lundi 26 avril 2021

LE JOURNAL DU QUINCADO (8)

Avril 2021 – Dans le code de déontologie journalistique, la notion d'intérêt général ne compte pas pour des prunes. Théoriquement, du moins. L'affaire du cycliste des Fagnes, un tweet sexiste ou islamophobe à la con, les pompiers qui matent des films de cul, les restaurants clandestins, c'est de l'intérêt général ? Ca peut, si on s'applique. Ainsi, si j'étais chargé d'écrire un article sur les restaurants clandestins, j'y évoquerais ce que l'on y bouffe, dans quelle ambiance, pour combien, à combien, la logistique, qui y livre et comment, ce que l'on y risque, le kif de l'interdit... Dénoncer l'organisation, les chefs participants et les noms et fonctions exacts des clients ne me viendrait en revanche jamais à l'esprit. Comprendre, ne pas juger, comme disait l'autre. Rester journaliste, pas se transformer en assistant de police, en balance, en procureur ou, pire encore, en justicier. Je vomis vraiment ce journalisme soi-disant citoyen et très à la mode qui ne cherche plus à relater au mieux les choses mais bien à faire tomber des têtes. Ce que savoure le petit public dégueulasse de ces torchons, bien biberonné à Twitter et à cette sale manie de s'indigner de tout et rien non pas parce qu'il y a de quoi mais bien parce que ça donne une image vertueuse d' « acteurice du changement ». En attendant, Pierre-Jean Chalençon n'est toujours pas Richard Milhous Nixon et si mettre en lumière l'existence de restaurants clandestins peut donc relever de l'intérêt général, faire en sorte que son petit papier à la Zorro génère une suite judiciaire et du lynchage sur les réseaux sociaux n'en reste pas moins profondément minable. D'autant que c'est le plus souvent enrobé dans un storytelling à la Marie-Antoinette et sa brioche, touillé pour bien titiller les tentations de justice expéditive : « holala, mais regardez-moi ça, les rupins s'asseyent sur les règles Covid, gnagnagna. Ils festoient tandis que l'on se prive, gnagnagna. » On flatte là les envies de fourches, de flambeaux et de guillotines, les vieilles pulsions révolutionnaires. Sans quoi on parlerait sans doute aussi un peu plus des friteries clandestines et des spagh-bols à l'arrière des bistrots de quartiers. C'est donc moins du journalisme rencontrant l'intérêt général que du populisme de bas-étage servant sa propre lubie socio-politique. Comme quoi, Donald Trump et Mediapart ont plus de points communs qu'on ne le pense.

Un autre storytelling qui me broute bien en ce moment, c'est cette manie de balancer des anecdotes terribles à la tronche de celles et ceux qui tentent de vivre plus ou moins cool en ces temps de pandémie. Les stigmatiser, d'abord : « rassuristes », « irresponsables », « égoïstes », autant dire « connards ». Ensuite, leur balancer des photos de malades en soins intensifs et des histoires de jeunes sans comorbidités décédés étouffés totalement seuls en seulement trois jours. Que le Covid soit une dangereuse saloperie, c'est acté, mais il me semble tout de même tout aussi acté que pour une majorité de gens qui le chopent, ça se limite à quelques jours de pets sans odeur et de nez qui coule. Achtung, je ne minimise rien. Je rappelle juste une évidence : toute maladie de ce type est profondément injuste. Certains en meurent, d'autres en souffrent et d'autres encore s'en sortent avec juste une bouillotte et deux cachous. C'est la vie, c'te pute. Or, je ne vois que peu de traces de cette réalité dans les médias et sur les réseaux sociaux, où tout n'est bien souvent que ruines et désolation. On cherche à responsabiliser le public en l'horrifiant, comme quand on a collé des photos de poumons crasseux et de cancers dégueulasses sur les paquets de clopes. Exactement la même tactique. D'accord, on dira que c'est pour la bonne cause : éviter qu'un système de santé sous-financé depuis des années ne s'écroule définitivement, débordé de toutes parts. N'empêche que là aussi, on joue donc sur les pulsions simplettes : la peur et la psychose mais aussi la colère envers ceux qui ont moins peur. Comme quoi, la com d'urgence des autorités belges et du gouvernement chinois ont plus de points communs qu'on ne le pense.


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vendredi 16 avril 2021

LE JOURNAL DU QUINCADO (7)

Avril 2021 - Une cuite, une seule, depuis le début de l'année. Facebook désactivé et probablement bientôt totalement supprimé. Plus aucun intérêt pour le binge-drinking de communication politique, de journalisme pandémique, de polémiques de plus en plus gorafiques, de wokeries, de racialtrucs, de féminibrols, de Charlie, de pas Charlie, d' islamo-gauchisme, de trolls de droite, de Bouchez, d'Ecolo... Je ne sais pas si c'est la cinquantaine ou la lassitude des vieilles habitudes mais depuis le début de l'année, je m'allège. Marre des gueules de bois. Marre des gueules de cons. Jamais eu besoin de Marie Kondo pour me débarrasser de ce qui m'emmerde, je préfère la méthode « Victor, nettoyeur », propre et nette. J'ai bien eu un peu peur de perdre le mojo de la tchatche et le sens de la formule en arrêtant la murge mais ça a curieusement été très facile et sans fâcheuses conséquences. Trois mois seulement d'abstinence totale et me voilà aujourd'hui à nouveau capable de boire une seule bière pour le goût, pas l'effet, sans automatiquement la faire suivre d'un litre de vin et d'une douzaine de shots de vodka ou de whisky. Je ne me sens pas spécialement mieux, libéré ou renouvelé. J'ai juste arrêté quelque-chose qui commençait à sérieusement me les briser : picoler devant l'ordinateur, picoler sur les réseaux sociaux. Quelque-chose que je faisais avec un plaisir certain mais qui est devenu drôlement moins fun depuis le Covid, les confinements à répétition, les incompétences que cela trahit et les emballements qui en découlent. Depuis que les gens sont vraiment à cran et les algorithmes désormais programmés par des gros veaux, aussi. J'ai arrêté l'alcool régulier en 2021 mais à l'avenir, je boirai encore excessivement, parce que j'aime ça et que c'est très gai en bonne compagnie. Le jour où je me coupe des réseaux sociaux, en revanche, je n'y reviendrai pas, vu qu'ils me semblent d'une part plus nocifs que la pire piquette et que je n' en attends sinon plus grand-chose. Ce dont on ne se rend pas forcément compte bourré.


Tant qu'à s'alléger de pesantes couillonnades, j'ai aussi décidé que documents administratifs et quelques tracts strictement utilitaires mis à part, je ne lirai plus rien en écriture inclusive. Plus aucune patience pour ces conneries, direct à la poubelle. Ca m'est venu en essayant de piger un résumé de légende américaine du XVIIIème retartiné à la sauce militante post-moderniste. Résultat non seulement illisible mais surtout niais. Pourtant, en soi, la légende en question, La Boueuse du Mississipi, m'intéresse. Mais juste la légende, pas l'interprétation militante à trois siècles d'écart par une artiste européenne dont je n'ai que foutre des tentatives, via le recours à cette écriture spécifique, de m'obliger à réfléchir sur la place des femmes dans la société contemporaine francophone. Je veux juste la bonne histoire de monstre du XVIIIème siècle telle qu'elle s'est transmise depuis. Pas le préchi-prêcha à la mode qui s'en sert comme prétexte pour tenter de hacker mon cerveau et me transformer en « allié » dans la lutte contre le Patriarcat. L'écriture inclusive est une arme idéologique, pas un outil de communication. Or, après avoir lu Douglas Murray et écouté des podcasts où s'exprime Andrew Doyle, j'en retiens principalement qu'il faut savoir dire non à toutes ces conneries intersectionnelles, ces visions zinzin des hiérarchies sociales, ce wokisme identitaire crétin. NON. J'aime bien ce mot. Depuis tout petit, je suis marqué par quelques refus célèbres de la pop culture. Celui du singe César qui dit NON aux humains dans un épisode un peu piteux de la franchise originelle de La Planète des Singes. Le NON du Surfer d'Argent à Galactus. Le « Here is a man who would not take it anymore » de Taxi Driver. Easy Rider, Vanishing Point, The Graduate : aussi que des refus. Mon mot préféré dans la vie est probablement « saucisse », toujours assuré de me faire bidonner et superbe insulte. Au moment de faire les comptes, « NON » n'est cela dit quand même pas loin derrière. 


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vendredi 2 avril 2021

CHEVEUX ROSES, IDEES NOIRES

Finissant Mindf*ck, le livre du lanceur d'alerte Christopher Wylie, ex-Cambridge Analytica, je me suis dit que ça serait quand même pas mal, voire obligé, que nos mandataires locaux désireux de réguler la haine sur Internet le lisent avant d'encore penser à des lois visant à ne punir que les utilisateurs problématiques des réseaux sociaux tout en laissant les plateformes prospérer. Que les trolls soient une nuisance, d'accord, mais quand il est prouvé que des firmes spécialisées dans la manipulation psychologique et la déstabilisation sociale, repèrent ces trolls et les utilisent à leur insu pour servir des intérêts financiers et politiques qui tiennent de la très grosse encule internationale, qui sanctionner ? Le no-life qui insulte des femmes sur Internet pour occuper le vide de ses journées ou l'entreprise qui l'a psychologiquement profilé comme misogyne et injecte dès lors des fake news dans son fil d'actu pour lui faire croire que le féminisme intersectionnel, en réalité aussi anecdotique que la K-Pop, est un danger pour ce qui lui reste de vie ? A partir du moment où de plus en plus de gens qui ont participé à la création des réseaux sociaux expliquent en quoi ils sont devenus dangereux, pourquoi ils manquent d'éthique et comment leur business-model consiste à « enrager » leur public, pourquoi les laisser continuer ? Pourquoi chercher à n'en réglementer que l'usage plutôt que d'oeuvrer à sérieusement en limiter la capacité de nuisance? 

Comme c'est parti, la guerre à venir contre la haine en ligne va pourtant, me semble-t-il, se jouer aussi mal que la guerre contre la drogue. On va ruiner les vies de petits joueurs, fanfaronner à propos de victoires anecdotiques, aligner des chiffres insignifiants, tandis qu'à l'ombre, les gros requins manipulateurs continueront de s'enrichir et de commettre des crimes bien plus abjects que traiter une élue de gauche de grosse pouffe. Le bouquin de Wylie est franchement effrayant mais un peu moins de deux ans après sa sortie, il faut bien reconnaître qu'il n'a absolument rien changé au monde qui nous entoure. Sans doute parce ce que ce qu'il dénonce arrange trop de puissants et génère trop de fric. C'est un dossier très compliqué aussi, mêlant barbouzeries mondiales et commerce de masse, attaquant qui plus est des firmes spécialisées dans la désinformation. Que le scandale se soit transformé en eau de boudin n'est dès lors guère étonnant. Si ces gens peuvent pousser les Anglais à voter pour le Brexit et catapulter Donald Trump à la Maison Blanche, vous pensez bien que ce n'est pas très compliqué pour eux de laisser infuser dans l'opinion publique que tout cela n'est que théorie de conspiration pour gauchistes aux cheveux roses.


Qu'un bouquin aussi déterminant sur la haine en ligne semble moins avoir moins percuté et inspiré le monde politique local que des éditos des Grenades-RTBF, des tweets douteux de micro-célébrités  bruxelloises et un bien mauvais roman sur le cyberharcèlement ne tient toutefois pas de la manipulation psychologique à échelle internationale mais bien de la simple fainéantise intellectuelle ainsi que de la réaction émotive basique « un fait divers, une loi », à la Sarkozy. La collusion entre Cambridge Analytica, Facebook et les services secrets russes est un scandale majeur, même si relativement étouffé, de notre époque. C'est aussi une explication à la prolifération de la haine en ligne que l'on ne peut ignorer, ni minimiser, au moment de penser créer des outils pour combattre cette haine en ligne. Sans quoi, tout comme dans la guerre contre la drogue, souffriront surtout les cas sociaux tandis que continueront de prospérer les gros dealers et les cartels. Ce billet n'est donc pas qu'une recommandation littéraire. C'est surtout un appel à ne pas bêtement juste déconner au moment de balancer IRL un attirail législatif qui impactera en principe très profondément nos vies. Au point même d'éventuellement créer plus de haine, donc plus de problèmes. 8,70€, la version poche... 



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