jeudi 18 septembre 2014

AU THEATRE FLAMAND, LE ROI SERPENT



Genesis P-Orridge, qui reste à la contre-culture occidentale des temps modernes ce que le glaçage est au cupcake, était ce mardi soir au Beursschouwburg bruxellois. L'occasion de voir prester la mouture 2014 de Psychic TV, groupe formé en 1980 et toujours deuxième après les Doors au classement du rock profondément chamanique.

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jeudi 14 août 2014

LE PUDDING TOTALITAIRE

Gamin au pensionnat de rupins, George Orwell faisait pipi au lit, craignait les séances de branlettes collectives et se sentait espionné en achetant du chocolat. Ce traumatisme du système scolaire anglais explique peut-être les passages les plus faibles de 1984, ceux pourtant censés décrire l'horreur absolue.

On n'a pas ici l'ambition de réécrire l'histoire littéraire comme le ferait dans le bouquin le Miniver, le Ministère de la Vérité chargé de truquer le passé et les souvenirs du peuple. 1984 est un tricot d'observations pertinentes et d'intuitions géniales, une dénonciation en gros implacable du stalinisme ainsi qu'un hommage vibrant aux libertés individuelles. C'est aussi un roman de mauvaise anticipation, à la trame narrative simplette, aux personnages mal pensés, à la psychologie naïve et aux incohérences dignes d'un blockbuster hollywoodien contemporain. En 1984, le Royaume-Uni a été marqué par les grandes grèves des mineurs, la montée des Smiths, les culs velus en shorts de cuir de Frankie Goes To Hollywood tout le temps, partout, ainsi que par la visite de courtoisie chez Madame Thatcher de Mikhail Gorbatchev, représentant d'un système politique alors en pleine déroute et de moins en moins ennemi. Ca, Orwell ne l'avait pas vu venir. Normal : son 1984 s'inspire surtout du Moscou sous Staline et du Londres d'après-guerre, avec ses cratères dus aux bombardements nazis, son rationnement alimentaire, sa propagande patriotique et sa nostalgie de l'Empire Britannique, alors en pleine phase de décolonisation.

On le sait, Orwell s'est pour 1984 aussi largement inspiré de Nous Autres, dystopie de 1920 signée de l'écrivain russe Ievgueni Zamiatine, ainsi que de La Kallocaïne, autre dystopie, cette fois parue en 1940 et imaginée par la Suédoise Karin Boye. Orwell entendait au travers 1984 lancer un cri d'avertissement politique fort. On peut donc penser qu'il était chaud-boulette sur son gros tas de notes, qu'il savait quoi dénoncer, maîtrisait au mieux sa critique du système soviétique, du double-langage et des dangers du socialisme anglais. Par contre, il est aussi permis de suspecter que l'auteur n'entendait que pouic aux codes de la science-fiction et de l'horreur et c'est peut-être bien pourquoi toute cette belle théorie s'est finalement transformée en grosse bouillabaise où les observations politiques tranchantes flottent à côté de gros grumeaux de pures couillonnades fictionnelles.

Big Moustache is watching you

Le roman reste aujourd'hui connu pour ses archétypes devenus clichés (Big Brother, la novlangue, la réécriture de l'histoire à des fins de propagande interne...) mais le monde qu'il caricature est bel et bien mort, sauf peut-être en Corée du Nord. 65 ans après sa publication, 61 après la disparition de Staline, 1984 a vieilli. La surveillance généralisée, la détention arbitraire, la torture et l'assassinat ciblé existent certes toujours, y compris dans des pays réputés libres. Mais Orwell n'a pas imaginé que l'on pourrait dès 1984 très bien ne pas tuer un opposant politique, ne pas censurer une voix dissidente. On peut aujourd'hui se contenter de totalement la décrédibiliser médiatiquement, de faire passer grâce aux réseaux sociaux le mouvement insurrectionnel pour un ramassis de clowns conspirationnistes, de minimiser l'impact de révélations ou même miser sur la possibilité que tout le monde se fiche comme de son premier lolcat de ce qu'un fuitard peut bien dévoiler des rouages d'un système corrompu. Dans 1984, il y a du Staline et du Trotski. Par contre, pas la moindre trace d'un ancêtre de Julian Assange ou d'Edward Snowden. Normal. Ce qui l'est moins, normal, c'est qu'au moment d'imaginer l'horreur absolue, la fin de l'humanisme, un système tyrannique s'installant pour durer éternellement, Orwell se soit empêtré dans un concept totalitaire futuriste aussi wtf qu'une dichotomie fantaisiste entre une large majorité de prolétaires plus ou moins libres et une petite poignée de membres du Parti vivant à eux seuls une expérience totalitaire full options, avec sa surveillance omnisciente irréaliste (qui surveille les surveillants?) et cette énigmatique interdiction sexuelle entre adultes pourtant consentants.



Le totalitarisme des chambrées de jeunes garçons anglais

Une hypothèse marrante qui permet de donner sens à ces incongruités implique de relire 1984 à la lumière de la nouvelle Such Such Were The Joys, finalisée au printemps 1948, quelques mois avant la touche finale portée par Orwell à 1984. L'auteur y décrit la vie malheureuse qui fut la sienne à Crossgates, transposition littéraire à peine déguisée d'un pensionnat huppé du Sussex où il a été envoyé tout gamin. Un monde refermé sur lui-même, où quelques règles aussi basiques qu'arbitraires sont dictées par le Headmaster, figure d'autorité menaçante, quasi divine, qui voit tout, sait tout, et recourt au châtiment corporel pour sanctionner ce qu'il considère être des transgressions, volontaires ou non. S’instaure forcément parmi les petits pensionnaires la plus morbide des paranoïas. Ils se dénoncent les uns les autres, non sans plaisir sadique. Leur solitude est abominable. Ils sont mal nourris et déracinés dans un monde clos où des plaisirs simples comme de mariner dans un bain chaud ou de savourer un morceau de chocolat leurs sont momentanément interdits. Crossgates est un pensionnat pour garçons, autrement dit un environnement où le sexe est en principe absent et où les accusations de pédérastie mènent aux coups de canne, voire aux expulsions. C'est une école anxiogène, brutale et froide, et pourtant, quand ses pensionnaires la quittent, ces gamins promis à devenir cadres de l'administration gouvernementale britannique gardent presque tous une dévotion quasi religieuse pour le Headmaster. Ils lui sont reconnaissants d'avoir fait d'eux des hommes bons, honnêtes et droits. Tout comme à la fin de 1984, après toutes les tortures qu'il a subies et malgré qu'il soit promis à une mort aussi violente que subite, Winston Smith se met à aimer Big Brother d'un amour sincère et inconditionnel.

Dans le roman, l'endoctrinnement ne concerne que les membres du Parti. En dehors de celui-ci, « les proles » vivent une vie miséreuse mais exempte de surveillance rapprochée. Si des agitateurs apparaissent, ils sont neutralisés, mais 1984 ne semble pas envisager qu'un leader charismatique révolutionnaire puisse émerger de la masse inculte. A Crossgates, la tyrannie à laquelle le Headmaster soumet ses élèves n'est elle aussi effective que dans l'enceinte de l'établissement. En dehors, la vie villageoise continue tranquillement et on peut supposer que les gamins pensionnaires, future élite de la nation, avaient des paysans et des petits commerçants des alentours une perception assez semblable à celle qu'a Winston Smith des prolétaires dans le roman : des êtres aux mœurs rudes mais charmantes, à la crasse romantique, exclus de naissance des brillantes carrières institutionnelles, mais jouissant d'une liberté désirable.

Le chocolat, c'est l'esclavage

A Crossgates, Orwell pissait au lit. Chaque soir, flippé, il priait Dieu pour que sa vessie tienne jusqu'au lendemain matin. Mouiller ses draps était sévèrement sanctionné par le Headmaster et Orwell racontera plus tard que c'est précisément cette expérience de se prendre des coups de canne pour un acte involontaire qui lui fera comprendre que l'on vivait dans un monde dont il lui serait impossible de respecter les règles. Quand Winston Smith est arrêté dans 1984, il croise en prison un voisin pourtant tranquille à qui il est curieusement reproché d'involontairement critiquer Big Brother dans son sommeil. Autre coïncidence amusante, peut-être frappante : dans Such Such Were The JoysOrwell raconte aussi qu'un jour qu'il est envoyé faire une course au village, il s'achète en douce du chocolat avec de l'argent qu'il a caché. Alors qu'il sort de la confiserie, un homme le dévisage longuement et le gamin est vite persuadé qu'il s'agit en fait d'un espion du Headmaster. Il s'attend à être dénoncé et puni, comme n'importe quel morveux dont la culpabilité se transforme en paranoïa galopante. Winston Smith vit dans le roman une expérience similaire : il découvre par hasard une charmante boutique d'antiquités dans les bas-fonds de Londres, loue au propriétaire une chambre meublée où écrire tranquillement ses tourments et faire l'amour à Julia et hop, le type est en fait un espion du Parti qui les dénonce aux autorités. C'est cauchemardesque mais délirant, comme une crainte d'enfant. Dans la nouvelle, Orwell reconnaît d'ailleurs qu'il fut grotesque de penser qu'un maître d'école placerait des espions ici et là afin de s'assurer que le règlement de son établissement soit respecté même là où il ne s'applique pas. Dans le roman, par contre, il semble plutôt logique à l'auteur que son héros soit dénoncé par un espion qui n'a aucune raison de l'être, propriétaire d'un immeuble qui n'a aucune raison d'être surveillé et où le personnage est entré totalement par hasard. Licence poétique, toi qui excuse les pires incohérences...



La caméra sur le parking du Monoprix

Souvent naïf, un poil trop moraliste, plus british que gauchiste, George Orwell avait ses idées et ses doutes, qu'il défendait plutôt pas mal quand il se contentait d'observer ses marottes ; c'est-à-dire les pauvres, le socialisme et ses perversions. Imaginer un futur horrifique crédible lui semble par contre avoir été plus difficile. La tirade finale du personnage d'O'Brien, sbire du Système qui torture Winston Smith, est ainsi à peine digne d'un méchant peu inspiré de James Bond : « Le pouvoir est d’infliger des souffrances et des humiliations. Le pouvoir est de déchirer l’esprit humain en morceaux que l’on rassemble ensuite sous de nouvelles formes que l’on a choisies. Commencez-vous à voir quelle sorte de monde nous créons ? C’est exactement l’opposé des stupides utopies hédonistes qu’avaient imaginées les anciens réformateurs. Un monde de crainte, de trahison, de tourment. Un monde d’écraseurs et d’écrasés, un monde qui, au fur et à mesure qu’il s’affinera, deviendra plus impitoyable. Le progrès dans notre monde, sera le progrès vers plus de souffrance. L’ancienne civilisation prétendant être fondée sur l’amour et la justice. La nôtre est fondée sur la haine. Dans notre monde, il n’y aura pas d’autres émotions que la crainte, la rage, le triomphe et l’humiliation. Nous détruirons tout le reste, tout. » (1984, Gallimard 1950 p. 376.)

Enfantin, caricatural, de l'ordre de l'improbable croquemitaine, ce portrait d’un état totalitaire éternel qui n'a d'autre but que de broyer l'individu, qu'est-ce vraiment, sinon un update athée d'une description de l'Enfer, pas que scolaire ? 1984 est censé décrire le système politique le plus abject et traumatisant de l'histoire, le bouquin est écrit même pas 5 ans après Auschwitz, et tout ce qu'Orwell arrive à nous sortir, c'est que l'avenir du stalinisme pourrait drôlement ressembler à une expansion à niveau mondial du système éducatif huppé anglais. Avec, en plus du panpan-cucul, des caméras partout et la peine de mort post-coïtale. Ainsi qu'un Headmaster/Big Brother/Staline/Satan en guise de nouvelle entité impossible à vaincre. C'est immature et nawak, aussi nawak que Matrix et Twin Peaks, qui sont, comme 1984, des œuvres à l'intelligence éventuellement accidentelle, aux concepts vertigineux et au freestyle tellement vague qu'elles permettent en fait à n'importe qui d'y greffer n'importe quelle théorie geeky et pseudo-profonde. Le genre de catalyseur des folies de l'époque qui fait, dans le cas d'Orwell, que 1984 est vu à la fois comme un grand roman socialiste et une bible libertarienne, un généreux pamphlet anticommuniste et un épouvantail sécuritaire. Tout et son contraire, donc. Une dénonciation du bolchévisme, du Patriot Act, d'Hadopi, d'Echelon, de l'Union Européenne, de la lutte des classes, de Facebook, d'Obama, de Poutine, de la NSA, de la caméra sur le parking du Monoprix et même de Loana. Ca non plus, Orwell ne l'avait pas vu venir.

Texte écrit en collaboration avec Emmanuelle Raga, d'après son idée, et publié dans Gonzaï n°7, juillet/août 2014, toujours en vente sur le site.
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mercredi 13 août 2014

VAUT-IL MIEUX 1 FRONT 242 + 1 TUXEDOMOON QUE 2 SACHETS DE CHURROS ET 4 MOJITOS?

Plaisir d'Eté, Paradis du Churros, Food Truck transformé en Prout Truc, verdict final que le Brussels Summer Festival tient tout simplement d'une annexe de la Foire du Midi... Dans la vacherie de compétition, nous avons su nous montrer cruels en cherchant vainement un truc non dégoulinant à se mettre sous la dent, ce mardi soir, quelques minutes avant le début du concert de Tuxedomoon. Faut dire que tout juste sorti d'une grippe intestinale du pied gauche, la tolérance pour la mangeaille de kermesse n'était pas de la partie. Pas plus que l'envie de voir prester un soir plutôt frisquet Tuxedomoon et Front 242, à vrai dire, groupes que notre grand âge nous a permis de jadis croiser à des périodes plus déterminantes de leurs carrières, quand la new-wave n'était pas de la couille. Et que le mois d'août ne ressemblait pas encore à l'automne.

Ce contexte perso étant planté, il n'étonnera personne qu'il m'a fallu moins de dix minutes de présence sur le site du festival pour sérieusement me prendre le bec avec une mémère et sa fifille. Le fond et le motif de la dispute n'ont aucun intérêt. Par contre, l'embrouille terminée, il est à noter que la fifille a essayé de consoler sa Môman, fortement énervée par mes sarcasmes, en lui montrant sur son smartphone la vidéo d'une tortue mâle qui essaye d'avoir des rapports sexuels avec un wok. A ce même moment, dans le décor, un gros type mal lavé au cerveau visiblement complètement grillé par de bien drôles de drogues fendait la foule avec autour du corps différentes couches de haillons et sur le nez un museau de chat en plastique. Tout cela sous l'oeil placide de petits flics qui n'avaient pas l'air d'atteindre le 1m68 réglementaire, même les bras levés. D'où, soudainement, en plus de ma mauvaise humeur, une volonté de mourir, là, directement, comme ça, pouf, adieu cruel cirque humain.



Dans une relative indifférence, c'est alors que Tuxedomoon a commencé à jouer. Faut dire que le groupe yankeexellois (haha!) n'a pas choisi la facilité, illustrant en fait en musique un court-métrage diffusé sur l'écran de fond de scène, petit film que nous avons d'abord pris pour une publicité Actiris, avec son Docteur Maboul qui engueule un personnage recouvert de bandes magnétiques, qui finit par s'échapper dans la nature. J'avoue n'avoir ensuite pas vraiment suivi, jamais conquis par l'ensemble, distrait par notre conversation entre amis, et tout cela pour une simple et bonne raison. Je ne doute en effet pas un seul instant que la musique espiègle et tortueuse de Tuxedomoon reste un plaisir rare, encore aujourd'hui, dans une belle salle bien sonorisée. Ce mardi soir, au BSF, les balances étaient par contre tellement scandaleusement mal réglées que cette musique incontestablement assez difficile me fit en fait aux oreilles ce que le kebab au ragondin responsable de mon intoxication alimentaire évoquée en début de chronique fit il y a quelques jours à mon estomac.

Pareil pour Front 242, d'ailleurs. Depuis 1986, j'ai vécu des concerts de ce groupe qui m'ont marqué au fer rouge, j'en ai vu d'autres que j'ai trouvé patauds, il y en a même qui m'ont fait doucement ricaner mais, toujours, il s'est agi d'une expérience sonore immersive de première bourre. C'est le propre de Front 242 : même s'il est permis de ne pas trouver très finauds la purée electro-body balancée dans les oreilles du public et les accents bien brusseleir à la Alain Courtois des chanteurs, les concerts du groupe sont en principe des expériences physiques intenses mais pour qu'il y ait expérience physique intense, il faut évidemment que le son soit à la hauteur. Surtout quand le groupe, plutôt en forme, avec un Richard 23 toujours plus bondissant qu'un lolcat sur You Tube, décide de généreusement balancer quelques gros classiques/grosses patates de son répertoire le plus féroce, les Take One, No Shuffle, Funkhadafi et le toujours furieusement cinglé Commando Mix. Voilà qui aurait du faire bouillir le Mont-Des-Arts. Mais avec une régie finale réglée au mouffle aplatissant basses et reliefs à la tractopelle, seuls les plus motivés, peu regardants, demi-sourds et parfaits ignares auront finalement passé une vraie bonne soirée musicale, les moins pigeons du lot étant partagés entre ennui, consternation et regret d'avoir payé pour du pareil foutage de poire. Les stands de churros et de mojitos n'ont par contre pas semblé s'en plaindre et c'est sans doute bien là le principal, pour certains responsables.

Chronique publiée le 13 août 2014 sur le site du Focus Vif

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mercredi 16 juillet 2014

QUAND JE LIS UNE GROSSE CONNERIE DE NICOLAS CROUSSE, JE SORS MON REVOLVER

Je n'ai pas vu Transformers 4 : The Age of Extinction et je ne compte pas le voir. Je déteste cordialement ce genre de films, ce n'est pas du tout ma came. Quand on en vient à écrire sur le cinéma avec la prétention d'informer le public, je ne pense toutefois pas que l'on puisse encore balayer un produit de ce type d'une bête chronique pleine de poncifs. C'est sur Cracked.com ou Den of Geek, je pense, que j'ai appris que si, depuis quelques années, tous les blockbusters se ressemblent, c'est principalement du fait qu'une sorte de Grand Gourou du Script Post-Moderne a vendu sa méthode jackpot de merde à la plupart des producteurs actuellement en activité (ces mecs sont des industriels, pas des artistes : rentrez vous ça dans le crâne une bonne fois pour toutes!). J'ai aussi lu, cette fois dans Mainstream de Frédéric Martel, que le principal public désormais visé par Hollywood n'est plus américain, ni européen, mais chinois, voire arabe. Ce qui explique, dans la plupart des films actuels, les couches de propagande libérale, de politiquement correct et d'archétypes à la louche. On ne heurte pas les sensibilités des grands marchés émergents. J'adore sinon le concept de « destruction porn », qui se moque de cette manie de détruire des villes entières dans le moindre bouzin de super-héros ou de monstres. Bref, il y a matière à écrire, dénoncer, se moquer et jubiler à partir de cette pop-culture à la con et Cracked.com le fait très bien. Ici, en Belgique médiatique, notamment dans Le Soir, on préfère par contre toujours se draper dans une posture d'esthète indigné dès qu'un film se montre trop enfantin, simplet, commercial, pop-corn. Le chroniqueur Nicolas Crousse l'a encore démontré ce mercredi matin avec une courte chronique au sujet de Transformers 4 aussi ridicule que mal torchée, en fait carrément scandaleuse.

« Gageons, (écrit Crousse), qu’il se trouvera quelques inconditionnels du genre pour adopter ce grand jeu vidéo filmé. En ce sens, le service minimum de ce blockbuster d’été est garanti. Mais c’est à peu près tout. Le quatrième volet de Transformers ressemble à une bouillabaisse californienne (celle avec moult pop-corn et ketch-up), qui revisiterait dans le désordre Fast and furious, King Kong, Noé, La guerre des mondes ou même Godzilla. Autrement dit, des belles bagnoles, de grands singes de ferrailles, des bastons d’extraterrestres, des tours infernales… Transformers est en somme à Hollywood ce que la musique de Richard Wagner était au régime hitlérien : un hymne national ! »

Un. Dire d'un film bourrin qu'il fait penser à un jeu vidéo est une erreur classique de critique déclassé, voire franchement réac. Il existe en fait très peu de films qui donnent réellement l'impression d'un jeu vidéo filmé et ils n'ont pour la plupart RIEN A VOIR avec un blockbuster classique, notamment beaucoup plus sinueux dans la narration et davantage immersifs que le « Pan dans ta gueule » habituel. Je pense à Matrix 1, Silent Hill, Avalon, Existenz et, plus récemment, The Edge of Tomorrow, le moins mauvais des Tom Cruise récents. Par ailleurs, Transformers est surtout une adaptation filmée d'un dessin animé lui-même dérivé d'une ligne de jouets. Les jeux vidéo ne sont qu'assez accessoires dans cette franchise.

Deux. La bouillabaisse californienne existe et ni pop-corn, ni ketchup n'entrent dans sa recette. Celle-ci est même carrément plus fancy, je trouve, que la façon de touiller la bouillabaisse française traditionnelle. Bref, après « le jeu vidéo, c'est pour les idiots », voilà qu'on nous fait comprendre que « les Amerloques n'ont aucune culture culinaire ». Mon cher ami, faites vous donc plaisir, vous reprendrez bien une louche de ce bon gros clicheton des familles ?

Trois. Si Transformers 4 a l'air de revisiter « dans le désordre Fast & Furious, King Kong, Noé, La Guerre des Mondes et même Godzilla », il ne faut tout de même pas oublier que ça reste en fait l'adaptation live de l'arc narratif des Dinobots, dont la version en dessin animée a débuté aux Etats-Unis le 27 octobre 1984, alors que Vin Diesel n'avait même pas encore passé son permis de conduire. Par ailleurs, moi, je ne vois quasi aucun point commun entre le King Kong bien geek de Peter Jackson, le Noé quasi sous ecstasy d'Aronofsky et un Godzilla lent et arty surtout éhontément pompé de Cloverfield. Qui était une putain de bonne surprise punk, celui-là... En matant la bande-annonce, je trouve sinon que Transformers 4 ressemble surtout à Transformers 3. Et à The Avengers, qui n'aura cesse d'être copié pour les 20 ans à venir par tous ceux qui espèrent gagner ne fut-ce qu'un dixième de son tout gros tas de dollars. 

Quatre. « Transformers est en somme à Hollywood ce que la musique de Richard Wagner était au régime hitlérien : un hymne national ! », écrit Nicolas Crousse. Outre d'être déjà un magnifique Point Godwinobot, cette assertion est aussi complètement crétine. L'hymne national nazi existe, c'est la Horst Wessel Lied, composée donc par Horst Wessel et non pas par Richie Wagner, qui était déjà bien raide alors qu'Hitler devenait hype. Il se fait que la Horst Wessel Lied, le plus souvent chantée par les SS en medley avec Deutschland Ubber Alles, évoque davantage la saloperie humaine bien réelle que la supposée lourdeur teutonne et c'est certainement pourquoi Nicolas Crousse s'est permis un peu de révisionnisme au moment de faire sa petite blague toute en finesse humoristique, n'osant quand même pas y aller trop cash. Ach, gröbbe rigolade.  

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jeudi 19 juin 2014

ET TOUT CA POUR QUOI? JUSTE UN PEU D'ARGENT...


Fargo, la série télévisée planplan sur FX tirée du chef d'oeuvre des Frères Coen, s'est achevée ce mardi 17 juin 2014 et récolte des critiques assez dithyrambiques, notamment un 9.2 sur IMDB. Après le succès comparable de True Detective, show pourtant à demi-mongolo à peine digne d'une enquête du Commissaire Moulin allié à Jean-Paul Sartre sur la piste de Marc Dutroux, c'est à se désoler qu'à défaut de véritables grandes nouvelles séries, les junkies du streaming se contentent un peu vite de tout ce qui leur rappelle même vaguement un âge d'or du genre, peut-être déjà révolu.

En gros mais c'est au fond vraiment ça et pas grand-chose de plus, Fargo sur FX est l'histoire d'un bête type qui rencontre le Diable. Le premier, Lester Nygaard (Martin Freeman) est l'employé modèle et effacé d'un bureau d'assurances de la ville de Bemidji, bourgade paumée du Minnesota (fictive, la vraie Bemidji est plus importante). Le second, Lorne Malvo (Billy Bob Thornton), est un tueur à gages itinérant aussi compétent que cinglé, jouette et mal coiffé (le cousin de Javier Bardem dans No Country For Old Men?). Par jeu, Malvo entre dans la vie de Nygaard, sur qui son machiavélisme va déteindre et là, c'est le bain de sang en pays plouc. Quel rapport avec Fargo, le film ?

La neige, les accents, vaguement la musique, quelques easter eggs, des scènes entières replacées dans un contexte différent, des personnages à priori similaires avant qu'ils ne gagnent une personnalité plus ou moins indépendante de leurs modèles, le million de dollars en pleine nature et puis aussi, la traînée de cadavres. Quelle(s) différence(s) avec le film ? Un paquet, dont un ton plus sombre, une violence plus gratuite que marrante, des personnages moins marquants et, surtout, le propos, l'essence même, de l'histoire. C'est Emily Nussbaum, critique du New Yorker, qui a le mieux résumé l'affaire, pointant que là où le film était une méditation sur la stupidité de la violence, la série, elle, s'avérait surtout fascinée par l'intelligence des gens mauvais. Bref, l'une est antithèse de l'autre.

On peut dès lors se poser la question : pourquoi placer cette nouvelle histoire, pas mauvaise en soi, dans un contexte si particulier et référencé, où elle n'a en fait rien à faire. Fargo sur FX pourrait s'appeler Palookaville, USA et se dérouler au Texas ou en Floride, se contenter de ressembler à l'univers des Frères Coen comme le font les premières saisons de Breaking Bad. On y trouverait moins à redire et à se gratter la tête que devant une série qui claironne s'inspirer d'un film célèbre, tout en allant totalement à contre-courant de son propos et en banalisant même l'héritage. Fargo, sorti en 1996, se foutait royalement de la gueule des films à la Tarantino, de leur violence stylisée impunie et de leurs psychopathes présentés comme des rockstars. On y glorifiait au trentième degré des ploucs et le bon sens des petites gens (était-ce de l'affection ou de la cruauté, il reste permis de douter). On y montrait des criminels pathétiques et hilarants. C'était ça, Fargo et c'est bien pourquoi en 2014, Fargo sur FX aurait en principe du non pas récupérer à sa sauce tous les poncifs des polars actuels mais bien démonter sans aucune pitié ces anti-héros accidentellement meurtriers de masse mais de plus en plus virils à chaque épisode et ces morts gratuites qui n'apportent rien à l'histoire mais donnent au spectateur une impression de « transgression ».

En ne gardant du film que son titre, ses décors, ses gimmicks, un peu de son ambiance et rien de son propos, Fargo sur FX rejoint en fait la série des séries qui ne sont finalement que des rip-offs à la con, ultra-cheaps et convenus, de films considérés comme des citrons à presser jusqu'à la dernière goutte : La Planète des Singes, l'Age de Cristal, Terminator, les Agents du SHIELD, Hanniboule le Canadair, etc... And for what? For a little bit of money. There's more to life than a little money, you know. Don'tcha know that?  

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jeudi 15 mai 2014

PULP FICTION

Je ne garde pas un souvenir extraordinnaire des films d'Hitchcock, sans doute parce que je les ai vus beaucoup trop jeune. Ils m'avaient alors tous parus très amidonnés, vieillots, théâtraux. L'autre soir, un peu par dépit, par curiosité aussi, je me suis toutefois envoyé Frenzy, qui est sans doute le plus cheap de son catalogue, le plus marrant aussi. Le rôle principal devait être tenu par Michael Caine mais celui-ci a décliné l’offre, jugeant le personnage abominable, un vendeur de courges et de patates de Covent Garden qui étrangle durant ses temps libres des femmes avec sa cravate. Alors, c'est Barry Foster, un autre blondin cockney au swag tout working class, qui a signé le contrat pour jouer le vilain Robert Rusk et Michael Caine attendra quand à lui le milieu des années 80 pour lui aussi jouer le gros salopard, très bien d'ailleurs, dans le Mona Lisa de Neil Jordan.

La musique devait être signée Henri Mancini mais Hitchcock l’a viré, lui préférant Ron Goodwin, un balourd spécialisé dans la musique de films de guerre. Tout le film dégage comme ça un jemenfoutisme plaisant, donnant l'impression d'un thriller sur papier très soigné qui serait devenu une grosse série B assumée et décomplexée à cause des aléas de la préproduction. Il y a aussi pas mal de nichons, des gags culinaires interminables, des meufs qui meurent encore plus mal que Marion Cotillard dans Batman, du serial killing détendu du gland, des cartes postales d’un Londres disparu et puis aussi des intérieurs aux papiers muraux et aux bibelots décoratifs particulièrement atroces. 100% gros fun, quoi.



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lundi 12 mai 2014

DUMB & DUMBER

C'était il y a quelques mois, me semble-t-il. Ricky Gervais avait publié un tweet annonçant que si personne ne le retweetait, il donnerait 100 £ à un organisme de charité. Il avait été retweeté en masse, ce qui a poussé Gervais à continuer l'expérience. L'Anglais publia donc un second tweet annonçant qu'il donnerait 1000 £ à un organisme de charité à la condition expresse que personne ne retweete l'annonce. Là aussi, les gens ont partagé ce second message en masse. Il en a alors pondu un troisième, promettant 10 000 £ en cas de 0 retweets et là encore, tout un tas d'abrutis a republié le message. Après Gervais a lâché une vanne dont je n'ai pas le souvenir. Je ne suis en tous les cas pas du tout certain qu'elle ait été vraiment comprise par tous ses followers.

Je viens de faire une expérience relativement semblable en publiant chez Doors Magazine un petit article écrit avec ma copine, qui est coéliaque, sur la vie sans gluten. On y dit, clairement je pense, que malgré les clichés populaires voulant que les intolérances alimentaires soient de nouvelles maladies imaginaires, le No Glu n'est ni une mode, ni du chichi de pétasse. Cocasse : le papier s'est toutefois fait chichiter dans les commentaires du site, principalement par des meufs qui n'ont pas l'air d'avoir vraiment compris ce qui est écrit, ce qui ne les empêche pas de prétendre que l'on soutient exactement le contraire de ce qui est publié. Ou comment faire un mini-buzz avec trois paragraphes relevant à priori de la routine scribouillarde en excitant des gens qui lisent en diagonale en butant sur les mots clés. C'est amusant mais aussi parfaitement consternant. Et je n'ai aucune pitié pour ça, je dois bien l'avouer. 



No Glu Today

Le No Glu a la cote. Les recettes, produits et établissements qui proposent ou cherchent des options sans gluten se développent, encore timidement en Belgique, alors qu'en Allemagne, en Angleterre mais aussi en France, c'est désormais une tendance de fond. Question : le macaroni et les cookies sans gluten ne sont-ils qu'un simple phénomène de mode? Du chichi de pétasse? Ou plus simplement une saine contre-offensive à des recettes agro-alimentaires industrielles devenues carrément dangereuses pour la santé des uns, moins des autres?

Par Serge Coosemans et Emmanuelle Raga

Le gluten est une molécule qui se trouve dans des céréales telles que le froment, le seigle, l'orge, l'épeautre ou encore le kamut. C'est du gluten que provient l'élasticité des farines utilisées dans la panification industrielle. Comme l'élasticité, ça rend joli, joli pour le marketing surtout, on rajoute aussi du gluten dans les plats préparés, les sauces, les épices moulues... Résultat des courses : le taux de gluten ingurgité par le consommateur lambda a considérablement augmenté avec l'industrialisation alimentaire et nous sommes aujourd'hui confrontés à des aliments au taux de gluten beaucoup plus important qu'il y a une ou deux générations. Ce qui expliquerait le taux croissant d'intolérances mais aussi un diagnostic plus systématique de la maladie céliaque, problème génétique encore mal connu où toute ingestion de gluten, même en microdose, provoque une réaction auto-immunitaire qui s’attaque à l’intestin, pouvant provoquer des problèmes aussi graves que l'infertilité et le cancer, en plus de fatigues et de dépressions régulières.

La maladie céliaque restant mal connue et les intolérances souvent considérées comme du chichi d'hipster fragile, le No Glu tient pour certains du simple phénomène culturel, énième déclinaison bio bobo. La référence No Glu est certes un avantage commercial très actuel mais quand on gratte la surface des choses, on se rend aussi vite compte qu'une vie sans gluten exige une certaine discipline, du sérieux, c'est quasi une vocation. C'est que sans gluten dans la popote, les habitudes culinaires sont à totalement revoir. Il faut apprendre à appréhender de nouveaux goûts et à doser correctement des mélanges de farines étranges (pois chiches, tapioca...) dont la molécule est totalement absente. C'est bien pourquoi on retrouve surtout en amont de la tendance des personnes souvent elles-mêmes intolérantes ou céliaques, obligées de s'inventer de nouvelles recettes gourmandes et de sexyfier un régime sans gluten à contre-courant des habitudes alimentaires actuelles, qui plus est à priori aussi plutôt (faussement) austère (adieu plats de pâtes, adieu pains au chocolat, adieu bières...).

Quant à eux concernés par une éventuelle désaffection de leur clientèle intolérante, médicalement ou par conviction, ce sont chez nous principalement des restaurants italiens qui proposent au moins un plat sans gluten sur leur carte, souvent juste des pâtes spéciales mais parfois aussi des pizza comme chez L’Italia in Tavola à Bruxelles ou Il Bacio à Liège. D'autres établissements qui servaient depuis toujours une cuisine sans gluten mettent aussi désormais cet aspect en avant, comme les crêperies bretonnes (crêpes à base de farine de sarrasin) ou encore le Kokob, resto éthiopien à Bruxelles, qui sert des crêpes de millet. Citons encore le Mémé Café et ses pâtisseries sans gluten et le Délirium Café, parce qu'en Belgique, trouver de la bière sans gluten ailleurs que dans un magasin bio, ce n'est vraiment pas évident. Santé, les intolérants!

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dimanche 11 mai 2014

LA CADENCE INFERNALE



John Dwyer publie plus de chansons que je ne poste de statuts idiots sur Facebook : c'est dire la cadence infernale. Cette année, il a déjà enquillé deux albums. L'un, Drop, est le dernier en date de Thee Oh Sees, groupe qui a été déclaré en « hiatus prolongé » en début d'année mais est déjà depuis reparti sur de nouvelles bases. L'autre, sorti sous le nom de Damaged Bug, superbe pochette mais musique concon, tient davantage de la simple blague potache, une autre spécialité de Dwyer. Rappelez-vous : il y a quelques années déjà , le bonhomme avait beaucoup fait rire les uns et se désoler les autres avec Ziegenbock Kopf, faux groupe industriel gay à cagoules en cuir, produit parallèlement à Thee Oh Sees. 

Damaged Bug fait beaucoup moins peur à Civitas que ce truc là, encore que. Le gag tourne cette fois autour de la consommation excessive de canabis, de l'amour pour Brian Eno et des voyages dans l'espace. C'est volontairement inabouti, naïf, maladroit, inintéressant, encore que je suis sûr qu'il influence en ce moment même une bonne moitié des groupes pop belges en activité, pour qui ce côté décalé et neuneu tient de l'Evangile. Pas mon trip et selon moi, il n'y a que deux morceaux à éventuellement sauver, le funky SS Cassidinea et Sic Bay Surprise, qui sonnent tous deux moins Sharko que The Oh Sees. L'album de Thee Oh Sees, par contre, tient quant à lui du pur bonheur, rien à redire, aucune ronchonnade à l'horizon, c'est un classique instantané. The Lens, le dernier morceau de l'album, est même la meilleure publicité pour convertir aux Beatles jamais inventée par l'industrie du disque indépendant.  


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mercredi 7 mai 2014

HEIL HYDRA


Tout arrive, j'ai bien aimé un film de super-héros. Captain America : The Winter Soldier a rempli son office, c'est à dire transformer mon scepticisme en amusement, parvenir à ne pas m'ennuyer avec une histoire dont je n'ai toujours strictement rien à foutre. Le premier Iron Man avait touché la même corde, celle qui fait descendre les attentes cinématographiques à la cave et active le goût du pop-corn. Dans les médias, les réalisateurs du truc se la pètent grave, à citer parmi leurs influences les grands thrillers paranoïaques des seventies : Les 3 Jours du Condor, The Parallax View, La Conversation Secrète... Comme des coquelets, ils sont tout fiers de soi-disant critiquer le faucon américain, la politique de surveillance généralisée, les assassinats ciblés au nom du bien collectif. En réalité, cette frime et Robert Redford au casting, ce n'est que du pur marketing. Tout cet aspect Patriot Act est utilisé dans le film comme La Guerre Froide l'était dans les vieux James Bond. C'est un simple élément de décor, un contexte tendu à partir duquel complètement délirer.

Rapprocher Captain América de James Bond me semble d'ailleurs assez pertinent. Ils sont tous les deux gradés, au service de leur nation. Bouclier/boomerang pour l'un, Aston Martin pour l'autre, ils sont équipés de gros gadgets rigolos et le fait que l'un ait passé 70 ans dans la glace et que l'autre soit un connard de macho fini les rend tous les deux un poil rétro et réacs. HYDRA ou SMERSH, c'est également kif-kif : des méchants puissants mais néanmoins débiles, qui veulent dominer le monde sans trop savoir pourquoi et dont l'idéologie à la base nazie ou soviétique s'est petit à petit transformée en pure mégalomanie aussi caricaturale que cinglée.

J'oserais en fait même avancer que Marvel entend plaire à l'homme moderne contemporain comme James Bond cherchait à séduire l'homme moderne de son temps. Evidemment, si l'homme moderne des sixties fantasmait sur des bitures sophistiquées, des petites pépées et des bagnoles de luxe, l'homme moderne de 2014 est un gros geek qui claque son fric dans des figurines de collection et perd son temps à discuter sur Facebook de story arcs de comics des années 80 qu'il aimerait voir adaptés à l'écran. Captain America est un film -léger, camp, consommable sans déplaisir - lui étant tip-top destiné. Avec le cul en spandex de Scarlett Johansson en guise de cadeau bonus et puis aussi, une scène entièrement piquée à Heat et Robert Redford pour nous rappeler que dans le catalogue hollywoodien, il y a tout de même de bien meilleurs films à se mater.

UPDATE : un ami m'a fait remarquer sur Facebook que le logo d'HYDRA est complètement pompé sur celui du SPECTRE, une organisation criminelle émanant du SMERSH dans l'univers de James Bond. Yeah! Say my name... 



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mardi 6 mai 2014

SPARKLES IN THE RAIN



Un jour, on écrira une fable sur The Horrors. Cette histoire est faite pour : des corbeaux qui semblent devenir aussi gras que des bœufs, des types qui à force d'explorer le puits sans fond de la new-wave "héroïque" finissent par s'y perdre. Luminous, le nouvel album, porte très bien le nom de ses auteurs : c'est une véritable horreur. On disait de ces mecs qu'ils se réinventaient à chaque LP, c'est un peu facile. La véritable cassure date de 2009, quand ils ont laissé tomber le rock gothique garage pour la sophistication néo-eighties de Primary Colours. Depuis, ils n'ont fait que creuser cette veine parfois bien douteuse et le résultat est à chaque coup un peu plus pompier, un peu plus mou, un peu plus vain. Pourtant, je n'arrive toujours pas à détester ces mecs, ni même à les trouver mauvais. Ce n'est pas que je continue à y croire mais je continue à collectionner ce qu'il y a à sauver de leur catalogue. Sur l'avant-dernier, c'était Endless Blue et Moving Further Away. Sur celui-ci, c'est The First Day of Spring et In & Out Of Sight. Ajouté à The Sea Within a Sea et à la reprise de Frankie Knuckles, ça nous fait presque un album. Celui-là est très bon, très classe, troublant et terrible.

Le mieux avec The Horrors, c'est encore leurs sélections musicales :



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lundi 5 mai 2014

IL Y A TOUJOURS UN ESPOIR QUAND ON EST MORT EN VAL DE LOIRE



Mon article sur Sewn Leather et l'ironie dans la pop-culture que j'ai publié lundi chez Focus était bien parti pour être nettement plus ambitieux que ça. Il y avait au moment de s'y coller la volonté de faire une bonne fois pour toutes le tour complet de la question, de clôturer le dossier à jamais. Evidemment, quand on tartine ses chroniques le dimanche soir, il y a souvent une nette différence entre l'idée de départ, éléphantesque, et le résultat final, qui tient généralement davantage du souriceau. Les idées se noient dans le reste de gueule de bois, les notes sont illisibles. Je ne me rappelle pas tout, non plus. Il arrive même que l'envie de poulet-compote dominical supplante celle d'écrire. En descente, mon cerveau pond des phrases tellement psychédéliques que moi-même, je ne les comprends pas. Tout ça pour dire que si cette Sortie de Route est essentiellement axée sur Sewn Leather et les ennemis de l'ironie, au départ, je comptais aussi parler dans le papier de Pierre & Bastien, groupe punk parisien que j'ai vu prester au Chaff quelques jours après la Bozar Night. Et qui, eux, sont dans l'ironie totale, sans toutefois que la musique ne s'en ressente. Ce sont en effet leurs textes qui flirtent avec l'humour des Inconnus, leur punk restant du punk tout ce qu'il y a de plus classique; du graillon de guitares invitant au joyeux pogo, avec 2 ou 3 accords et plein de disto. Certains rapprochent ça de Cobra, groupe métal culte aux textes ultra-drôles mais plus militants et, surtout, premier degré. La pression de l'article à rendre dissipée, je ne sais plus trop ce que je comptais dire de ces mecs, ni à quelles pirouettes j'aurais eu recours pour que l'opposition Pierre & Bastien/Sewn Leather tienne la route au long de la chronique. #sucragedefraisesgrave

L'album LP de Pierre & Bastien est en prix libre sur Bandcamp :

Sewn Leather dans une performance assez identique à celle du Bozar se mate ici :
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lundi 27 janvier 2014

LE PURGATOIRE DE LA HYPE



De son importation en France par Jean-François Bizot à Internet qui n’a pas été loin de l’achever, l’underground s’est durant 45 ans montré passionnant, rebelle, sectaire, snob, caricatural et ringard, avant d’être laissé pour mort. A tort. 

(article publié dans le Focus Vif du 24 janvier 2014)
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mercredi 8 janvier 2014

DEVIOUS, TRUCULENT & UNRELIABLE

J’ai passé la fin de 2013 et le début de 2014 dans une maison de campagne en plein milieu de l’Yonne, une région de champs, de grands ciels français et de petits villages ramassés sur eux-mêmes. Les routes n’y sont pas éclairées, sinon par les phares des voitures, ce qui la nuit, ne permet une visibilité que d’une trentaine de mètres devant soi. Le noir et la nuit ne m’ont jamais fait peur, même tout au fond des bois ou perdu dans les champs. Au contraire, cela me fascine. Seulement voilà, à chaque fois que l’on prenait la route la nuit tombée (et la nuit tombe à 17 heures en ce moment), j’ai durant cette dizaine de jours dans le trou-de-cul de la France toujours eu peur qu’un jeune homme blafard uniquement habillé d’un anorak d’enfant, pour le reste nu, ne surgisse devant nos phares. Et ça, c’est la faute à Morrissey!


Durant ces vacances, je me suis en effet avalé l’Autobiography de Steven Patrick Morrissey, parue en octobre chez Penguin Classics (?!?!!!?). C’est un drôle de bouquin, presque gênant à lire. Il charrie beaucoup de rancunes et laisse durant de trop nombreuses pages une impression de mensonge et de manipulation. C’est très amusant, même si peut-être faux et pas toujours mérité, quand Geoff Travis de Rough Trade, Siouxsie Sioux, Tony Wilson de Factory Records ou David Bowie s’en prennent plein la gueule. Cela devient par contre pénible, même malsain, quand plus de cinquante pages sont consacrées au procès ayant opposé Morrissey à Mike Joyce, le batteur des Smiths, ou qu’imbu d’une prétention démesurée, Morrissey rappelle la position dans les charts de chacun de ses singles, considérant que les plus mauvais n’ont pas percé non pas parce qu’ils sont mauvais mais parce que la maison de disque du moment ne faisait pas correctement sa promo. Morrissey semble par ailleurs un très mauvais juge de son travail puisqu’il avoue aussi avoir un moment considéré There is a Light That Never Goes Out comme une mauvaise chanson des Smiths!







Le juge James Weeks, chargé du procès en question, a dit de Morrissey que c’était quelqu’un de  “devious, truculent & unreliable”. Cela n’a pas plu au zygoto, qui lui en veut depuis à mort, se plaignant même que cette étiquette ensuite récupérée par des médias hostiles à son égard lui aurait entravé certaines possibilités de carrière. Le gros problème, c’est que la lecture de ce bouquin confirme plus qu’elle n’infirme cette sortie du juge Weeks. Evidemment que Morrissey est quelqu’un de “devious, truculent & unreliable” et évidemment que le fait même qu’il s’offusque de cette étiquette montre à quel point il s’est perdu en cours de route. Le Morrissey que j’aime et que je respecte, celui des années 80, comme je me l’imagine du moins, aurait joué de cette appellation. Il en aurait été très fier. Ce serait peut-être même devenu le titre de son livre. Là, cela fait juste ronchonner ce vieux con assis sur son paquet de chansons de variétoche dignes d'un Dave en anglais.


Et donc, au milieu des piques et des plaintes, il y a aussi cette histoire de fantôme assez sidérante. Peu après le split des Smiths, Morrissey raconte qu’il est allé se balader de nuit avec des amis sur la lande près de Manchester, les fameuses Saddleworth Moors qui charrient tant d’histoires macabres, dont l’affaire des meurtres d’enfants qui a inspiré l’une des premières chansons des Smiths. Au retour, sur une route sinueuse, le chanteur prétend que les phares de la bagnole ont soudainement éclairé, au milieu de nulle part, un jeune mec blafard, la bite à l’air, complètement nu, à part un anorak d’enfant sur le dos. Il n’y avait rien, strictement rien aux alentours. Morrissey et ses amis ont paniqué. Ils ont pensé que c’était un fantôme. Ou un accidenté de la route. Ou quelqu’un qui s’était échappé d’une cachette où il était retenu prisonnier par des pédophiles. Ou que c’était lui-même un pervers. Ou un blagueur ivre. Ou un type qui faisait mine d’être accidenté et que dès que vous vous arrêtiez pour l’aider, on vous assommait pour vous voler la voiture et vous laisser amoché et sans fric au milieu de nulle part. Morrissey a fini par appeler la police. Les flics lui auraient répondu qu’ils n’interviendraient pas. Que cela se passait sans arrêt au même endroit, qu’il n’y avait rien à faire, qu’ils ne trouveraient rien dès qu’ils seraient sur place. En d’autres termes, que le mec en anorak d’enfant était un fantôme. Et là, soit Le Moz se fout bien de notre gueule, soit il a vécu le truc le plus wtf du monde, mais le voilà qui prétend alors que le lendemain, en plein jour, ses amis et lui sont retournés sur les lieux. Et tout ce qu’ils y ont trouvé, dans les fourrés, c’est un caleçon!!!


Je trouve cette histoire nawak, grotesque, formidable. A cause d’elle, je ne serai plus jamais vraiment tranquille quand on roule sur des routes de campagne sombres la nuit. Pas que je crois vraiment aux fantômes. Plutôt aux connards capables de provoquer des crises cardiaques et des accidents pour le fun. That joke isn’t funny anymore.

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