De la
« dance music industrielle » pour « danser sur des
chardons, des tessons, des glaçons ». Pour une fois, j'aime
bien la formule utilisée
par ces idiots des Inrocks au moment de décrire la compilation Metal Dance, sortie sur Strut, une sélection de 28 morceaux classiques ou
rares tirés de la sphère industrielle/post-punk/EBM des années
1980-1988. J'aime bien la phrase, parce qu'elle claque, mais je ne
suis pas du tout d'accord avec ce qu'elle raconte. Comme le jeune
Alain Delon, c'est joli mais c'est con. Parce que cette musique n'est
pas froide, déjà. Du tout ! Derrière les machines, il y a des
mecs, derrière les mecs beaucoup de drogues et derrière les
drogues, des utopies de bandes sonores pour villages globaux.
Il n'y a
pas plus grosse connerie que ce cliché voulant que la musique
industrielle à vocation dansante n'ait été qu'un truc de blanc-bec
de droite se prenant pour un robot. Dans les années 80, pour un
disque du genre Kraftwerk qui sortait du frigidaire, il en tombait
trois du cocotier qui intégraient des basses rasta, des congas, des
rythmes africains, des chants arabes, parfois même des instruments
folkloriques et, au minimum, une bonne dose de funk. Le côté
expérimental du truc, ce n'était pas de repousser les limites de
l'audible, il s'agissait plutôt de tenter des chocs culturels
inédits (funk et bruit blanc, Afrique et machines, Cuba et
Sheffield...). Tout le côté növö, androïde du futur, c'était la
frime du moment, le décorum, et c'est ça qui est aujourd'hui
horriblement ringard, juste bon à intéresser les modasses et les
tarlouzes. La musique en tant que telle, elle est certes un peu datée,
parfois trop carrée, mais derrière la forme, je ne perçois pas que
l'esprit d'une époque révolue, il y a aussi le même élan qui fait
que, depuis toujours, des gens bougent leurs culs comme des diables
au son des tambours et puis, au bout d'un long moment, se sentent
tout bizarres.
Durée,
patterns, répétition, rythme, transe, il s'agit tout simplement de
convoquer la rencontre du primitif et de la technologie, du cosmique
et des poils qui puent. De faire en sorte que les gens, à force
d'écouter cette musique, commencent à avoir furieusement envie de
baiser, de tout casser et de croire à une puissance spirituelle
supérieure. L'ayant interviewé le temps d'une rencontre sinistre et
plusieurs fois vu foiré un dancefloor, je considère le sélectionneur Trevor Jackson comme un gros abruti prétentieux mais force est de reconnaître
qu'avec cette compile, il a eu la main
heureuse, la bonne idée de faire prévaloir le groove plutôt que
l'étalage de culture alternative. Stanton Miranda, Severed Heads et
autres Jah Wobble sont certes des classiques générationnels pour vieux clubbeurs, il n'en demeure pas moins ça reste surtout de putains de grosses machines à danser. Hier comme aujourd'hui.