mercredi 10 mai 2023

LE JOURNAL DU QUINCADO (26) : CANCEL ME, CANCEL YOU

 


Mai 2023 - L'autre jour, j'ai été interviewé par une étudiante de l'IHECS sur une chronique sur la cancel-culture écrite pour le Focus-Vif fin 2021 et que j'avais un peu oubliée. Or, il paraît que je ne dis pas que des conneries sur le sujet, que j'en ai même une vision différente de ce qu'on lit et entend souvent ailleurs, surtout en France. Je me suis donc dit que ça valait peut-être la peine de résumer l'entretien, de mémoire, que voici donc largement remis en forme et plus réfléchi qu'en live ! Cancel me, cancel you, la cancel-culture, voilà ce que j'en pense, une bonne fois pour toutes! 


La cancel-culture existe-t-elle ?


Bien entendu et rien ne m'énerve plus que les gens qui le nient et tortillent autour du concept pour de basses raisons idéologiques et partisanes. Quand ce n'est pas plus simplement suite à un flagrant manque de culture générale. C'est partout. Dans la gauche woke, dans l'extrême-droite, chez les geeks, parmi les activistes... Vraiment le sport de combat du moment ! C'est un phénomène, une méthode même, qui dépasse de loin le clivage gauche-droite, le cadre politique et idéologique. C'était d'abord culturel. Il faut se rappeler les cinémas brûlés à la sortie de La Dernière Tentation du Christ dans les années 80 et la panique morale totale ayant entouré la sortie du film Baise-Moi en 2000. Virginie Despentes harcelée par l'extrême-droite alliée de circonstance aux associations féministes : qui s'en souvient ? Qui ose s'en souvenir ? Il faut aussi se rappeler de la disparition de Jar Jar Binks dans Star Wars, après une campagne on-line massive de fans déçus, alors qu'il était pourtant manifeste dans The Phantom Menace que le personnage allait tenir un rôle important dans la série. Quel plus gros cancel que celui-là ? On peut aussi parler des ennuis faits à Paul Verhoeven par des activistes LGBTQ durant le tournage de Basic Instinct et de tout le ramdam qui a entouré la publication d'American Psycho de Bret Easton Ellis à peu près à la même époque. Et je ne parle là que de choses dont je me souviens parce que j'étais déjà adulte quand c'est arrivé. Il existe des exemples plus anciens encore, comme la croisade de Tipper Gore contre Prince, Twisted Sister, 2 Live Crew et d'autres groupes musicaux accusés de pervertir la jeunesse américaine en parlant ouvertement de cul. La cancel-culture ne s'est cela dit pleinement épanouie qu'avec Internet et la prolifération des forums et des réseaux sociaux, qui sont pour elle une très bonne et très grosse caisse de résonance.


Quelle différence avec la censure ?


La censure obéit à des règles, analyse généralement l'objet de la polémique avant de trancher. Il y a des comités, des procédures, des critères. Ce n'est pas enviable, ni très glorieux. Souvent arbitraire et même ridicule. Lorsque j'étais ado, Orange Mécanique était ainsi toujours interdit en Angleterre alors que je pense pour ma part avoir vu le film pour la première fois dans le cadre d'un travail scolaire. A Bruxelles, à moins de 400 kilomètres de Londres donc. Mais au moins les Anglais avaient trouvé des raisons d'interdire la diffusion du film. L'outrage aux bonnes mœurs, l'incitation à troubler l'ordre public... C'est discutable, révoltant même, mais c'est rationnel. Un film comme l'Empire des Sens a aussi longtemps été interdit, également pour des raisons précises. Les spectacles de Dieudonné sont généralement interdits pour des raisons tout aussi précises. La censure, ça peut se négocier aussi : votre film peut être montrable si vous en coupez des scènes. La cancel-culture est beaucoup plus irrationnelle. Et certainement pas négociable. Il y a un côté M Le Maudit, l'emballement en meute, le trip search & destroy. Qui a analysé ce qu'a vraiment tweeté JK Rowling ? Selon quels critères ? Qui lui a demandé de s'expliquer et, surtout, a-t-on tenu compte de ses explications ? La cancel-culture, ce sont tout simplement des trolls en roue libre alors que la censure cherche à se parer, certes faussement, de sagesse, de sérieux, de jugement éclairé et même de solennité.


Comment m'y suis-je intéressé ?


Un peu par hasard et plutôt via des humoristes américains et anglais, ainsi qu'en écoutant le podcast de Joe Rogan quand y sont passés pour la première fois des gens comme Bret Weinstein et Jordan Peterson. Le compte Twitter satirique Titania Mc Grath m'a aussi mené aux bouquins et aux émissions de son créateur Andrew Doyle, qui reste pour moi l'un des observateurs qui a au mieux cerné le phénomène. C'est donc principalement via l'humour et de façon beaucoup plus interloquée que partisane. J'essaye de rester apolitique sur le sujet. Nuancé, surtout. J'ai par exemple vu une partie du film de Louis CK qui n'est jamais sorti et je ne pense pas qu'il s'agisse ici d'atteinte à sa liberté d'expression comme ça été dit mais tout simplement d'instinct de survie, tant ce qui était dans ce film aurait rendu les gens cinglés par rapport à ce dont Louis CK a été accusé. Ne pas sortir ce film, c'était juste éviter beaucoup de très grosses emmerdes, ainsi qu'un vrai suicide social et de maousses emballements délirants. Il faut le savoir, je le sais, d'où une vision plus calme du dossier. De même, si quelqu'un comme Jordan Peterson n'est pas du tout ma tasse de thé idéologique, cela ne m'empêche pas de penser que les tentatives de le ruiner tant au plan financier que social et de l'exclure du monde académique sont totalement consternantes. Bref, ma vision de la cancel-culture est donc principalement influencée par ce qui se passe aux Etats-Unis et au Royaume-Uni et plutôt nourrie par des gens qui se moquent du phénomène. Ce qui se dit en France sur le sujet ne m'intéresse par contre pas du tout parce que c'est beaucoup plus politiquement orienté, que le concept a été très vite politiquement récupéré et que celles et ceux qui en parlent sont pour moi de très gros tartuffes, de faux intellectuels habitués à débiter de la connerie au kilomètre. La cancel-culture est née aux Etats-Unis, à la fois dans l'activisme mais aussi dans le monde geek. Bref, ce n'est certainement pas limité à un épouvantail d'extrême-droite ou à l'extrême-gauche sabotant la liberté d'expression. Ca aussi, il vaut mieux le savoir.


Comment combattre ça ?


Je pense que pour y être totalement imperméable, il faut un maximum d'indépendance, surtout financière. Et s'en foutre. Le comédien américain Bill Burr a aussi soulevé un point que je trouve intéressant : les trolls de la cancel-culture ne s'attaquent généralement qu'aux petits poissons, qu'ils peuvent facilement écraser, ainsi qu'aux gros cachalots, dont la chute serait pour eux une grande et flamboyante victoire. Les poissons « moyens » n'intéressent pas les trolls de la cancel-culture, très certainement parce que leur éviction de la sphère publique ne leur procurerait aucune satisfaction et passerait bien au-dessus de la tête du grand-public. Il y a un aspect ludique à la cancel-culture dont on parle trop peu, une gamification qui tient du shoot them up. Dans ce jeu, JK Rowling est une boss. Dès ce dragon là abattu, un nouveau niveau sera dévoilé, des points marqués. 


Comment voyez-vous évoluer la cancel-culture ?


Momentanément mal, sans doute bien ensuite. Si un jour quelqu'un comme JK Rowling se fait descendre, je ne serai pas du tout surpris. Je ne pense cela dit pas que ça arrivera forcément. Bien sûr, la cancel-culture peut mener à la violence réelle, elle semble même carrément en train de foncer à toute blinde sur l'autoroute qui mène à la violence réelle. Même si l'attentat était motivé par d'autres raisons, Charlie n'est-il d'ailleurs pas une sorte d'aboutissement logique de la cancel-culture ? En attendant, ça brise déjà des vies, ça fait dérailler des carrières, c'est très dangereux en soi mais tant que cela n'est pas soutenu dans la durée par un pouvoir en place, un gouvernement et des lois, je pense que le retour de balancier est inévitable. Et si quelqu'un se fait tuer, ce retour de balancier sera en fait juste accéléré. On se posera des questions. On reverra ses méthodes. Il y aura des dissensions. Ca mènera sans doute aussi à des lois, des garanties. On traverse une période crispée. Or, après chaque période crispée, on se détend. Il suffit généralement de l'apparition de quelqu'un qui fait les choses à sa façon en se foutant de ce que l'on pourrait en penser. Un Brando, un Bowie, un Tarantino. Un petit messie de la « fuck you attitude ». Quelqu'un qui ringardise instantanément tous les emballements du moment parce que ce qu'il (ou elle) propose est drôlement plus excitant que de passer son temps sur Twitter à se plaindre des blagues de Dave Chapelle et de l'absence de « racisés » dans la monarchie anglaise.


Comment s'en protéger ?


Puisque je vois les adeptes de la cancel-culture comme de simples trolls, appliquer le bon vieux « don't feed the troll ». Les ignorer. Ou tenir tête, aller à l'affrontement. L'une de leurs entourloupes, c'est de prétendre que la cancel-culture n'est pas du simple troll mais un combat pour la responsabilisation des propos tenus. En fait, je suis partiellement d'accord avec ça. Je pense que si quelqu'un fait des blagues sur les féministes à cheveux bleus de 110 kilos avec un anneau dans le nez, il n'est pas scandaleux qu'il soit sermonné sur la misogynie et la grossophobie. La nuance, de taille, c'est qu'il y a une différence fondamentale entre inviter quelqu'un à remettre en question son humour relou et vouloir sa disparition totale de la sphère publique, ainsi que la ruine à vie de sa réputation professionnelle ; cela le plus souvent sans même avoir engagé de conversation et pour la simple raison que ses blagues ringardes sont perçues comme un virus contagieux bloquant l'évolution de la société vers davantage d'inclusivité. Quand je parle d'aller à l'affrontement, c'est donc ça. Prendre le temps de démonter les mécanismes de la cancel-culture, en exposer les dérives, les tentations totalitaires, l'aspect juge et bourreau, l'imbécillité argumentaire. Ne pas céder à la panique. Aller droit à la carotide mais de façon intelligente et tactique. Prendre le temps de réfléchir avant de rétorquer, afin de ne pas tomber dans les pièges rhétoriques ; genre hurler à « la liberté d'expression que l'on assassine », élément de langage trop facilement démontable. Bien entendu, ça ne changera probablement pas les trolls. Mais ça en limitera éventuellement la capacité de nuisance. Puisque la cancel-culture ne fonctionne qu'en provoquant des emballements et des paniques, je pense que c'est justement la possibilité d'emballement qu'il faut tuer dans l'oeuf.


Comment ?


En évitant de céder à la panique. En gardant la tête froide. Avant même de répondre aux trolls de la cancel-culture, je pense par exemple qu'il est plus important d'informer ses clients, ses partenaires et ses proches qui pourraient être indirectement touchés que l'on est la cible d'une campagne de cancel. Analyser pourquoi. Analyser qui attaque : les mêmes personnes multipliant les faux-comptes ? Des trolls reconnus comme tels ? Une association polémique ? Ou alors, quelqu'un sachant vraiment de quoi il parle, présentant de vrais arguments, portant des accusations précises et documentées ? Il faut pouvoir reconnaître avoir merdé si on a merdé. Pas forcément en s'excusant comme une loque ou de façon hypocrite. Si vous estimez que ce que l'on vous reproche est dégueulasse, il ne faut certainement pas s'excuser ou faire le dos rond en attendant que les trolls se lassent. Ce serait leur offrir une demi- victoire. Si la cancel-culture a progressé à ce point, je pense que c'est principalement parce que beaucoup de gens ne comprennent pas vraiment ce que c'est mais aussi parce qu'il y a une grande lâcheté doublée d'une peur maladive de se faire virer dans les milieux qui sont le plus susceptibles d'être touchés par le phénomène. Les médias, notamment. Déjà, les journalistes ont par essence beaucoup de mal à se remettre en question mais c'est aussi un milieu le plus souvent très conformiste, compétitif, médiocre et lâche. Quand les trolls attaquent, c'est donc du pain béni pour eux, vu qu'ils peuvent très facilement provoquer des discordes et des emballements sur un tel terrain. Or, si on y garde la tête froide ou que l'on se fout de Twitter comme l'on se foutait jadis du courrier des lecteurs (ce qui arrive toujours, bien heureusement), le cancel glisse alors vers le néant comme un pet sur une toile cirée.


Y-a-t-il un risque d'autocensure généralisée pour tenter d'y échapper?


Oui mais l'autocensure, ce n'est pas forcément un spectre ignoble, c'est quelque-chose qui se pratique au quotidien, souvent même inconsciemment, et ce n'est en rien scandaleux. Ce n'est pas non plus lié à la cancel-culture. Dans les médias, dans le cinéma, dans la littérature, ça a toujours existé. Je pense que ça suit des modes aussi. On ne s'autocensurait pas il y a 50 ans comme l'on s'autocensure aujourd'hui. La cancel-culture est dégueulasse en soi mais toutes les questions qu'elle soulève ne le sont pas. Il y a de plus ou moins grosses remises en question qui en découlent et c'est très bien comme ça. L'évolution naturelle plutôt que la révolution forcée. Et puis, de toutes façons, tant que c'est permis par la loi et les gouvernements, une fois encore, il y aura toujours des gens qui aiment provoquer, aller à contre-courant, ainsi que des retours de balanciers. Si la culture devient très timorée, il ne faudra probablement pas 10 ans pour que l'on retourne vers quelque-chose de totalement opposé à cette tiédeur. Du trash, de la provoc. Si les médias commencent vraiment à ressembler à la Pravda des années 70, à abuser de l'écriture inclusive et des trigger warnings, il se créera des alternatives et pas juste pour se foutre de la gueule du wokisme et des vegans; plutôt pour parler du monde d'une façon différente, couvrir d'autres sujets, explorer d'autres pistes, vivre d'autres expériences humaines. Je ne suis pas de nature optimiste. Vu comment le monde tourne en ce moment, on peut très bien se prendre une bombe nucléaire sur la gueule avant même d'avoir fini de se curer le nez. On pourrait aussi assez vite basculer dans ce que l'on appelle « une dictature bienveillante », où toutes ces affaires de cancel parce qu'untel a peint un zizi et untel tweeté que toutes les vigneronnes de France et de Navarre sont des connasses n'auraient alors plus aucune espèce d'importance. Je ne suis pas de nature optimiste mais tant que la société ne bascule pas vers quelque-chose de réellement autoritaire, elle continuera de fonctionner comme elle l'a toujours fait. Autrement dit, la durée de vie des paniques morales et des tendances aux emballements en meute reste assez limitée et soumise aux modes. En 2010, la plupart des actuels membres de la Police du Tweet aujourd'hui actifs dans l'indignation permanente et la cancel culture se la jouaient racailles nihilistes, Tyler Durden du Lidl, Booba de canapé : « ta mère ceci », «passion nichons », etc... Aujourd'hui, c'est la croisade morale et vertueuse, la sororité de mes couilles. Dans 5 ou 10 ans, si ça se trouve, « ielles » s'échangeront donc des fiches tricot (pour mieux passer l'hiver nucléaire) et des recettes de choux farci au radium. And Ya kna wot ? Fook them !



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lundi 17 avril 2023

LE JOURNAL DU QUINCADO (25) : FEAR OF A BLACK WOMAN

 

Avril 2023 - J'ai dernièrement relu Solaris de Stanislas Lem (1961), que je tiens pour un tout gros chef d'oeuvre de la science-fiction. C'est un roman aux questions vertigineuses mais qui a aussi une approche originale du vieux canevas à la Edgar Allan Poe du vaisseau hanté. Chaque personnage y a son fantôme mais seul celui du docteur Kelvin, le « héros » du livre, est détaillé. Les autres restent des mystères quasi-complets, qui ont à priori pour principale fonction de rendre l'ambiance et le décor davantage angoissants. L'un de ces spectres est probablement un enfant. Turbulent, peut-être dangereux. Toujours hors-cadre. Un autre est une grande femme « négroïde », qui se déplace dans la station spatiale à moitié nue, uniquement ceinte d'une jupe jaune, peut-être de paille. Lem n'explique jamais pourquoi un personnage de scientifique blanc peut bien être hanté par ce cliché d'Africaine complètement irréel dans une histoire qui se passe dans un futur relativement lointain et très technologique. Le fantôme de Kelvin est la réplique d'un amour mort, qui le réconforte après l'avoir effrayé, mais il n'est jamais certain que ces « visiteurs » ne soient pas aussi des instruments de torture, fabriqués à partir de puissants remords. Ou juste des souvenirs reconstitués par hasard, sans véritable but. Pourquoi cette femme noire hante-t-elle dès lors un scientifique brillant quoique pompeux ? S'agit-il d'un fantasme sexuel ? Est-ce la réplique de quelqu'un qu'il a aimé ? Ou tué ? Est-il raciste ? Le livre ne le dévoile pas. Cette femme noire, d'abord étrange et kitsch, déplacée, devient dès lors une source d'angoisse, de menace diffuse, de paranoïa.


Ni Andreï Tarkovksi, ni Steven Soderbergh n'ont gardé ce personnage dans leurs adaptations de Solaris, d'ailleurs toutes deux détestées de Lem. Ces films sont ce qu'ils sont et il n'est pas impossible qu'il existe à l'avenir d'autres adaptations du roman, d'autant qu'il regorge d'éléments qui n'ont toujours pas été repris à l'écran et pourraient donc titiller les scénaristes. Ce côté pulp, justement, l'aspect horror house. Les films tirés de Solaris sont plutôt contemplatifs et lents alors que dans le bouquin, il se passe beaucoup de choses et qu'il y meurt pas mal de monde. L'aspect plus philosophique est aussi drôlement réduit dans les films. On peut toutefois penser que si Solaris devait une nouvelle fois se retrouver à l'écran, il y a peu de chances que cette femme noire serait de la partie. Qui oserait aujourd'hui risquer une accusation de racisme, utiliser un personnage africain ouvertement cliché et faisant justement pétocher à cause de ce simplisme ? Je pense même que l'on vit une époque où tous les rôles de Solaris pourraient être donnés à des acteurs noirs (sans que cela ne me pose le moindre problème pour le coup) sauf précisément celui-là. Bien entendu, le cinéma, surtout hollywoodien, n'a jamais été friand d'ambiguïtés, surtout de cette taille. Quand on adapte au cinéma un livre riche, généralement, ça taille sec. Rien de woke ici, d'autant que je ne pense en fait même pas qu'il soit spécialement scandaleux que ces scènes avec « la femme noire » n'aient jamais et ne seront sans doute jamais reprises dans les adaptations. Qu'elles disparaîtraient des futures traductions ou rééditions de Solaris, le serait... mais que les films l'oublient à dessein n'est qu'une étrangeté à relever. Cette présence est la plus WTF d'un bouquin sinon écrit au scalpel et très clair sur ses intentions. Normal donc que l'on puisse préférer la laisser de côté au moment d'en tirer un film. 


Mais peut-être suis-je dans l'erreur ? Peut-être que si la femme noire n'était ni chez Tarkovksi, ni chez Soderbergh, elle serait bel et bien là dans une adaptation à venir parce que justement, sa présence serait plus attendue aujourd'hui que dans les années 70 soviétiques et dans les tentatives de blockbusters arty d'il y a 20 ans. C'est que selon certaines analyses de Solaris, cette femme pourrait en fait relever non pas du personnage juste là pour faire pétocher et gamberger mais symboliserait au contraire tout ce qui clocha, cloche et clochera encore dans la vanité de l'homme blanc. Comprendre un organisme extraterrestre. Soumettre un continent. C'est qu'il y a du Coeur des Ténèbres dans Solaris. Gibarian, le personnage hanté par cette femme, est une sorte de Kurtz. Or, dans Au Coeur des Ténèbres, la maîtresse de Kurtz est une jeune africaine aussi fascinante que mystérieuse. Et nombreux sont celles et ceux qui ont vu dans ce jeu de miroir une volonté de Lem de critiquer par allusion au bouquin de Conrad l'impérialisme scientifique des pays du Pacte de Varsovie ainsi que la volonté de colonisation de l'espace durant la Guerre Froide. Autant dire que la femme noire représenterait en réalité le chagrin et la culpabilité de l'homme rouge. Mais aussi blanc. Un truc que Netflix adorerait surligner, assurément.


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mercredi 12 avril 2023

LE JOURNAL DU QUINCADO (24) : LE VILLAGE DES DAMNES DE LA TERRE

 


Avril 2023 - J'ai vécu avec des militants Ecolo qui voyaient en moi un anar de droite. J'ai vécu une histoire de plusieurs années avec une Française de Bruxelles qui votait Chirac en y croyant vraiment et travaillait pour un type affilié au MR. Pour elle, politiquement parlant, j'étais juste un gaucho de base. Durant 10 ans, j'ai taffé sous statut indépendant et j'ai bien pesté contre les versements anticipés, les charges à se flinguer, l'idée de cotiser pour aussi subsidier les buvettes du Parlement. Mais comme j'ai aussi passé suffisamment de temps en Angleterre pour bien sentir ce qu'est une contrée livrée à la main invisible du marché (non, ce pays n'est pas pour le vieil homme, surtout sans le sou), je n'ai jamais été totalement hermétique à l'idée de service public performant, donc largement financé par la taxation. Cherchez pas ! Il est en fait impossible de politiquement me cataloguer. Lorsque je fais un test électoral comme la RTBF en propose en périodes d'élections, le résultat me donne à chaque coup électeur potentiel du PTB. En tant que fan absolu de John Le Carré et ayant lu et relu Orwell, Kundera et Soljenitsyne, en plus de penser comme Susan Sontag que « le communisme est une sorte de fascisme ayant réussi », il est toutefois hors de question que je vote un jour pour ces chiens rouges ! En Belgique, alleï une fois, j'ai quand même bien aimé la période Verhofstadt, qui a le mérite d'avoir aligné quelques avancées « éthiques » et « morales » importantes. Mais bon... Pas difficile de retenir cette législature comme l'une des meilleures vu qu'avant c'était dégueulasse et que depuis c'est Clochemerle. Je ne suis pas centriste non plus. En fait, je suis principalement contraire. En présence de droitards, je ferai mon Ché et en présence de gauchistes, je ferai mon Trump. Je ne suis cela dit ni une page blanche, ni une girouette. J'ai des convictions. Internet, l'eau, le chauffage, la médecine et les transports publics devraient être gratuits. Les politiciens interdits de réseaux sociaux. Le hashish et le micro-dosing en vente libre. Les flics mieux formés, psychologiquement régulièrement évalués, et virés à la première bavure, avant d'être inscrits dans des fichiers inaltérables comme il en existe pour les pédophiles... Je crois à des choses du genre. Sans plaisanter.


Dans ma vie d'électeur, j'ai pourtant principalement voté Ecolo. Du temps où c'était un parti de hippies d'abord et de bobos fréquentables ensuite. L'ennui, c'est qu'en s'embourgeoisant et en tâtant du pouvoir réel, Ecolo n'est pas devenu une gauche caviar performante, comme l'ont jadis par exemple été le PS français des années 80, les Dems américains sous Clinton et Obama et le Labour de Tony Blair (d'avant la guerre en Irak). Ecolo s'est plutôt transformé en nouveau CDH. L'archétype du parti neuneu et inutile dans l'ADN duquel subsistent des idées religieuses (new-age, surtout, chez Ecolo) et franchement réactionnaires (imaginez que l'on trouve une énergie propre qui ringardise le nucléaire et l'essence, tout en rendant le vélo obsolète, et imaginez ensuite leurs tronches). Quand Ecolo s'adresse aux adultes, le cœur de cible donne l'impression d'être la famille traditionnelle, bien middle of the road : papa + maman + 3 chiards aux noms horribles, genre Timothée, Anaëlle et Usul du Turfu. Ce sont les Missionnaires du Royaume à venir, leur fameux « monde plus chouette ». Ce qui est complètement con, un vrai déni de réalité. Une incohérence majeure dans le discours du parti aussi, parce que je ne pense pas que l'on puisse oeuvrer à ce que le monde devienne plus « chouette » tout en clamant en même temps que celui-ci est en danger de mort imminente. Le changement climatique va tout cramer, on est en pleine extinction de masse... Il faut un discours fort face à ça. Un plan de nature à rassurer, du concret même difficile à encaisser, encourager la recherche surtout. Quelque-chose d'un poil plus convaincant et fédérateur en tous cas que davantage de pistes cyclables, des poulaillers communautaires et du dégonflage de pneus de SUVs.


« - Ca va être la guerre, Maman ? La fin du monde ? »

« - Peut-être mais c'est pas grave, mon Usul du Turfu. Regarde comme elle est chouette, la poule... »


Il y a surtout de l'infantilisation chez Ecolo, ouais. Le pire étant que si les adultes y pédalent beaucoup dans la choucroute, la relève fait carrément des châteaux en Espagne de cette même choucroute. Tout le trip Ecolo J/Margaux De Ré. Ielles ont vu 3 minutes Alexandria Ocasio-Cortez sur You Tube et se sont dit « waow, en voilà un modèle à suivre ! ». Génération TikTok, députées influenceuses. Plus aucun orteil sur Terre. Ca se détache de la capsule, ça flotte dans le cyberspace. Dites le fort : sommes jeunes, sommes woke!


Il y a à peu près autant de définitions du wokisme que de Schtroumpfs dans l'oeuvre de Peyo, alors voici la mienne : pour moi, le wokisme est la faction la plus radicale, immature et franchement délirante du progressisme. Une perversion comme l'extrême-droite l'est à la droite classique, l'islamisme à l'Islam et les conversions par l'épée à la foi chrétienne. Une faction n'implique pas du tout ce dont elle est proche ou de quoi elle émane. Tous les gauchistes ne dansent pas dans la rue au moindre post Instagram de Sarah Schlitz. Les Forces Vives du Progrès auraient même je pense souvent tendance à se demander pourquoi faire passer l'écriture inclusive et les Tampax gratuits avant la lutte des classes et le Grand Soir syndicaliste. Hashtag Not All Gauchistes, donc. Il me semble sinon encore aller de soi que l'idée de militer pour les droits des minorités, y compris de genres ; défendre la possibilité d'avortement et l'égalité salariale sont des bonnes choses, des choses nécessaires. Encore faut-il que l'analyse de ces problématiques se base sur des réalités et non des interprétations tartignolles, révisionnistes et masochistes; voire de purs fantasmes de persécutions. Or le wokisme, incontestablement, non seulement délire plein pot, en mode théorie de conspiration avec les vieux à la place des Juifs, mais, surtout, infantilise lui aussi : « On va t'expliquer », « On va t'informer », « On va te déconstruire ». Et pan-pan cucul si t'écoutes pas ou que tu poses des questions auxquelles on ne peut pas/ne veut pas répondre.


Voilà ce qui désole des gens comme moi : que des idées à la base nécessaires et importantes soient noyées dans une idéologie aussi douteuse qu'imbécile et défendue par des illuminés qui ont du monde une vision binaire (HAHA !) : eux et puis les méchants réacs. Jamais de remises en question, jamais d'amendements, ni de corrections d'erreurs pourtant flagrantes. Un trip pilule rouge à la Matrix, où il s'agit de reprogrammer totalement un Système. Une croisade, autrement dit. La pire gaminerie woke étant d'en nier l'existence, prétendre que ce n'est qu'une chimère pour boomers, rien qu'un élément de langage d'extrême-droite. Les dégâts que les gros sabots du wokisme ont pu générer dans la culture, les médias et le monde académique sont pourtant fort bien documentés. Dans un premier temps, l'extrême-droite n'était d'ailleurs pas du tout concernée et n'avait même pas conscience de l'émergence de ce courant de pensée. Le wokisme tenait alors à la fois de la purge et de la révolution culturelle strictement internes au progressisme. Ce n'est que lorsque l'extrême-droite s'est rendu compte que la gauche s'autobouffait et que des éléments radicaux devenaient mainstream qu'elle s'est emparée de la thématique avec toute sa subtilité naturelle : gröbbe rigolade, panzerkrieg ! C'est pourquoi un discours et une position comme les miens sont inaudibles d'ailleurs. Aux gamineries des uns répondent les gamineries des autres. Or, dans les bacs à sable, il s'agit surtout de choisir son camp. Pas de renvoyer les factions dos à dos. Qui va me suivre, en ces temps avant tout militants et donc d'extrême mauvaise foi, dans l'idée qu'en adoptant des postures tellement outrancières, cette gauche woke a en fait donné à l'extrême-droite le bâton pour se faire battre ? Tout en perdant ses alliés naturels et en faisant oublier la raison d'être de la gauche plus traditionnelle : cimenter la société autour d'une utopie séduisante plutôt que de la diviser en multipliant les propositions jadis justement décriées dans les dystopies, y compris sarcastiques. Vous avez revu récemment Demolition Man avec Stallone  ou Los Angeles 2013 de Carpenter? Vous avez aussi fait le rapprochement avec les tweets de Sandrine Rousseau?


Evoquons maintenant l'une des armes principales utilisées dans cette guerre, la catapulte à bouse du moment : la cancel-culture. La Dernière Tentation du Christ, Baise-Moi, tenter de virer les gouines non-caucasiennes de Star Wars et du remake féministe de Ghostbusters... C'était à la base une occupation de droite, indéniablement. Seulement voilà : pour contrer ces volontés de censures bigotes, on pouvait compter sur la gauche. Encore que dès l'affaire Rushdie en 1989, il y eut bien quelques abonnés absents du côté du Progrès au moment de défendre la liberté d'expression et que cela n'a fait que se déliter encore plus depuis (Charlie...). En 2023, au moment de compter les points, on peut même avancer qu'une certaine gauche sabote bien davantage la liberté d'expression que jadis l'extrême-droite, qui ramait généralement quand même pas mal dès qu'elle essayait de convaincre sur les questions éthiques et morales au-delà de son cercle de base 100% faf. Ce qui n'aide pas, c'est que la gauche woke a en fait beaucoup plus de lubies que l'extrême-droite. Quand elle cherche à dégommer du paysage ce qui ne lui sied pas, ça peut frapper n'importe quoi, n'importe qui, n'importe où et les frappes ne sont jamais franchement chirurgicales. La cancel-culture d'extrême-droite -hors-ratonnades et menaces d'attentats s'entend-, restait plutôt ciblée, folklorique et malhabile, alors que les wokes y vont généralement à la bombe thermobarique. Au nom de l'inclusivité, émerge donc un nouveau climat de Terreur, qui a déjà fait beaucoup de mal sur les campus, dans les médias et dans l'industrie du divertissement. Toute personne n'étant pas d'accord avec des vues aussi dogmatiques qu'incompréhensibles, voire absurdes, a désormais des raisons de craindre pour la suite de sa carrière. Pour avoir des emmerdes avec l'extrême-droite, fallait plutôt imaginer Notre Seigneur Jésus-Christ descendant de sa croix pour aller aux putes ou taper du soft porn lesbien et "inter-racial" en prime-time sur France 2. Pour avoir des emmerdes avec les wokes, faut juste s'en tenir à la définition existant depuis des millénaires de ce qu'est une femme ou confondre transsexualité et travestisme. Entre dizaines et dizaines d'autres « fautes » mineures pourtant punies de mort symbolique et sociale. C'est absurde, c'est irrationnel. C'est donner à des Enfants-Rois récemment sevrés de Ritalin un pouvoir de vie et de mort sur des adultes qui ne comprennent même pas vraiment leur charabia. Ca s'imagine Zion dans Matrix et c'est juste le Village des Damnés. De la Terre, huhu.



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samedi 8 avril 2023

KINOCOSMANI (1) : IDEE DE FILM AUJOURD'HUI, CONSPIRATION DEMAIN !

 


Tadadoum, voici ma première livraison de KinoCosmani, la nouvelle rubrique de ce blog entièrement consacrée au cinéma ! J'avais annoncé ça comme un guide de survie pour vivre aujourd'hui le cinéma loin de Marvel, DC, Star Wars et John Wick mais comme j'ai aussi ces derniers temps pas mal parlé sur Twitter et Facebook de l'influence de certains films de jadis sur les théories de conspiration actuelles, voici 5 intrigues de fiction que certaines personnes tiennent aujourd'hui pour vraies, même quand peu ou à peine remaniées ! Magnéto, Serge !


Alternative 3 (1977)


Mockumentaire anglais qui entendait principalement démontrer que le public est manipulé et manipulable par les médias, Alternative 3 a été diffusé à la télé britannique d'abord et au Canada ensuite. Pour ne rien arranger, dans la « novelisation » sortie peu après, l'autrice s'est amusée à remplacer les noms fictifs du film par celui de personnalités scientifiques bien réelles. Ce livre a aussi connu quelques problèmes de distribution que certains ont pris pour une volonté de censure étatique... Autant dire que pas mal de gens sont tombés dans le panneau ! Le pitch est bien gros et gras, pourtant, puisque avançant que l'URSS et les USA oeuvrent ensemble à kidnapper des scientifiques européens pour les envoyer, contre leur gré, sur Mars ; afin d'y préparer un environnement compatible aux colonies humaines à venir. Planète Rouge qui plus est dangereuse car habitée. Ce « masterplan » secret et mondial est donc la troisième alternative des trois uniques solutions au changement climatique ; en 1977 déjà trop avancé pour ne pas condamner irrémédiablement l'Humanité. A noter que l'Alternative One propose de réduire drastiquement la population humaine par un bon gros génocide des familles et l'Alternative Two de construire des villes souterraines climatisées où ne serait admise que l'élite. Pas sérieux du tout que tout ça et d'ailleurs, à l'origine, carrément prévu pour être diffusé le premier avril.


Reste que ça marqua. Fit polémique (« un affront à l'intégrité journalistique ! », 30 ans avant Bye Bye Belgium!). Marqua durablement même, puisque l'on va ensuite retrouver des bouts de ce scénario plus ou moins bien digérés dans, par exemple, 12 Monkeys, Interstellar et la série Utopia. Ailleurs que dans la fiction, Alternative 3 a d'abord surtout donné naissance à pas mal de théories de conspiration sur la face cachée de la Lune, Mars et les OVNI, comme fort bien expliqué dans ce très complet et donc très long documentaire disponible sur You Tube. Puis est venu le temps du Covid et de ses multiples campagnes de vaccination et il semble bien que l'Alternative One du film ait alors aussi ressurgi dans les consciences puisque l'idée de tuer ou de stériliser les gens en douce afin de préparer un Great Reset se discute quand même pas mal aujourd'hui dans les sphères conspirationnistes. A noter pour les mélomane déviants que la musique du film est signée Brian Eno et qu'il en existe depuis 20 ans une version, heu... alternative, réinterprétée par des musiciens proches du mouvement « hauntologique ». Ce qui situe encore plus le haut niveau cultissime de ce téléfilm !



Dark City (1998)


Sorti peu avant le premier Matrix, Dark City est un film au rythme de bédé qui a la particularité d'être très, très paranoïaque et assez cauchemardesque. Je n'en dévoilerai rien de plus, d'autant que je ne m'en souviens pas très bien. Un spoiler, malgré tout, et de taille : l'une des dernières images du film est une « terre plate », qui flotte dans le cosmos. La croyance que la Terre est plate date bien entendu de la Grèce Antique mais figurez-vous que selon Wikipédia, en 1998, à la sortie du film donc, la Flat Earth Society, autrement dit le lobby platiste, était considérée comme totalement en déclin. Ce n'est en fait qu'en 2009 que la FES a été pleinement réactivée, avec un nouveau site web, une bibliothèque, un wiki et de nouveaux membres ; parmi lesquels le musicien Thomas Dolby (dont le plus cool des albums, celui de 1984, a pour titre « The Flat Earth »). Que cette image frappante et assez rare dans la science-fiction issue d'un film ayant tout pour rendre cinglés les esprits remettant en question la réalité de notre environnement ait participé à ce renouvellement d'intérêt tient de la pure spéculation et semble même impossible à prouver. Reste qu'il serait tout de même très étonnant que la résurgence platiste ne doive rien à cette mode de films de la fin des nineties présentant des simulacres de mondes (Truman Show, Dark City, Matrix...) où la réalité nous est cachée pour des motifs de contrôle, notamment social. 2009 est sinon aussi l'année où la NASA confirma la présence d'eau sur la Lune. Ce qui, pour certains, confirma surtout que la NASA (qui ne sert à rien dans un univers où la terre est plate et où le cosmos n'existe pas) ment sur tout, tout le temps, juste pour recevoir des subsides. Comme dans Capricorn One !






Capricorn One (1978)


Sorte de Trois Jours du Condor en combinaison spatiale, autrement dit série B pas fort passionnante, Capricorn One n'en est pas moins la source probable de toutes les théories voulant que l'homme n'ait jamais mis le pied sur la Lune et que les images transmises en juillet 69 ont en fait été tournées en studio. Le film offre même un motif à la conspiration, sous la forme d'un monologue du docteur James Kelloway, directeur de la NASA interprété par Hal Holbrook, et qui dit en substance qu'il n'y a plus de pognon pour la science parce que « Et nos SDF ? » (texto : « Was it really worth twenty billion to go to another planet? What about cancer? What about the slums? »). Autrement dit, dans le film, la NASA va feindre d'envoyer des cosmonautes sur Mars parce que ça coûte moins cher que de réellement y aller. La fusée va vraiment décoller mais vide, tandis que les images seront tournées en studio. Ce qui selon Kelloway suffira à convaincre le Congrès que finalement, la conquête spatiale vaut bien encore quelques gros subsides. Il se fait juste que, dans le film, la fusée explose et il est donc question de buter ensuite les cosmonautes, vu qu'il serait plutôt embêtant qu'un politicien ou un comptable du gouvernement les croise quelques jours plus tard dans un mall en train de s'acheter des pantalons mauves en velours côtelé (OJ Simpson est l'un des cosmonautes en question!). Si le film est donc plutôt mauvais, on reconnaît tout de même là une idée depuis resservie régulièrement : la NASA n'est qu'un gouffre à subsides qui ment depuis plus de 50 ans juste pour convaincre les politiciens de lui gonfler la tirelire ! Autre point amusant, bien réel celui-là : un modèle mathématique a depuis établi que pour être pleinement efficace, une conspiration cherchant à cacher le fait que nous n'avons jamais été sur la Lune aurait du exiger le silence de 411 000 personnes. Ce même modèle dit aussi que ça n'aurait de toutes façon fonctionné que quatre ans, environ. Devinez quoi ? Le premier bouquin, (qui n'a pas du tout marché à l'époque), disant que personne n'a mis le pied sur la Lune date de... 1974 ! Scénariste de Capricorn One, Peter Hyams a quoi qu'il en soit toujours maintenu qu'il ignorait totalement l'existence de ce livre.





V (1983)


La mainmise d'extraterrestres lézaroïdes sur le monde est l'une des plus bizarres théories de conspiration qui existent. Une bien vivace aussi. A la mort de la Reine Elizabeth II en septembre 2022, Facebook aurait ainsi censuré des dizaines de messages reliant la famille royale britannique à un ordre reptilien. Si des aliens à tronches de serpents ont été repérés dans la littérature de gare dès 1929, il faut toutefois savoir que les Lézaroïdes sont relativement neufs dans le bestiaire ufologique. C'est le conspirationniste David Icke, au milieu des années 90, qui a commencé à parler d'aliens reptiliens déguisés aux postes clés de la société humaine ; ce qui rappelle évidemment aussi très fort They Live de John Carpenter (1988). Ancien commentateur sportif devenu porte-parole du parti écologiste anglais, Icke part en fait ces années là complètement en saucisse et en live, se lançant dans un festival de couillonnades qui lui détruisent à vie sa réputation. Quelques mois après avoir émi que Bill Clinton était un lézard de l'espace, il accusera ainsi le film Schindler's List de n'être que pure désinformation, avançant même que certains riches Juifs, dont les Rotschild, ont en réalité financé l'Holocauste. Viré des Verts, il fera ensuite une longue et profitable carrière, toujours en cours en 2023, dans le conspirationnisme ; vendant des bouquins et des conférences développant l'idée d'une cosmologie compliquée où des races d'aliens et des êtres inter-dimensionnels, les Archons et les Anunnaki, se disputent la race humaine.


C'est aussi à David Icke que l'on doit l'idée de sacrifices d'enfants parce que ceux-ci produisent une hormone au moment de mourir considérée comme savoureuse par ces êtres venus d'ailleurs. Selon des spécialistes ayant étudié ses dires, sa théorie des Lézaroïdes n'est toutefois pas directement pompée de V mais bien de Zecharia Sitchin, un écrivain new-age à qui certains ont aussi attribué une grande influence sur Raël. A noter que V pompe de son côté aussi pas mal d'autres œuvres, notamment, et sans trop se fouler d'ailleurs, la trame générale du génial « Enfants d'Icare/Childhood's End » d'Arthur C. Clarke mais en remplaçant les aliens-démons par des aliens-serpents et leur rôle dans l'évolution humaine par une simple occupation territoriale doublée d'une volonté d'exploitation des ressources. Autrement dit, dans V, série produite produite et diffusée dans l'Amérique de Ronald Reagan, les Aliens-Lézards rappelaient surtout les nazis du passé, non sans lourdeur d'ailleurs, les parallèles étant aussi grossiers que surlignés. Chez David Icke, par contre, les Aliens-Lézards rappellent surtout les Juifs des Protocoles des Sages de Sion; ce qui est une critique récurrente de ses élucubrations; son fond de commerce étant souvent accusé d'antisémitisme pur et simple.





The Manchurian Candidate (1962)


Sommet du film paranoïaque anti-Rouges, The Manchurian Candidate pimente l'idée d'une cinquième colonne communiste infiltrée sur le sol américain en imaginant que celle-ci est constituée d'anciens soldats prisonniers de la guerre de Corée dont le cerveau a été lavé pour se transformer en tueurs dès qu'activés par un code spécial. Bref, plus aucune confiance possible puisque même les héros nationaux et autres médaillés devenus politiciens peuvent se transformer en armes ennemies, à l'insu de leur plein gré. Flop commercial retiré des écrans après l'assassinat de JF Kennedy quelques semaines plus tard, ce qui a d'ailleurs donné lieu à une suspicion conspirationniste voulant que Frank Sinatra, son producteur et acteur principal, avait quelque-chose à cacher; The Manchurian Candidate a depuis propagé l'idée que des ordres hypnotiques peuvent être activés à distance pour générer des attaques terroristes. Aux Etats-Unis, les assassinats de Robert Kennedy et John Lennon, ainsi que la tentative de tuer Reagan, ont ainsi été attribués à des « Manchurian Candidates ». J'ai aussi déjà vu expliquer que ça devait également être des enroules du genre qui faisaient que des petits dealers de shit se convertissent à l'Islam en quelques semaines et descendent ensuite avec des couteaux de cuisine dans les rues. Il n'est pas non plus impossible que l'idée de messages subliminaux, notamment satanistes, sur les disques de métal, découlent également et de façon très détournée, de The Manchurian Candidate. D'autant que si le film est aujourd'hui bien connu et a fait l'objet d'un remake, de parodies et même d'une adaptation en comédie musicale, il a longtemps été plutôt rare, peu visible dans les salles et ne passant que très sporadiquement à la télévision, à des heures tardives. Autant dire que c'étaient là les conditions idéales pour que ses idées imprègnent les esprits sans que ceux-ci ne se souviennent précisément d'où elles viennent.




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vendredi 31 mars 2023

LE JOURNAL DU QUINCADO (23) : ENCEPHALOGRAMME PLAT, ZERO INTERET.


 

Mars 2023 - Fin des années 90, il y avait cette librairie à Bruxelles, tenue par un sympathique trentenaire flamand dans une ancienne boucherie, Place Fontainas. Le mec vendait toutes sortes de dingueries introuvables ailleurs : la Bible Satanique, des bédés trash, des bouquins conspirationnistes, des magazines sur la musique industrielle... J'ai acheté là quelques artefacts de ce que l'on peut appeler la « culture stoner » ; notamment un recueil de bandes dessinées « éducatives » censé démontrer le lien entre l'assassinat de Kennedy et les Petits Gris de Roswell. J'aimais bien traîner dans ce merveilleux concept store, y découvrir ce que l'esprit humain pouvait produire de culturellement tordu, voire même de carrément déviant. Parfois au premier degré, plus souvent au second. Je me suis alors un peu intéressé aux théories de conspirations. C'était nouveau, c'était fun. J'ai même pensé m'en faire une spécialité journalistique, me fabriquer une expertise de cet intérêt d'autant plus amusé que les plupart de ces théories malaxaient à leurs sauces (trop) riches des scénarios de films et de comics de mon enfance. Puis, un certain 11 septembre 2001, mon enthousiasme s'est complètement ratatiné vis-à-vis de tout ça. Dans les jours qui suivirent ces attentats, tout le fun s'est évaporé de ce qu'on allait commencer à appeler « le conspirationnisme ». La culture « stoner », les délires à la « Ancient Astronauts », tout ce qui rappelait Métal Hurlant et la collection rouge de chez J'Ai Lu ont laissé place à de la militance politique nauséabonde (de gauche comme de droite) et à de la folie humaine plus pathétique qu'amusante. Bien sûr, cela n'a fait qu'empirer depuis.


Aujourd'hui, je ne m'intéresse plus du tout aux théories de conspirations, qui m'ennuient encore plus que le cyclisme ou le tennis à la télévision. Encéphalogramme plat, zéro intérêt. L'autre jour, ça m'a toutefois bien fait marrer que tout le monde ou presque se mette à parler de l'adrénochrome sur les réseaux sociaux et chez Hanouna. L'adrénochrome, really ? Cette drogue inventée par Hunter S. Thompson dans Fear & Loathing in Las Vegas ? LOL. Et TILT aussi, sur deux points je pense assez capitaux. Le premier, c'est que si certains abrutis parlent aujourd'hui très sérieusement de l'adrénochrome comme d'une drogue puissante fabriquée à partir de glandes humaines, ça confirme que les racines des théories de conspiration qui « prennent » continuent de se dégotter dans la culture pop et/ou underground de jadis. Le second point, plus touchy, c'est que les actuels experts et expertes autoproclamé(e)s du conspirationnisme semblent toujours continuer à complètement s'en foutre.


La culture stoner leur reste inconnue, tout comme la SF des seventies. Ici, en l'occurrence, même un classique de la littérature américaine contemporaine - ce qu'est incontestablement Fear & Loathing in Las Vegas -, semble toujours leur passer également largement au-dessus des melons. Or, est-il raisonnable pour quelqu'un se prétendant expert en conspirations modernes de ne pas connaître ces sources ? On me dira, ce sont des intellectuels, des universitaires, des militants : où trouveraient-ils le temps de se farcir tous ces trucs zarbis ne leur étant clairement pas destinés ? Okay mais l'adrénochrome de Thompson est toute aussi fictive que la salsepareille des Schtroumpfs. Or, quand on connaît cette source et qu'on l'expose, la théorie de conspiration se ridiculise en moins d'une trentaine de secondes. Pour mieux et plus vite désamorcer les capacités de nuisances de certaines idées dès que sorties d'un cadre fictionnel, il me semble donc assez nécessaire que celles et ceux se réclamant de l'expertise conspirationniste savent ce que raconte par exemple le personnage du docteur James Kelloway dans le film Capricorn One ou ce qu'évoque le thriller politique Executive Order. Tout comme au moment d'aborder les théories du Great Reset liées à la vaccination Covid, citer la série Utopia, elle-même probablement déclinée d'une sous-intrigue du téléfilm britannique Alternative 3 des années 70, ne tiendrait pas vraiment du luxe.


Même si ça y ressemble fort, je n'étale pas ici ma (sous) culture juste pour me la péter. En fait, je pointe des mèmes, des idées fortes qui ont jadis nourri la fiction, ont été oubliées, ont décanté dans les esprits, se sont transformées et sont depuis réapparues, tenues pour vraies, dans d'autres cadres. Et donc, je pense que c'est en les traçant à la source et en exposant clairement leurs métamorphoses de fictions prises comme telles en pseudo-réalités qu'on les combat au mieux. A moins que le principal motif des experts et expertes autoproclamé(e)s ne soit pas d'aider les gens à rester un tant soi peu rationnels mais juste de prendre position, de le monétiser et de tenter d'en vivre ? 


Yes ! 


Voilà que je viens de lancer dans le public une théorie de conspiration sur les spécialistes des théories de conspirations !



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jeudi 23 mars 2023

LE JOURNAL DU QUINCADO (22) : ENTER KINOCOSMANI !

 


Mars 2023 - Je crois que je n'ai vraiment pleinement pris du conscience du génie punk que vers le milieu des années 80. Cela pourrait dater de cette fameuse pub pour les jeans Levi's 501 avec le Should I Stay or Should I Go du Clash en bande sonore. Dans la foulée, CBS avait sorti du groupe une copieuse compilation et tous les ex-corbaques devenus minots de mon genre sont devenus dingues du Clash. Je préfère toujours les morceaux plus funk et bizarres que strictement rock and roll (The Call-Up! Lightning Strikes! Radio Clash!) du groupe, mais soit. C'est via cette compile que j'ai découvert leurs morceaux plus énervés des débuts et avant cela, il faut bien avouer que je pensais que le punk était essentiellement une musique de crétins, vu que je la connaissais principalement via des idioties comme Plastic Bertrand et les Béruriers Noirs (qui sont au punk ce que Pierpoljack est au reggae, ouais!). Cela dit, j'aimais aussi beaucoup les Damned et les Stranglers à la même époque et je suppose que je suis aussi remonté de leurs disques plus pop comme The Shadow of Love et Féline vers leurs premiers albums nettement plus punk. Reste que j'ai toujours préféré ce qui a suivi, le post-punk. Le punk, c'est cool en tant que mouvement social et culturel mais la musique n'était quand même souvent que du rock basique bien blanc et bien couillon. C'est un retour aux sources de l'énergie primale du rock, c'est éventuellement marrant mais systématiquement limité... alors que le post-punk est vraiment une tentative de tout réinventer, via l'électronique et les influences black notamment, et c'est aussi souvent fort arrogant et bien funky. Ce qui me parle davantage.


Mon idole punk absolue n'est pas musicien, d'ailleurs. C'est Alex Cox, un réalisateur de films que je n'aime pas vraiment mais qui présentait fin 80-début 90 sur la BBC un cinéclub du nom de Moviedrome. Il y parlait longuement de films comme Badlands, Electra Glide in Blue et The Wickerman, entre beaucoup d'autres. A cette époque, j'étais entouré de gens passionnés par les nanars et les films cultes, dans le trip Craignosses Monsters/Russ Meyer notamment, mais je ne m'y retrouvais pas. Pas plus que dans les films d'auteurs, trop prétentieux, ni les blockbusters, trop cons. C'est donc Alex Cox qui m'a fait prendre conscience qu'il existait tout un pan du cinéma correspondant parfaitement à mes attentes ; qu'un film culte n'était pas forcément un film avec des motards, des gros nichons et des extraterrestres en plastique. Il m'a fait découvrir et prendre conscience d'un cinéma inclassable, aux scénarios un peu bizarres, qui dépasse la notion de série A, B ou Z, et qui englobe à la fois des classiques oubliés, des navets non sans qualités et même des tentatives de blockbusters cherchant à sortir des sentiers battus. Je citerais en guise d'exemples certaines productions de la Hammer, les films en anglais d'Antonioni, l'acid-western, des slashers cultes et, histoire d'évoquer aussi des choses plus récentes, les oeuvres complètes de Peter Strickland, Nicolas Winding Refn et Panos Cosmatos. Entre beaucoup d'autres choses, connues ou pas, donc. C'est ça le cinéma que je préfère, le midnight movie, et encore aujourd'hui quand on me dit punk, c'est à Alex Cox que je pense en premier : une sorte de gentilhomme avec une connaissance encyclopédique d'une certaine culture, avide de connaissance et de découvertes, de partage aussi. A qui je dois beaucoup. 


Retrouvant peu à peu pas mal d'énergie après quelques longues semaines molles interminables mois mous, pluvieux et quasi-autistes envers toute idée de réflexion et de travail, voilà que j'ai fort envie de faire perdurer cet esprit. Tadadoum, j'annonce donc ici que le Moviedrome 2023 version Casacosmani s'appellera KinoCosmani et débutera sur ce blog dans quelques jours. Des listes, des conseils. Le guide de survie pour vivre aujourd'hui le cinéma loin de Marvel, DC, Star Wars et John Wick !


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lundi 13 mars 2023

LE JOURNAL DU QUINCADO (21) : FUCK YOU I WON'T DO WHAT YOU TELL ME


Mars 2023 – Il y a quelques jours, j'ai terminé en VO la lecture du dernier Bret Easton Ellis, The Shards. C'est un gros pavé : un peu moins de 600 pages, assez touffues. Le roman est ce qu'il est : à la fois prenant et finalement décevant. Le fait de capter dès les premiers chapitres comment il se terminerait ne m'a pas aidé à davantage l'aimer, je dois dire. Je laisse toutefois à d'autres le soin de l'analyser et d'en critiquer le contenu. Aujourd'hui, je voudrais surtout parler de l'impression qu'il m'a laissée. Pas le simple « tout ça pour ça ? » d'ordre strictement littéraire. Plutôt l'impression de ce que le roman dit (ou ne dit pas, ou ne dit pas assez...) de son auteur et de notre époque. The Shards se passe principalement à Los Angeles en 1981. On y cite beaucoup de références musicales appréciables bien que white only (quelle année, 1981!!! Mais où est le funk ???), des restaurants et des magasins aujourd'hui fermés, des marques de fringues que plus personne ne porte et on y roule en bagnoles que plus personne ne conduit. La nostalgie, camarade ! Les personnages sont tous issus de la jeunesse dorée, vivent dans une grosse bulle de très gros privilèges et leur « innocence » est menacée par un culte de la mort mystérieux qui pourrait être dirigé (ou pas) par un serial-killer énigmatique. Il y a quelques années, Ellis avait travaillé sur le scénario d'une série télévisée qui n'a jamais été tournée et dont Charles Manson aurait été le personnage principal. Son serial-killer  de fiction s'inspire pourtant visiblement d'un autre criminel ayant vraiment sévi en Californie durant les années 80 mais peu importe. Los Angeles, des marginaux sectaires, un tueur fou, une multitudes de références culturelles, la fin de l'innocence pour des personnages assez largués et camés jusqu'au trognon... Voilà : j'ai aussi lu The Shards comme une sorte de suite ou de nouvel épisode se déroulant dans le même univers, une dizaine d'années plus tard, que celui de Once Upon a Time in Hollywood de Quentin Tarantino. Coïncidence? Tendance? Je l'ignore mais il se fait que je pense justement que Tarantino et Ellis sont aujourd'hui les deux dernières célébrités à tenir un discours bien diffusé et à créer des choses qui gardent profondément la marque de tout ce que la sociologie de comptoir a attribué à la Génération X. Qui est aussi la mienne, dont je me sens moi aussi un avatar. Un cliché ambulant, même.


Ce sont les derniers des Mohicans, les autres représentants importants de cette Gen X étant soit morts (Kurt Cobain, Tupac Shakur, Heath Ledger...), soit assez hors radars (Molly Ringwald, Julia Roberts, Winona Ryder...), soit désormais parties intégrantes de ce qu'Ellis appelle l'Empire (Robert Downey Jr, Joaquin Phoenix, Dave Grohl...). Né en 64, Ellis a dès son premier bouquin, Less Than Zero, été considéré comme un « porte-parole » de cette génération. Né en 63, Tarantino a lui été perçu dès son premier film, Reservoir Dogs, comme l'un de ses rejetons les plus doués et rentables. Outre cette nostalgie récente, dans ce qui les rapproche, les deux hommes partagent depuis toujours une certaine tendance sinon à la provocation du moins au parler cash, une énorme connaissance amoureuse du cinéma, un attrait pour l'esthétique violente et un certain cynisme amusé. Celui-ci s'est toutefois surtout exprimé ces dernières années, alors qu'Ellis comme Tarantino se sont coltinés des critiques professionnelles davantage nées de postures idéologiques et d'envies de jeunes journalistes de se faire ces deux « boomers » que d'une approche plus sereine et analytique de leurs œuvres. Ellis s'était déjà frotté à ce genre d'énergumènes dès les années 90, quand son American Psycho affolait les néo-grenouilles de bénitiers et autres pisse-vinaigres féministes de cette époque pré-Internet. Mais ce n'est que ces dernières années qu'il s'est pleinement transformé en commentateur social à quasi temps plein, pas toujours pertinent, ni « scientifiquement recevable » comme diraient certains aujourd'hui, mais aux intuitions intéressantes. On peut ainsi rappeler que c'est son article de 2014 pour Vanity Fair dézinguant les Millenials et leur culte de la victimisation, Generation Wuss (Génération Chochottes), qui s'est transformé cinq ans plus tard en véritable essai très critique envers ce qui était en train de devenir "le wokisme", le fameux White de 2019 ; lui aussi assez dégommé par pas mal de médias lyncheurs voulus progressistes. Chicané pour la violence de ses films, ses accointances avec Harvey Weinstein et ses rapports visiblement plus vraiment au top avec Uma Thurman, Tarantino, de son côté, s'était quant à lui aussi montré assez bravache face aux vents mauvais ; notamment en rétorquant son définitif « Says who ? » quand on lui fit également remarquer que bon nombre de choses dont il truffe toujours ses films étaient désormais considérées comme « problématiques » par une partie significative du grand-public (dont son utilisation massive du pourtant très tabou « n-word »)


Vu la tendance générale à déformer les propos et attribuer des agendas réactionnaires (ou masculinistes quand cela concerne Ellis et Tarantino) au moindre écrit critique ou moqueur, il est peut-être utile de bien préciser mon rapport personnel à la production de ces deux là. Si on prend l'entièreté de ce qu'a publié Ellis depuis presque 40 ans, j'ai tout lu mais je n'en garde, dans l'ordre de préférences, que Les Lois de l'Attraction, Moins que Zéro, Lunar Park et White ; n'étant pas du tout fan du reste, que je considère plutôt comme de la simple couillonnade au pire et de la désormais bien ringarde relique nineties au mieux. Même chose pour Tarantino : j'adore Reservoir Dogs, Pulp Fiction est beaucoup trop long bien que plutôt cool mais pour le reste, ça pique quand même fort aux yeux, surtout depuis les années 2010. Un autre gros point commun entre Ellis et Tarantino, en passant : la grosse ficelle resservie à chaque coup. Dans les bouquins de l'un, le narrateur n'est jamais fiable. Dans les films de l'autre, on se permet de chambouler l'Histoire parce que c'est ça, le pouvoir du cinémaaaa, haaa, le cinémaaa... Systématiquement, on a donc  le coup du roman qui ment et du film révisionniste. Mouais. Voilà pour la clarification : Ellis et Tarantino sont pour moi loin de représenter des dieux intouchables. Leurs œuvres peuvent être critiquées, durement même. Leurs personnalités aussi, d'ailleurs. Mais pour ce qu'elles sont, pas pour ce que des Missionnaires (H/F/X) de la Bienveillance vont vouloir y trouver dans le simple but de les incriminer; un peu comme des flics ripoux iraient foutre un pacson de coco dans la voiture d'un type ultra clean arrêté parce que suspect de se droguer et qu'il faut faire du chiffre.


Cela dit, si je n'aime pas forcément ce qu'ils font, j'ai beaucoup plus de sympathie et même, allons-y franchement, d'attentes, par rapport à ce qu'ils disent. J'ai interviewé Ellis et je l'ai trouvé affable, plutôt sympathique, même si pas forcément « fiable », tiens, justement. J'ai aussi regardé pas mal d'interviews de Tarantino sur You Tube et lui, par contre, me semble vraiment tenir du gros con imbu de son petit nombril. Tous deux tiennent néanmoins un discours régulièrement intéressant. Pas toujours bien tapé, souvent plus fanfaron que réfléchi mais quoi qu'il en soit, utile. Je pense en effet qu'il est très important, de nos jours, que ce genre de personnalités dont la voix peut sonner, sonne justement les cloches aux conneries que déversent celles et ceux qui tentent aujourd'hui de tenir les rennes de la culture et d'imposer leurs visions tartiflettes et leurs morales chiasseuses à la création artistique et/ou commerciale. Bret Easton Ellis et Quentin Tarantino ne sont pas Michel Sardou et Véronique Genest. Ils sont bien en voie de ringardisation mais n'ont toujours pas l'air à ce point déclassés, ni vraiment réacs, quand ils critiquent l'époque. Les choses qu'ils déblatèrent peuvent toujours switcher une petite lumière dans le cerveau. Ils gardent aussi cette « fuck off attitude » plus que jamais nécessaire, qui peut inspirer. Quand on a grandi a son d'un bon millier de chansons beuglant en substance « fuck you I won't do what you tell me » et que l'on vit désormais dans une époque ultra-conformiste où pour recevoir des aides à la création culturelle il vaut mieux parler comme tout le monde de lesbiennes non-binaires cyclistes cherchant leurs identités profondes en confectionnant des cupcakes plutôt que de psychopathes en costards faisant rigoler la salle de cinoche en torturant des innocents au rasoir, ça fait beaucoup de bien de voir ces deux là continuer de balancer de la punchline à l'ancienne, de se foutre d'être "cancelled" ou pas et même, au final, de s'en tenir à leurs recettes éprouvées, même quand c'est nul ou pas loin de l'être. Tout comme il est très gai de continuer à rigoler des stand-ups de Dave Chappelle, Bill Burr et Louis CK. Le souci majeur, étant bien sûr, que ces bulles au ton libre « comme avant » deviennent des « safe spaces » pour gens qui conchient justement l'idée même de « safe spaces ».


The Shards tient bel et bien du « safe space pour Gen X et Boomers », je pense. C'est Less Than Zero revu et corrigé pour une éventuelle adaptation Netflix (Correction : HBO plutôt, vu le cul et la violence!). Soit. Aujourd'hui, ses romans ronronnent. C'est dans ses interviews qu'Ellis se montre le plus intéressant. Quand je l'ai rencontré en 2019 (ça a été payé mais jamais publié), il m'avait ainsi évoqué le cas je pense très exemplaire du comique Anthony Jeselnik, qu'il avait reçu dans son podcast. « S'il voudrait un show sur NBC ou une grosse marque pour sponsor, Jeselnik devrait changer la routine de ses spectacles, m'avait expliqué Ellis. C'est quelqu'un de très charismatique, qui présente bien, qui ferait donc un très bon porte-parole pour une noble cause et son agent n'arrête pas de le pousser à accepter de telles offres. Mais s'il passe à ce stade « supérieur » de sa carrière, il devra arrêter les blagues sur les bébés morts, le viol et le SIDA. Et il n'en a aucune envie. Je pense comme lui : quand on refuse certaines choses, on en gagne d'autres. Je sais que j'ai perdu des jobs, je sais que j'en ai raté. Certaines personnes n'ont aucune envie de voir leurs noms associés au mien. Il faut pouvoir accepter les conséquences de ce que l'on dit. Nous vivons désormais dans un monde où tout le monde surréagit, où des hystéries démarrent pour des broutilles... Où nous en sommes en tant que société, c'est désolant. Où j'en suis, c'est désolant. » La solution à cette désolation, c'est d'assumer, donc. Continuer, même quand le vent souffle de face. Ne pas plier. « My way or highway », comme dit le vieux Joe Cabot dans Reservoir Dogs. Plus que jamais, « fuck you I won't do what you tell me ». Gen X 4 Life! 


PS : Je dois malgré tout ça tout de même bien avouer que j'ai toujours détesté Rage Against The Machine, vraiment la pire daube des nineties. Après Smashing Pumpkins, allez... Le Pukkelpop 1993, ce véritable supplice du pal !



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samedi 25 février 2023

NON MAIS ARAU, QUOI...

 


(photo trouvée sur le site de The Bulletin, auteur inconnu. Si souci, e-mail me!)


Ce 23 février 2023, l'ARAU, l'Atelier de Recherches et d'Actions Urbaines, mettait à disposition sur son site une « analyse » de 13 pages PDF concernant « l'affaire du Fuse » ; annonçant dès le titre que « le droit à la ville n’est pas à vendre et la santé des habitants n’est pas négociable ! ». Autrement dit, no pasaran el boum-boum !


L'asbl bruxelloise estime donc que « disproportionnées et irresponsables, les réactions politiques pour soutenir le Fuse ont nié le droit à la ville en marginalisant la parole des habitants et en bafouant le droit de l’environnement. » Si on en croit l'ARAU et jusque là, il n'y a aucune raison de ne pas croire l'ARAU, les politiques et les médias ont en effet largement déconné en présentant une vision assez biaisée du dossier. Il y aurait notamment à l'égard du Fuse plus de soixante plaintes sur près de dix ans et pas juste une embrouille avec un voisin installé là depuis peu. Autre oubli des politiques et des médias, selon l'ARAU : les plaignants ne s'attaquent pas à une discothèque présente dans les Marolles depuis 1994 (et même depuis les années 1970 si on estime que le Fuse n'est que locataire du Disque Rouge) ; ces riverains se plaignent en fait principalement de « nuisances » beaucoup plus récentes, qui découleraient d'un agrandissement du Fuse et d'une partie du bâtiment pas aussi isolée que les autres. Pour l'ARAU, le soutien politique à la discothèque et le traitement médiatique du dossier tient en fait carrément du « victim blaming »; chose courante « lorsqu’il est question de nuisances sonores en ville ».


Le « victim blaming » n'est pas le seul concept à la mode utilisé par l'ARAU. Celui-ci s'estime en effet également « lanceur d'alertes » sur les nuisances sonores, « produisant plusieurs analyses et en organisant des conférences pour démontrer que le bruit est une cause majeure de problèmes de santé publique de dégradations de l’environnement. » Quand on parcourt cette documentation, on est en effet vite fixés : pour l'ARAU, les lois et arrêtés actuels (« fruit de nombreuses années de travail ») portant sur le son amplifié sont bons et doivent être respectés à la lettre. Que ce fruit de ces nombreuses années de travail soit valide d'un point de vue scientifique mais contestable et contesté à un niveau plus technique et, surtout, culturel, ça, par contre, on n'en parle pas. Pour l'ARAU, « le Fuse n’a pas réalisé les travaux d’insonorisation nécessaires ni appliqué les recommandations de Bruxelles Environnement... ». Certes... mais il faudrait peut-être rappeler que ces recommandations peuvent être jugées sinon inapplicables, du moins assez irréalistes dans une discothèque, à fortiori d'une telle capacité. Cela dit, L'ARAU semble en fait surtout recommander de s'en tenir aux arrêtés et aux lois quand ces directives servent sa propre cause.


A l'évocation d'un « principe d'antériorité » qui pourrait pourtant un jour aussi devenir base légale, l'ARAU évoque ainsi une source « de nombreuses injustices et iniquités » ( « si un établissement préexiste à l’installation de nouveaux habitants, à ces derniers de s’adapter, de s’isoler, et d’accepter les nuisances. Ce principe, que l’on cite comme étant appliqué à Berlin, à Paris ou dans d’autres capitales, fait en réalité l’objet de nombreux recours, dans toutes les villes où le milieu de la nuit a tenté de l’introduire, et frôle partout le caractère anticonstitutionnel. Sans s’attarder sur les batailles juridiques ayant cours en France, en Espagne, en Royaume-Uni ou en Allemagne, on peut facilement comprendre que ce principe est susceptible de créer de nombreuses injustices et iniquités. »


Rappelons qu'à Paris, ce « principe d'antériorité » a pourtant notamment été évoqué alors que des personnes venant d'y emménager se plaignaient du bruit à Pigalle, quartier bien pourvu en boxons depuis plus de 150 ans. Vivant pour ma part à Liège, cela me fait par ailleurs toujours marrer d'imaginer la façon dont serait ici reçue une personne se plaignant du boucan dans Le Carré. Le Carré, parlons-en. Voilà un ensemble de quelques rues liégeoises dédiées à la fête. Comme ça existe quasi partout ailleurs mais pas trop à Bruxelles. Selon l'ARAU, consacrer des quartiers d'une ville au divertissement est d'ailleurs « réactionnaire. » Cela « renvoie à une vision fonctionnaliste de la ville que l’on espérait révolue : partager et découper le territoire urbain en différents « zonings » ayant chacun sa propre fonction dominante, voire unique. Les dérives historiques et leurs effets nuisibles à l’habitabilité sont connus : bureaux aux quartiers Nord ou européen, commerces rue Neuve, musées au Mont des Arts, fêtes à Saint-Géry… autant de lieux où la densité d’habitants est plus que critique et où il s’avère assez délicat, pour les autorités, de maintenir des habitants sur le long terme et de promouvoir une qualité de vie ! Cibler des quartiers ou des rues à dédier à la fête visait ici un objectif : réduire la capacité de plainte des habitants, accepter que le bruit et l’animation nocturne fassent partie intégrante de ces quartiers. De nouveau, l’on en revient à imaginer réduire la possibilité de contestation des habitants et à créer des zones de « moins de droits ».


Je trouve pourtant carrément logique et très rationnel de dédier des quartiers à la fête, tout comme il est logique et rationnel de ne pas implanter de l'industrie lourde en plein centre-ville. Je trouve aussi logique et rationnel qu'il existe des zones de « moins de droits » : si vous habitez à côté d'une église et vous vous plaignez des cloches ou au-dessus d'un boucher alors que vous ne supportez pas l'odeur de la viande et le faites savoir, c'est insensé que vous puissiez être écouté et pris au sérieux. Donc oui, je pense qu'il faut des coins bruyants en ville, avec des bars et des discothèques dont les bâtiments mitoyens ne sont pas habités la nuit ou habités par des gens que cela ne dérange pas. C'est pourquoi je ne comprends pas très bien non plus en quoi l'ARAU trouve si scandaleuse l'idée que la Ville de Bruxelles envisagerait de racheter les immeubles autour du Fuse et d'en exproprier les habitants ? Cela me semble bien une solution un peu olé-olé et ouverte à du dessous-de-tables à gogo mais pas la pire, d'autant que ces immeubles peuvent très bien être affectés à des locataires que le voisinage direct d'une discothèque ne dérangerait pas du tout (commerces, galeries...). Soyons fous, on pourrait même y implanter un musée de la musique électronique belge. Ou une chill-out zone, puisque c'est imposé à un établissement comme le Fuse par l'arrêté sur le son amplifié de 2018.


Mais l'ARAU cherche-t-elle seulement une solution à ce dossier ? « Quoiqu’il en soit : avec ou sans principe d’antériorité ou agent of change, la loi devrait toujours être respectée, et les normes de bruit en font partie ! », est-il écrit en conclusion de l'« analyse », alors que quelques lignes plus tôt, il est aussi clairement souligné qu'il est pour l'ARAU « inimaginable » de « changer la loi et les normes sur base du succès d’une pétition en ligne ». Parce qu'il ne faut pas se leurrer. Que le Fuse reste Rue Blaes ou s'en va ailleurs, ce n'est pas vraiment le fond de l'affaire. Ce qui semble encore échapper aux médias et au personnel politique, c'est que le Fuse n'est certes pas blanc-blanc dans ce dossier mais le Fuse est surtout une première « victime » emblématique d'un arrêté sur le son amplifié tout simplement zélé. Celui-ci date donc de 2018. Comptons depuis une année de rodage timide et presque 3 ans de Covid. Ce n'est donc que maintenant que l'on va se rendre compte de tout ce qui cloche dans ces mesures. Il y aura donc, je pense, encore beaucoup d'autres dossiers du genre. Certains médiatisés parce que touchant des acteurs de la nuit emblématiques, du lourd comme le Fuse. D'autres ignorés, parce que laminant des petits bars dont on se fout ou même des fêtes privées. C'est pourquoi il est je pense important de faire justement du bruit, de participer aux pétitions, de faire en sorte qu'effectivement changent ces lois et ces normes, qui découlent d'une vision hyper-précautionneuse de la santé publique et sont un alibi à drastiquement changer la vie nocturne. N'oublions jamais qu'au niveau des heures d'ouverture, nous restons toujours l'un des pays les plus permissifs du nord de l'Europe, soit une anomalie! Depuis 2020, on a sinon aussi une petite idée désormais assez claire de comment une politique sanitaire zélée peut rendre le monde meilleur... Hahaha, la bonne blague ! Bref, fight for your right to party !



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jeudi 16 février 2023

LE JOURNAL DU QUINCADO (20) : REAC, CATHO, RINGARD ET TAFIOLE


 

Février 2023 - C'était je pense une grande chance de grandir durant les années 70 et 80. Une époque où les parents ne faisaient pas vraiment attention aux films que regardaient leurs enfants. Une époque où ce que l'on appelle aujourd'hui les « trigger warnings » étaient perçus comme réacs, cathos, ringards et tafioles. L'Exorciste beaucoup trop jeune, Soleil Vert pas du tout feel good, voilà qui marqua mon enfance. Du trauma à la pelle devant la téloche à papa quand il n'était pas là  : vampires, Satan, nazis, fin du monde, animaux morts, mygales en gros plan, rouquins électrocutés... Quarante ans plus tard, ma cinquantaine en est fort satisfaite : je ne serais pas tout à fait le même, je pense, si je n'avais sué dans mes draps Star Wars en cauchemardant les remakes perso de tous ces films après les avoir pris dans la tronche. Pour forger un caractère, rien de tel qu'une bonne guerre, disent certains. Je n'y crois que moy-moy. Par contre, culturellement se confronter à la surprise, au risque de grand déplaisir et même de sévères traumatismes, ça oui, c'est selon moi important. Très. C'est pourquoi je reste bouche bée à l'idée qu'il existe désormais une application, du nom de Does The Dog Die ?, où l'on peut vérifier qu'un film soit complètement « safe » avant de le regarder. Certes, je ne pense pas que Requiem pour un Massacre, par exemple, soit très indiqué pour animer un après-midi anniversaire d'enfants de dix ans et il ne m'est donc pas scandaleux qu'il puisse exister un site expliquant que ce film puisse être contre-indiqué aux personnes sensibles et aux mioches. N'en demeure pas moins que je pense que Requiem pour un Massacre doit aussi être obligatoirement vu, expérimenté et vécu quelques fois dans une vie. De préférence sans trop savoir à quoi on va être confronté au moment de s'y lancer. Or, Does The Dog Die nous avertit que si on regarde Requiem pour un Massacre, on y verra voler des insectes, mourir une vache et un cheval, des gens se saouler, un viol, quelqu'un se couper les cheveux, quelqu'un d'autre vomir, une scène de douche, des pets et des crachats, un bébé qui pleure, du « hate speech », de l'antisémitisme, du sexe, des flingues et une quasi noyade. Does The Dog Die ? nous rassure toutefois que dans ce qui me semble toujours le film de guerre le plus horrible et réaliste au monde, il ne meurt aucun dragon. Sérieux, il y a une rubrique « Does a dragon die ? » sur le site. Que Requiem pour un Massacre n'est pas Bridget Jones et ne soit pas du tout recommndable après une grosse choucroute, je pense qu'on le pige rien qu'au titre. Que des gens puissent estimer important de signaler que quelqu'un y pète au cas où ça pourrait générer un malaise sur le sofa me semble par contre découler de la sensiblerie post-moderne exacerbée. Recommander la vision de Requiem pour un Massacre et avertir que ça va secouer, c'est primordial. Lister tout ce qui pourrait déranger les chochottes dans ce film n'est par contre qu'un service nigaud de plus à la communauté pisse-vinaigre. Autrement dit, encore une machine à fabriquer les réacs, cathos, ringards et autres tafioles. Voilà.


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