lundi 26 décembre 2022

LE JOURNAL DU QUINCADO (15) : J'ECRIRAIS BIEN UN AUTRE LIVRE

 

Décembre 2022 - Si vous me suivez, surtout depuis longtemps, vous connaissez l'histoire : fin des années 80, je vois un OVNI dans le ciel wallon. Je suis sur le cul, je veux comprendre et savoir. Alors, je lis des livres qui me tombent des mains et je regarde des émissions à la télévision que je trouve complètement tartes. Dans mes recherches, je tombe aussi sur des trucs plus troublants qui me font gamberger et puis surtout, de fil en aiguille, je dévie des dossiers strictement OVNI vers ceux mettant en scène des conspirations plus globales. Parallèlement, émerge également ce que l'on va appeler la culture « stoner », qui me fait marrer, et que je suis amené à rencontrer dans mon vrai boulot de journaleux musical de la deuxième moitié des années 90. Bref, j'emmagasine une connaissance dont je ne sais que faire, dont je suis même un peu honteux. Tout en développant un point de vue agnostique sur un sujet sur lequel la plupart des gens ont un avis très tranché. Les OVNI, on y croit à fond ou pas du tout. Avouer que l'on ne sait pas, que l'on n'est sûr de rien et que l'on finit par carrément s'en foutre tout en sachant tout de même correctement résumer la plupart des théories existantes, voilà qui est beaucoup plus particulier. Un angle rare. Peut-être même une force. Dont je ne sais pas non plus quoi faire.


Au bout de quelques années, tout ça me gave. Les OVNI et écrire sur la musique. Je passe journaliste indépendant, spécialisé dans la culture plus générale et l'horeca bruxellois. Reste que ma grosse envie est de vendre des articles de vulgarisation des conspirations via le prisme de la pop-culture ; ce que faisait à l'époque quelqu'un comme Olivier Malnuit du magazine Technikart; selon moi plutôt mal, d'ailleurs. C'est important, donc j'insiste : le conspirationnisme via le prisme de la pop culture ! Rien de militant, rien de politique. Pas à la Marie Peltier, pas à la Rudy Reichstadt, pas même à la Vincent Flibustier, donc. A la Jon Ronson plutôt, à la Louis Théroux. Exemple : j'aurais aimé expliquer comment la théorie du Moon Hoax ressemble tout de même très fort au scénario du film Capricorn One ou rigoler du fait que certains croient très sérieusement que JFK s'est fait descendre par son chauffeur extraterrestre au pistolet laser. Et puis boum badaboum, voilà le 11 septembre 2001 et les journées macabres sur Internet qui suivent. Zbim zbam zboum, mon envie d'écrire sur les conspirations s'écroule encore plus vite que le World Trade Center. Ce jour là, le conspirationnisme cesse en effet, - à jamais en ce qui me concerne -, d'être pop, fun et rigolo. Il apparaît pour ce que c'est (depuis?) : un truc de vrais gros tarés. Un truc de vrais gros tarés qui virent carrément harceleurs maniaques et rongeurs de cerveaux dès qu'on leur dit qu'ils sont de vrais gros tarés. L'horreur, l'horreur, l'horreur... A fuir !


J'ai depuis emmagasiné d'autres connaissances dont je ne sais que faire. Un genre de trip à la fois différent et similaire. Le wokisme, tiens ! Quand je vois évoqué le wokisme dans la presse, surtout française, et sur les réseaux sociaux, surtout par la bande à Christophe Mincke et par les député.e.s Ecolo, je me dis que je pourrais apporter à ce grrrand débat du moment cette connaissance "différente" emmagasinée au sujet de cette révolution culturelle faussement tranquille et ce, une nouvelle fois, sur un ton plus pop, plus fun et plus rigolo que simplement militant et politique. Exploser une bonne fois pour toutes cet élément de langage que le wokisme n'existe pas ou relève juste du délire d'extrême-droite en expliquant les dégâts générés depuis quelques années dans le monde académique, le cinéma, les médias, la politique, le législatif... Mais pas à la Zemmour, pas même à la Nadia Geerts. A la Andrew Doyle, en mode Titania Mc Grath. A la John Cleese. En se marrant. Dénoncer un putsch idéologique dont les principales victimes sont majoritairement de gauche mais pas assez conformistes pour adhérer à des théories zinzin, une paranoïa contagieuse, du puritanisme franchement réac et un « on te croit » sacralisé. Ce qui n'est pas franchement folichon mais peut malgré tout prêter à la rigolade. Notamment en se foutant de la gueule des grands emballements. 


Voilà le bouquin que j'aurais éventuellement envie d'écrire. Le souci majeur étant bien entendu qu'il faut se dépêcher, profiter du temps qu'il reste avant que le wokisme ne génère son propre 11 septembre et que les excès de ses chevaliers, blancs comme noirs, cessent dès lors à jamais de faire sourire. Bref, ceci est une offre à durée vraiment limitée. Au premier Café Laïque plastiqué, au premier Bastien Vivès castré à la machette de jardinage, il sera trop tard !




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mercredi 7 décembre 2022

LE JOURNAL DU QUINCADO (14) : 28 YEARS LATER

Décembre 2022 - A titre professionnel, je n'ai plus beaucoup écrit, ni été publié, depuis ma dernière chronique pour Focus, fin avril de cette année. Ce qui m'a fait un bien fou. Comme expliqué dans le papier en question, « quand j’ai commencé ces chroniques du lundi, en septembre 2015, je me marrais encore bien sur les réseaux sociaux. Un peu trop même. Ce n’était alors pas compliqué de dégotter un sujet amusant sur lequel écrire. Pas forcément léger mais amusant. Il y avait encore beaucoup de vie sur Facebook. Twitter n’était pas encore devenu un ring de Mortal Kombat largement militant, ainsi que les archives de la STASI moderne. La plupart des gens s’y la jouaient grave mais plutôt maladroitement, et y cueillir de la couillonnade afin de la commenter de façon sarcastique n’était dès lors pas très difficile. » 7 ans plus tard, j'admettais toutefois que « depuis un bout de temps déjà, au moment de partir à la recherche d’un sujet «typiquement réseaux sociaux» pour en tirer une chronique publiable ici, j’ai de plus en plus souvent surtout ressenti l’envie de longues marches en forêt, de vol-au-vent accompagné de frites à une terrasse d’un «plus beau village de Wallonie» ou encore d’acheter du terreau et de faire mumuse avec des cactus en écoutant les albums chantés de Brian Eno. »

Devinez quoi ? C'est exactement ce que j'ai fait après avoir été lourdé de mon taf le plus public - Brian Eno, les cactus, les marches en forêt (le vol-au-vent, je suis moins sûr...). Je n'ai pas ronchonné, je n'ai pas pensé me pendre; d'autant moins que j'ai donc été remercié fin avril d'une place que j'envisageais quitter en juin : no big deal. Je n'ai pas cherché, surtout, à retrouver un job similaire, à ne pas perdre ma place dans la médiasphère. J'ai un peu travaillé dans l'anonymat ("Je m'appelle Serge, j'écris des trucs mais soit. C'est ici hors-sujet...") et j'ai bien davantage glandé, sans flipper, ce qui a été une libération dingue, aussi parce que voilà que maintenant, il n'existe plus aucun moyen de me « canceller » en représailles d'un statut Facebook ou Twitter mal digéré. Je ne suis plus une figure publique ou semi-publique. Je ne suis plus attaché à un média sur lequel tenter de faire pression pour qu'il me vire. Mieux : vu qu'il n'existe plus aucun canard ou site web, nulle part (Belgique, France, pays anglophones...), pour lequel j'ai envie de travailler, je ne compte même pas repostuler ou accepter une place de chroniqueur ou de journaliste. A moins que ça me paraisse pouvoir s'avérer rigolo. Ou que c'est super bien payé. 


Ce qui n'a pas l'air possible dans les conditions actuelles. Dans l'ambiance actuelle. Avec la profusion actuelle de grosses têtes de nœuds aux postes clés et décisionnels. Avec les sujets et les angles à la mode. Ce qui m'a toujours motivé, c'est la rigolade. C'est se brûler la tête ; pas la tiédeur, la retenue, la peur de choquer, les chichis, les trigger warnings, le militantisme gnangnan, faire mine de respecter l'irrespectable. Le modèle à suivre, c'est se foutre de la gueule des gens, avec du fond mais for the lulz; pas les lyncher à la Mediapart. C'est promouvoir la culture, la vraie, durable; pas Alice Coffin. C'est discuter avec des personnes qui ont plus de livres, de films et de disques chez elles que d'abonnés Instagram. J'ai commencé à écrire dans les gazettes en 1994 et j'ai tenu jusqu'en 2022. J'ai bien rigolé, vraiment beaucoup, mais je ne suis pas certain que ce « métier » puisse encore prêter, ni dans le présent, ni dans le futur proche, à une telle saine rigolade. 


Peut-être qu'un jour les conditions générales seront meilleures mais vu qu'elles n'ont cessé de se dégrader depuis les années 90, autant attendre que les poules aient des dents, ce qui pourrait être dans les cartons d'Elon Musk, mais même... Disons que je n'y crois pas trop. Du tout. Et que cela me va fort bien comme ça. Une telle constatation m'aurait fait très mal au cul après 2 ou 5 ans d'expérience. Pas après 28. 


Bref, si vous avez besoin de quelqu'un qui tape du Brian Eno au moment de rempoter vos cactus contre émoluments attractifs, vous savez où et comment me joindre... Je prends aussi les contenus de sites web, les brochures promo, les interviews corporate, etc... 


Autrement dit, je compte enfin exercer un "vrai métier". 




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samedi 18 juin 2022

LE JOURNAL DU QUINCADO (13) : NEVER JUSTIFY


Juin 2022 - J'ai de bons potes antivax. Du haut de mes trois doses Pfizer + Omicron, je les juge quelque peu téméraires mais comme ils ne se justifient pas, ça reste un détail, une note en bas de page d'annexe à leurs dossiers. Ce n'est pas quelque-chose qui me semble définir ces gens, donc valoir la peine que l'on en discute. Ce n'est pas important, tout aussi anodin au regard de nos amitiés que le fait qu'ils aient ou non trop de cholestérol, roulent vite en voiture ou aient des comportements sexuels à risques. C'est leur choix, ils ne me l'imposent pas et donc, je le respecte. Ce ne serait pas le cas s'ils commençaient à me tenir la jambe au sujet de Didier Raoult, de la 5G et du Great Reset. Ce ne serait pas non plus le cas s'ils se mettaient à chouiner que l'on ne sait pas grand-chose de l'ARN Messenger, d'autant que la plupart ont déjà sniffé du perlinpinpin ammoniaqué ayant survolé la moitié de la Terre dans le cul d'un faux touriste mexicain. En matière de choix de vie, je peux donc benoîtement TOUT entendre ou presque et l'accepter sans broncher, surtout si cela ne me concerne pas vraiment. En revanche, je n'ai plus aucune tolérance pour les justifications, les tortillages, le whataboutism. « C'est comme ça, je l'ai décidé et je l'assume totalement », oui. Le lyrisme cherchant à expliquer en quoi la main de l'enfant dans la boîte à cookies n'est pas du chapardage, non.


Mine de rien, voilà qui explique quand même pas mal aussi mon rejet de plus en plus total d'une certaine ambiance générale, d'une époque aux justifications pour ainsi dire constantes. Prenons la grosse affaire du moment : ce vote au Parlement bruxellois CONTRE l'obligation d'étourdissement (pourtant de mise en Wallonie et en Flandre) d'un animal avant son sacrifice rituel. Moi, j'étais plutôt POUR, principalement par principe moral et aussi parce que je ne pense pas que le religieux devrait encore peser sur des décisions politiques au XXIème siècle en plein cœur de l'Europe. Accessoirement, ça me fait aussi assez mal au cul de voir les partis pour lesquels j'ai toujours voté ainsi jouer la carte du bas clientélisme communautariste. Cela dit, je suppose qu'il existe des arguments CONTRE recevables. Seulement voilà, je ne les ai pas vus passer. Des défilés de justifications foireuses, oui. Des accusations de racisme, aussi. Du whatboutism vegan. Des grosses foutaises au nom du bien-être animal, à droite comme à gauche cette fois. Puisque la bestiole finit de toutes façons en gigots, moi, je pense pourtant que le fond du débat n'est pas là. C'est avant tout politique, social et religieux, cette affaire. Le reste tiendrait selon moi même carrément plutôt du concerto de pipeaux.


C'est que, forcément, le bien-être animal implique des bestioles vivantes et destinées à le rester. Abandonner des chiens sur les autoroutes, lancer des briques sur des chevaux et des vaches, balancer des sacs de chatons à La Meuse, les broyeurs de poussins, tout ça : c'est très vilain, pas bien du tout, on est d'accord. Protéger tout un tas d'espèces en voie de disparition, y compris celles succulentes à bouffer (la baleine, l'ortolan...) : oui, 1000 fois oui. Par contre, faudra m'expliquer comment tuer quelque-chose en évitant une violence certaine. Mourir, surtout tué, a tout l'air stressant. Chercher à atténuer ce stress est plutôt moralement cool mais aussi assez hypocrite. C'est l'humain qui en tire bonne conscience, pas l'animal, qui sombre quant à lui soit instantanément dans le Néant ou La Grande Lumière, soit pige encore un petit moment qu'il est mort et que l'on se met à le découper sans qu'il ne puisse plus rien y faire. Je suis de l'école Werner Herzog : c'est se mentir que de se raconter des fables sur la mort et la nature. Mourir, même dans son lit ou son pâturage, n'a pas l'air cool. C'est très joli mais très cruel, la nature. Très indifférent, surtout. D'ailleurs, si le mouton était une espèce carnivore de trois mètres de haut, je ne pense pas que le bien-être des imams et des rabbins d'élevage serait à l'ordre du jour du Parlement Mouton. Bref, je pense qu'on aurait pu éviter les laïus pontifiants et résumer bien plus drastiquement cette problématique. Soit vous étiez POUR parce que c'est complètement nawak qu'en 2022, des non-professionnels puissent encore égorger des moutons au nom d'une quelconque religion ; soit vous étiez CONTRE parce que dégommer rituellement du merguez en devenir n'est pas pire que d'éclater la gueule d'un poulpe sur un rocher et puis c'est pas non plus négligeable que de chercher à plaire à un électorat numéraire alors que votre wokisme fait cavaler ailleurs vos anciens sympathisants.


La franchise. Se foutre des petits pouces levés, des petits cœurs avec les doigts et des possibles shitstorms. Assumer. Comment est-ce foutre possible que tout cela soit devenu à ce point ringard ?


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mercredi 1 juin 2022

LE JOURNAL DU QUINCADO (12) : HOW DEPP IS YOUR LOVE ?

 


Mai 2022 - Au début, je faisais la fine bouche, celui qui n'a rien à secouer des first world problems des riches stars hollywoodiennes. Puis, j'ai regardé un petit bout du truc, en direct sur YouTube, et j'ai été complètement scotché, passionné, englouti. Je crois que c'est Joe Rogan qui a parlé de ce procès comme du « wildest shit show ever » et c'est exactement mon ressenti. Le procès Amber Heard/Johnny Depp, c'était sauvage, sale, débile, délirant et complètement addictif. Ca va inspirer des comédies trash, des personnages à la Tropic Thunder. C'était vachement mieux que la baffe de Will Smith à Chris Rock pour donner des idées de bonnes vannes sur la décadence hollywoodienne aux trublions patentés. Fuck la sociologie de comptoir, vivent les Bruce Wagner, les Bret Easton Ellis, les frères Coen et les Ricky Gervais ! Mort aux récupérations militantes, vive la satire et le foutage de poires à vie de ces deux cassosses ! Quelle que soit la suite de la carrière de Johnny Depp, moi, je le verrai désormais à chaque coup comme le barlosse cocufié par James Franco avec de la peau de cul greffée à son doigt. Quelle que ce soit la suite de la carrière d'Amber Heard, je me l'imaginerai à chaque fois le croupion à l'air et la moue psychobitch accroupie au-dessus d'un oreiller de soie en train de pousser sa crotte revancharde.


Ce procès a été un remake américain diffusé à échelle planétaire et commenté en direct sur les réseaux sociaux des meilleurs épisodes du Strip-Tease des années 80 : ceux avec les toxs de Jupille, les cas sociaux de La Louvière. Même ambiance, totalement. Ca te chie sur le lit, ça te menace de balancer le toutou mongolo par la fenêtre. Ca s'enregistre en train de ricaner comme Linda Blair dans l'Exorciste, ça te pète des armoires de cuisine après s'être versé des verres de vin qui vident des bouteilles (les fameuses MEGAPINTS!). Ca te nie que Johnny Depp a depuis toujours choisi ses rôles avec à peine plus de discernement que Michel Galabru, ce qui a forcément nuit à sa comptabilité. Ca tente de te faire passer pour un produit pour enfants un type qui à même pas 35 ans était déjà copain comme cochon avec Hunter S. Thompson et les Butthole Surfers ; ce qui laisse tout de même supposer des narines assez ouvertes aux expériences extrêmes et une tête plus à l'Ouest que Lucky Luke. Ca nie aussi qu'Amber Heard a du voir Gone Girl à peu près 150 fois en prenant des notes et qu'un gnon dans la gueule laisse des traces un peu plus longtemps qu'un buzz sur TMZ.


Résultat sur mézigue, comme dans le temps devant Strip-Tease : une fascination certes condescendante mais surtout très amusée, des barres de rire, aucune empathie. Des réflexions de concierges, aussi : « Rhooo, putain, elle a gardé les 7 millions ! » et « 8 ecstas d'un coup, mais il va avoir sa statue à Dour, le Johnny ! ». Fini le glamour red carpet, on nage en plein Zola. Ca chie, ça tise, ca braille, ça pue. Bye bye, Dior, adios L'Oréal. Bonjour L' Assommoir, Hello Nana. Peu importe qui ment le plus, peu importe qui a réellement souffert. Deux millionnaires se foutent sur la gueule, c'est pas Marioupol. Johnny Depp a gagné, c'est la fin de #MeToo ?!? Et Asia Argento, c'était du poulet, peut-être ?


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lundi 2 mai 2022

DESPENTES SAVONNEUSE : FOIE DE VEAU & LITTERATURE

L'autre jour, je me suis chopé le premier tome de Vernon Subutex dans une boîte à livres et j'ai ensuite tapé sur Facebook que le bouquin m'amusait et me plaisait, notamment parce que le héros vivait des choses que j'avais vécues et que d'autres personnages me rappelaient des connaissances. Je trouvais donc que c'était bien croqué de la part de Virginie Despentes, autrice qui n'est sinon pas du tout ma tassé de thé et dont les bouquins ne tiennent selon moi jamais la longueur. Ca n'a pas mis un quart d'heure avant qu'un trio de féministes actives dans la bière (?!?) ainsi qu'un gars que je fréquentais il y a 30 ans assez porté sur les questions sociales me traitent en retour de « vieux masculiniste », "détraqué idéologiquement", qui considérait Despentes "même pas bonne pour le rebut". Autrement dit, si l'une se contente d'écrire des livres, La Saint-Eglise de Notre-Dame Despentes traque l'hérétique. Ce qui est certainement plus problématique que de publier des nanars.


Faut-il vous rappeler que le premier bouquin de Virginie Despentes, Baise-Moi, sort sans tambour, ni trompette, fin 1993 aux éditions Florent Massot, directement au format poche. C'est dans le cadre de la collection « Poche Revolver », qui entend proposer une littérature de gare trash, rock et moderne. De la série B, voire Z, totalement assumée. Une sorte de Série Noire grunge, dont la Génération X est le principal cœur de cible. 1993, c'est deux ans seulement après la sortie d'American Psycho de Bret Easton Ellis et c'est un an avant Pulp Fiction et Tueurs Nés au cinéma, qui sortent tous deux fin 1994. Kurt Cobain est toujours vivant et c'est un moment de l'histoire culturelle où il est assez « branché » d'adorer l'ultraviolence et le rock sale (ou le gangsta rap). Que cela soit ou non voulu, le titre « Baise-Moi » est forcément cousin de celui de la chanson «Rape Me » de Nirvana, également sortie fin 1993, et sur la couverture de la première édition, un gamin se prend une balle dans la tête, ce qui n'est pas sans rappeler la tétine dans la flaque de sang de l'affiche originale du film C'est Arrivé Près de Chez Vous, totalement culte depuis 1992. On a aussi cru malin d'y ajouter une vignette « parental advisory » (en français : « Avis aux Parents : Textes Explicites »), comme sur les CD américains mal polis de l'époque. De la provoc à la fois facile et identitaire, qui parle principalement à un public spécifique et qui entend capturer un certain air du temps. Durant un an, Baise-Moi reste quoi qu'il en soit très underground. Ce n'est que fin 1994 que les ventes de Despentes décollent, après un passage remarqué et pistonné par Laurent Chalumeau – lui aussi publié par Florent Massot- à Nulle Part Ailleurs. Baise-Moi devient alors culte, bien vendu et polémique. Pour sa violence mais aussi parce qu'il est fondamentalement écrit avec les pieds.


Je me souviens de débats assez houleux sur le forum du magazine Technikart, une poignée d'années plus tard, alors que le bouquin était désormais considéré par certains comme totalement culte, quasi classique, tout en étant aussi plutôt vu comme complètement con par d'autres. L'un des journalistes alors phare de la revue, Patrick Williams, estimait que ce n'était que secondaire que Despentes écrivait mal, tant ce qu'elle avait à dire était important. L'éternel débat du fond et de la forme. Cela me faisait d'autant plus marrer qu'à mes yeux de belge touchant sa bille en matière de cultures alternatives, Despentes non seulement ne pissait pas très haut niveau style et crudités (elle n'est pas Selby et ne le sera jamais) mais était surtout une caricature ambulante de rockeuse franchouillarde qui n'avait en réalité pas tant que ça à dire, n'ayant jamais pondu qu'un remix porno de Thelma & Louise. D'ailleurs, quoi de plus clicheton et ridicule que le milieu rock franchouillard, surtout ces années là ? En décembre 1995, Rock & Folk consacrait encore sa couverture à Led Zeppelin. Ici, à la même époque, we loved techno, d'Aphex Twin retournant le Fuse aux Chemical Brothers atomisant le Vooruit de Gand. A Paris, c'était du côté de Nova et de la french touch naissante que cela se passait. Au milieu des nineties, le rock n'était évidemment pas mort. Mais ceux qui le vivaient faisaient assurément partie d'une chapelle culturelle, ainsi que d'un culte identitaire. Une bulle assez réac.


En 2000, le film tiré de Baise-Moi fout la panique morale. Vraiment. Une véritable folie médiatique impliquant mouvements féministes alliés de circonstance à l'extrême-droite catholique (mais oui!), retour de la censure d'état et lettres ouvertes de psychanalystes expliquant en termes ronflants pourquoi être pour ou contre la banalisation du porno. Un très grosse shitstorm. Le film tient quoi qu'il en soit de la daube. Dans Libé, en 2000, on peut ainsi lire que « Baise-Moi apparaît comme un vieux film, dépassé par la culture dont il est inspiré. La mention "Interdit au moins de 16 ans" concerne bien évidemment les scènes de sexe. C'est pourtant bien la mention "tourné en numérique" qu'il conviendrait d'indiquer sur l'affiche, car elle donne une information capitale sur l'esthétisme hasardeux du film, de ces films. L'objet DV (petite caméra numérique) influe sans aucun doute sur la façon de filmer. Portée à la main, cette caméra n'incite pas le metteur en scène à construire son espace. On filme dans l'urgence et dans l'espoir qu'il en naîtra un style. C'est l'art de la spontanéité. »


Deux ans plus tôt est pourtant sorti Les Idiots de Lars Von Trier et deux ans plus tard déboule sur les écrans 28 Days Later, film d'action et de fin du monde à budget confortable. Là aussi, c'est de la DV mais que l'on aime ou non Lars Von Trier et Danny Boyle, ce sont ce vrais cinéastes, formés pour construire des espaces. Or, que l'on aime ou non Virginie Despentes, elle n'est pas cinéaste et Baise-Moi reste un film gonzo amateur tourné comme elle écrivait : avec les pieds. D'où d'ailleurs un énième retour au débat du fond et de la forme. Pour moi, ce fut vite tranché : en 2000, je vois Baise-Moi au cinéma avec ma copine de l'époque et quand c'est fini, on a encore tellement faim de cinoche qu'on se paye directement Mission Impossible 2 de John Woo à peine sortis de la salle. Le « tout ça pour ça ? » dégonfle ensuite assez vite le buzz. Durant quelques années, il me semble que l'on n'entend ensuite même plus trop parler de Despentes, du moins en Belgique. Je me souviens bien avoir vu Les Jolies Choses. Peut-être même l'ai-je lu et pensé qu'elle commençait à mieux écrire. Je ne sais plus. Zéro souvenir de ces années post-Baise-Moi, pré-King Kong Théorie, où Virginie Despentes fait désormais partie des meubles mais des meubles qui traînent à la cave. Ou que l'on n'achète tout simplement pas parce qu'ils ne correspondent pas à nos goûts.


En 2004, Despentes attire à nouveau davantage l'attention suite à son blog. Je n'ai aujourd'hui plus aucun souvenir de son contenu mais je me souviens très bien alors avoir pensé y discerner un pattern, que j'estime largement confirmé et toujours valable depuis. Virginie Despentes a des choses modernes un feeling qui intrigue mais qui déçoit quasi immanquablement sur la longueur. Elle tape sur la table un sujet ou un angle qui mérite l'attention mais n'arrive ensuite jamais à mener ça correctement vers autre chose que du gloubiboulga autant fanfaron que franchement discutable. Pour parler le Cosmani, elle a quelques fulgurances mais celles-ci virent la plupart du temps vite, trop vite, en platitudes et autres simples couillonnades. C'est pour moi sa marque de fabrique, qui s'applique à tout ce que j'ai lu d'elle depuis, autant donc à King Kong Théorie qu'à Vernon Subutex 1, en passant par ses papiers polémiques sur Charlie Hebdo et Me Too publiés dans la presse. Elle a le chic pour soulever un point, désigner du doigt un fantôme qui hante l'air ambiant, mais sur la longueur, au moment d'expliquer et argumenter, elle s'englue fissa dans la caricature ou même le complètement débile. Comme Michel Houellebecq, en fait, qui transforme lui aussi depuis 20 ans des intuitions intrigantes en torchons poussifs. Qui part lui aussi souvent bien, voire même très bien, pour vite se manger un fossé. Qui tout comme elle est lui-même devenu une créature médiatique adepte de la tartuferie soi-disant apolitique alors qu'elle flatte principalement les extrêmes.


Je pense ici exposer un avis assez dépassionné. Je parle de Virginie Despentes et de Michel Houellebecq comme je parlerais de foie de veau. Je n'aime pas trop ça, je me demande même comment on peut aimer ça, mais je ne cherche pas à en dégoûter qui que ce soit. Je pense même que c'est en fait plus mangeable que d'autres trucs si affamé. Je viens donc de finir le premier tome de Vernon Subutex. J'ai bien aimé les 100 premières pages, beaucoup moins les 300 qui suivent et je n'ai pas envie d'en connaître la suite. C'est mieux qu'Alexandre Jardin et Amélie Nothomb mais ça ne vaut pas Emile Zola et Anna Kavan. Donc, je vais maintenant plutôt lire Emile Zola et Anna Kavan, sait-on jamais que les Russes balancent une bombe nucléaire sur la Belgique avant que je n'ai eu l'occasion de continuer le cycle des Rougon Macquart et d'ouvrir A Scarcity of Love en perdant trop de temps sur cette nawakerie de Vernon Subutex, trilogie qui passe tout de même très vite de la fresque sociale rock and roll amusante et crédible à la science-fiction bien péteuse et complètement pinpon. Autrement dit, amusez-vous bien avec votre foie de veau mais moi, je préfère définitivement le poulet. C'est mon choix et qui serait assez zinzin pour s'en formaliser, pour chicaner cette préférence ?


Despentes a du comprendre il y a bien longtemps déjà que l'on ne peut pas plaire à tout le monde. Elle a l'air de copieusement s'en branler d'ailleurs. Respect pour ça ! Ce n'est donc pas elle, le souci. C'est l'Eglise de Notre-Dame Despentes. Celles et ceux dont c'est la gouroute. Celle et ceux pour qui le foie de veau n'est pas juste un produit vendu en rayon mais the only way. Un mode de vie, un évangile. Un manuel de rééducation aussi. Celles et ceux pour qui une série Z où deux gouines butent des beaufs et une autre où un DJ clodo qui joue Work Bitch en soirée devient le Petit Jésus 2.0 de la France post-attentats ne tient pas du divertissement cathartique mais du pensum politique, voire même du bouquin de self-help. Celles et ceux qui trouvent dans ces bouquins des réponses à leurs colères, à leurs indignations, à leurs trous dans le coeur. Celles et ceux qui deviennent donc aussi tarés et pétochants que tous ces droitards qui n'ont rien compris à Fight Club et tiennent ce bouquin pour une glorification des pains dans la gueule et du terrorisme anarcho. Celles et ceux qui sont sur une Despentes bien savonneuse, donc. 




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dimanche 20 février 2022

MA SOLUTION A VOS PROBLEMES #1 : LE HARCELEMENT DANS LE METAVERS


Il y a quelques années, il a été fort question que je travaille pour le magazine bruxellois The Word. Une idée qui me bottait bien avait été mise sur le tapis : que j'écrive des chroniques où je proposais une solution de mon cru aux problèmes du moment. C'était l'époque du piétonnier de Bruxelles et du démantèlement du viaduc Hermann-Debroux. What would Serge do, dans ce cas ? (c'était le titre envisagé) Déménager le viaduc au-dessus du piétonnier, bien évidemment. On a bien ri mais l'idée de collaborer est néanmoins tombée à l'eau, sans la moindre acrimonie, ni animosité. Tombée à l'eau et de retour sur le rivage en 2022. "Ma Solution A Vos Problèmes", sur ce blog aujourd'hui et plus tard dans votre gazette si affinités! 

Le Problème : 

Le Harcèlement dans le Metavers

Ma Solution : 

« Une agression dans le métavers de Facebook : c'est réel ou c'est virtuel ? » se demandait dernièrement un article sur le site de la RTBF décrivant une mésaventure vécue par une utilisatrice de Horizon World, l'espace en réalité virtuelle que Meta (Facebook sous son nouveau nom) est en train de tester en Amérique du Nord. « Une sorte de réseau social en 3D », un Second Life des temps modernes. Scandale : dans cette réalité de pixels, l'avatar de cette jeune femme a été « harcelé » et « peloté » par un autre avatar ! « Le harcèlement sexuel n’est déjà pas drôle sur Internet, mais être en réalité virtuelle ajoute une couche qui rend l’événement plus intense. Je n’ai pas seulement été pelotée hier soir, il y avait également d’autres personnes qui soutenaient ce comportement, ce qui m’a donné un sentiment d’isolement dans cet espace », a-t-elle expliqué à la presse et au vice-président de Meta, qui s'en est excusé et a qualifié cet incident « d'absolument malheureux ». L'article de la RTBF va quant à lui jusqu'à évoquer la possibilité de sanctions dans le metavers, ainsi que de poursuites en justice dans cette réalité ci pour des faits délictueux commis dans cette réalité là. Au motif que l'espace virtuel, c'est l'espace public. Mais est-ce vraiment ici le cas ? 

On ne parle pas ici de Facebook, d'Instagram ou de Twitter, qui sont des outils faisant pleinement partie de notre monde. On parle d'une autre réalité, d'un univers totalement artificiel, autrement dit une expérience immersive a priori bien plus proche du trip psychédélique et du jeu vidéo que du forum en ligne. Votre corps est ici, votre esprit ailleurs ! Dans la presse américaine, il a pourtant été rappelé qu'une plainte assez similaire à celle de cette utilisatrice de Horizon World avait déjà été médiatisée, il y a quelques mois. Là encore, il s'agissait d'un cas de harcèlement sexuel dans... un jeu de zombies ! Une joueuse s'était retrouvée coincée avec un autre joueur dans une impasse et celui-ci s'était soudainement transformé en une sorte de démon lubrique qui s'était mis à la « peloter » plutôt que de continuer à mitrailler les morts-vivants. Si cette plainte avait été prise relativement au sérieux par une certaine presse et par quelques associations, elle avait bien entendu fait hurler de rire sur les réseaux sociaux.

Pelottée dans un jeu de zombies ? Non mais avez-vous déjà entendu parler du « teabagging » de Call of Duty ? Vouloir en faire porter la responsabilité à quelqu'un qui se trouve en réalité peut-être bien à 3000 kilomètres de là au moment des faits ? Quelqu'un qui pourrait d'ailleurs très bien vous loger une balle virtuelle en pleine tête virtuelle ou se mettre à vous grignoter le cul virtuel dès que lui-même virtuellement zombifié sans que vous n'y trouveriez à redire parce que là, ça fait partie du jeu, ce sont les risques du métier de tueuse de zombies ? Alors d'accord, l'espace virtuel fait partie de l'espace public quand on peut y voler votre vrai argent, vous pousser à un suicide dont vous ne ressusciteriez pas et dévoiler au monde votre intimité réelle en mode revenge porn. Mais l'espace virtuel tient-il encore de l'espace public quand cet espace est une fantaisie complète ? Car, dans ce cas, qu'est-ce qui empêche la Cour Pénale Internationale de poursuivre pour crimes de guerre et génocides multi-récidivistes les participants aux jeux de massacre en ligne voulus réalistes ? 

Dans une chronique pour Focus ayant déjà le Metaverse pour sujet, je rappelais que Second Life existe toujours et, y citant un article du journal Le Monde, que pouvaient s'y exprimer « les fantasmes interdits : certains avatars s'adonnant à la pédophilie ou la zoophilie ». J'y prévoyais aussi, m'en moquant, la probabilité que le Metaverse de Facebook/Meta soit quant à lui très « politiquement correct », puisque géré par une compagnie qui interdit déjà sur son réseau social les représentations de femmes nues et l'usage de certains mots jugés offensants pour certaines minorités. Cette suite sérieuse donnée à une plainte loufoque semble donc confirmer cette éventualité. Loufoque, parce que l'on se retrouve donc bel et bien devant un cas de figure comparable à quelqu'un qui se plaindrait d'un jeu de rôle médiéval où un Nain vous plante une épée dans le bedon et vous vole votre Or alors qu'il s'était pourtant présenté comme Allié. Personne ne prendrait au sérieux quelqu'un qui irait ensuite poursuivre en justice pour vol avec violence la personne qui manipulait le Nain via un clavier et un écran. Loufoque, parce que le Metaverse de Meta/Facebook ne sera bien entendu pas le seul sur le marché. Or, si le harcèlement sexuel sur des corps informatisés dans la réalité virtuelle de dessin animé disneyen qu'est Horizon World est considéré comme « absolument malheureux » par Meta, on peut supposer que cela ne le sera pas par les créateurs de The Sandbox, metavers concurrent partenaire de Snoop Dogg évidemment beaucoup plus trash. 

Il y a donc déjà une concurrence redoutable qui s'installe entre metavers, certains bien entendu plus permissifs que d'autres. Ce qui existe dans la réalité : on n'a pas toujours picolé aussi pépouze au Mississippi qu'à Las Vegas, par exemple, et on peut donc très bien concevoir que des règlements différents dans les différents metavers existent comme existent des lois différentes dans les Etats. Encore que l'on peut se demander quel serait alors l'équivalent de la Cour Suprême ou d'un tribunal fédéral en cas de litige ? On peut surtout se demander pourquoi est-il aussi possible de peloter des avatars dans un metavers qui trouve le geste affreux alors que dès les premiers jeux vidéo mis sur le marché, il existait déjà des limites impossibles à franchir, comme de tuer ses alliés, par exemple ? Une amie m'a d'ailleurs soufflé ce qui serait pour elle une bien meilleure solution au problème que des poursuites légales ou un banissement à vie du metavers : faire en sorte que la victime puisse se transformer en monstre sur-puissant et démolir à ce point l'avatar du harceleur qu'il lui faudrait beaucoup de metadollars pour retrouver une apparence normale. Voilà qui est à la fois très moral et aussi très commercial et 100% capitaliste. Allô, Meta ?

Le fin mot de l'histoire : 

C'est finalement une toute autre solution retenue par Meta afin d'éviter le harcèlement dans son Metavers. 


Youpie! 


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