui chantent des trucs
du genre "c'est pour un loser comme toi que je dois me raser les
jambes chaque matin?". J’aime aussi la country intello torturé
style Townes Van Zandt, David Olney ou Tom Russell, mais ce que je
préfère c'est leurs chansons d'amour déchirantes. Là c'est
simple. Les meilleurs c'est les plus connus. Hank Williams bien sûr.
Et Willie Nelson, peut-être le gars qui a écrit les plus belles
chansons tous genres confondus. Il n'est pas mort à l'arrière de sa
voiture, il ressemble pas à James Dean, il est coiffé comme une
serpillère, mais qu'est-ce qu'on s'en fout... Si c'est de putains de
chansons que l'on parle, c'est lui qui me fait pleurer, ricaner,
avoir envie de mourir ou de vivre.”
C’est
la mère de Jacques, une Danoise élevée en Angleterre et au Japon
durant la guerre et qui y écoutait les radios américaines, qui lui
fit découvrir la country. A la télévision flamande, un soir de
diffusion du légendaire concert de Johnny Cash à la prison de San
Quentin. Toute la petite famille était réunie devant le poste et le
lendemain, Jaques filait chez le disquaire acheter "Wabash
Cannonball" (ou peut-être "Engine 143", en tout cas
une histoire de train).
Xième
retournement de veste
Pour
le grand-public, il n’y a pas plus opposé à la country-music que
le disco. Certains, et Jacques Duvall en fait partie, verraient même
le passage de l’un à l’autre ou un intérêt marqué pour l’un
après l’autre comme un retournement de veste. Dans l’histoire du
personnage Duvall, le disco, comme on s’y attend, entre en scène
de façon sexy et éduquée, bien qu’un poil détraquée : “à
l’époque, j’étais disc jockey dans un bordel. Avec Michel
Clair, mon collègue de la Médiathèque, le Willy DeVille ardennais
("Nocturne", 45 tours produit par Marc Moulin), on se
relayait une nuit sur deux, ce qui nous permettait de bosser la
journée plus ou moins frais. J'étais fan de blues (Willie Dixon,
grand maître!) et de soul (grâce à Philippe Garnier dans
"Rock'n'Folk", une malheureuse page chaque mois) mais
j'avais de graves lacunes en matière de trucs dansants. Un soir, une
go go girl africaine me dit "Passe-nous Barry White".
J'obéis poliment parce qu'elle était trop craquante, et là, la
claque. Michel, lui, connaissait déjà ça très bien et il m’a
refilé deux ou trois tueries pour enchaîner : "I'll Be Around"
des Spinners, "In The Rain" des Dramatics, "Hurts So
Good" de Millie Jackson… Avec ce background, quand le disco a
débarqué, j'étais mûr pour mon xième retournement de veste.”
Sauf
qu’il s’agit moins de retournement de veste que d’application
des lois de l’attraction. Un mec chante l’amour. Pour une femme
qui n’est peut-être pas la plus belle du quartier mais qui fait
monter autre chose chez lui que la cote. Qu’il soit country, bossa
ou disco, l’accompagnement est un poil désaccordé. Toujours.
Kiosk Radio 16.01.2018
Kiosk Radio 13.03.2018
Club Mania 12.05.2018
Late Ride 23.09.2018 (à partir de 1:00:00)
AGENT PALMER AMBIANCEUR
Aux platines, une purée de :
Wild Garage Rock Snob Pop Post-Punk Acid Gay House Drugged New-Beat
(également mariages, bar miztvahs, incendie de culottes de jeunes filles, etc...)
Vu chez : Kladaradatsh Palace, Voxer Parties, Bitchy Butch, Café Dirty, Café Central, Maison du Peuple, Bar du Matin, Soundstation Bar (Lîdge), Kosmu, Recyclart, Soirées Pousse-Disques, Batofar (Parijs), Magasin 4, Abbaye d'Aulne, Java, viré de chez Madame Moustache, Entrepôt (Arlon), Métro Valdi, Mini Panik Party aux Caves, Dillens Bar, Focus on The Croisetteke, Brussels Film Festival @ Flagey, Beursschouwburg, Queen's (de Saint-Gilles, pas de Paris) ...
Avant ou après : Zombie Zombie, Lydia Lunch, The Vogues, Bertrand Burgalat, Seasick, Neil's Children, Mountain Bike, AntoineAntoineAntoine, Mugwump...