Il est assez troublant de penser que dans un pays né à la suite d'une révolution ayant démarré à l'opéra et dans une époque aussi globalement pré-insurrectionnelle que la nôtre, ce sera un Tweet et non pas une chanson qui fichera la prochaine fois le feu aux poudres. C'est une énième théorie de comptoir entièrement sucée de mon pouce mais peut-être n'est-elle pas dénuée de fondement, même si la prochaine révolution pourrait aussi très bien démarrer à la suite d'une chanson de Stromae. Ou du Grand Jojo. Ou des Snuls. Ou du Godwin Remix d'une marche de la Wehrmacht, tiens, vu que l'extrême-droite est tout de même en pole position pour le Grand Soir.
jeudi 25 décembre 2014
LE NOUVEAU BOB DYLAN POSTE DES PHOTOS D'ENFANTS DU BENGLADESH SUR INSTAGRAM
jeudi 25 décembre 2014
Couillonnades,
Sorties de Route
lundi 15 décembre 2014
FUCK ARIEL PINK. MAIS AVEC AMOUR.
lundi 15 décembre 2014
KultuurKonfituur,
Sorties de Route
Ariel Pink. Cela fait des semaines que je n'arrive pas à décider si son dernier album, Pom Pom, est un chef d'oeuvre post-moderne, comme le clament certains, ou une grosse supercherie geek, gangrénée par le pastiche, l'imposture et l'ironie, comme le dénoncent d'autres. Je n'ai pas d'avis sur la question. J'aime trop détester ce disque pour ne pas suspecter que je l'aime en fait profondément.
lundi 8 décembre 2014
PLAISIR D'OFFRIR, JOIE DE RECEVOIR : LE BEST OF 2014
lundi 8 décembre 2014
KultuurKonfituur,
Platitudes,
Sorties de Route
Bons
plans, grosses descentes, quelques beaux cadeaux, quelques
pernicieuses horreurs et autres vicieuses vacheries en guise de
boules de Noël, voilà mes gros ups et downs
de 2014.
LE PARKING DES MAROLLES SERA-T-IL FUMEURS ADMIS?
La
petite frime du moment, c'est de se montrer plus marollien qu'un
totteleir de la Deevestroet. Sur Facebook tout comme irl, on ne
compte en effet plus les Marolliens de coeur de l'Altitude 100, de
Tomberg, de Dansaert, du Parvis et même du XIème arrondissement.
Tant mieux, vu que cela a permis à
cette pétition contre
la construction d'un parking sous la Place du Jeu de Balle de
récolter 11.000 signatures, ce qui fait tout de même bien 4 fois
plus de voix que le bourgmestre Yvan Mayeur n'a jamais eu
d'électeurs.
vendredi 28 novembre 2014
QUI VEUT DEROBER DES MILLIONS?
vendredi 28 novembre 2014
KultuurKonfituur
Robin
Williams, Robbie Williams, Robbing Millions. Si c'est vrai que le nom
s'est ainsi trouvé, comme le prétend le dossier de presse du label
PIAS, il ne faut pas en faire toute une histoire. C'est de l'humour
belge, qui joue sur les mauvaises prononciations locales, qui
implique un humour tordu, du second degré à revendre ainsi qu'une
certaine modestie. Encore
que dérober des millions, c'est une
destinée qui paraît possible pour Robbing Millions, déjà très
professionnel et plein d'expériences après seulement 2 années
d'existence.
CE N'EST PAS UN HASARD QU'EDEN...
Vendredi
après-midi, j'ai été voir Eden à l'UGC-Toison d'Or. Nous étions
quatre dans la salle : un grand type au regard mauvais habillé
tout en bleu, peut-être un flic de la BSR nostalgique de ses années
house-music passées à infiltrer les discothèques à la recherche
de consommateurs d'ecstasy à prendre en flag ; une fan typique
de cinéma français (la trentaine finissante, les lunettes de
vieille, les cheveux courts, le pull beige...) ; un clochard en
vieil anorak tâché de gras, et moi. Je m'avance peut-être mais, de
ce lot improbable, je pense avoir été le seul à capter la moindre
allusion balancée dans le film et même à connaître,
indirectement, via Facebook, ou dans le cadre du boulot, certaines
des personnes dont les acteurs jouent le rôle.
PAR AMOUR DE LA SCIENCE, JE ME SUIS DROGUE
Ce week-end, je me suis camé comme un gros cochon aux "drogues digitales", c'est-à-dire des fichiers MP3 et des vidéos sur YouTube censés "hacker" l'activité cérébrale, exactement comme le font les produits stupéfiants. Ca n'a pas vraiment fonctionné, peut-être parce qu'à 45 balais, mon ouïe de vieille bique ne perçoit plus certaines fréquences.
LES 3 REPAS ET 5 FRUITS PAR JOUR DE DAVID BOWIE
C'est
dingue le nombre d'anciens clubbeurs, de djs et de demi-junkies
reconvertis en gastronomes de réseaux sociaux, me suis-je dit
l'autre soir, en inspectant les sages photos de panna cotta et de
chouquettes postées sur Instagram par quelqu'un que j'ai jadis
souvent croisé complètement défoncé au Fuse et au Mirano,
désormais chaque dimanche en pleine forme aux fournaux.
Coïncidence ?
ELECTROCITY # 5 (fin) : PARIS, OU COMMENT LA FRENCH TOUCH TRANSFORMA LA HOUSE EN POP
De
Laurent Garnier, Saint-Germain et Dimitri from Paris à David Guetta,
en passant par Daft Punk, c'est curieusement à Paris, que
l'industrie, les majors et les médias parviennent enfin à
transformer la house et la techno en nouvelle pop. De 1994 à 2001,
la French Touch bouleverse le milieu musical électronique
international, pas forcément pour un mieux, puisque préfigurant
aussi le boom EDM et la dance-music hyper-mainstream du Las Vegas des
années 2010.
ELECTRO CITY #4 : BERLIN, DU DISNEYLAND GOTHIQUE A LA EASY JET SET
Berlin
n'a pas toujours été la capitale allemande de la musique, encore
moins de la techno, mais c'est via ses discothèques et ses labels
locaux que bon nombre d'artistes de Detroit purent faire de leur
hobby un véritable métier. C'est aussi à Berlin que la techno se
mit à flirter avec l'avant-garde ainsi qu'à lamentablement patauger
dans le mainstream et même la schläger.
samedi 1 novembre 2014
ELECTRO CITY # 3 : MANCHESTER, MADCHESTER, GUNCHESTER
samedi 1 novembre 2014
Fulgurances,
KultuurKonfituur
Il
existe une tradition de musiciens afro-américains marginaux aux
Etats-Unis qui marquent considérablement les esprits d'Europe, dont
la musique et la mystique donnent des idées neuves aux producteurs
d'ici. Ce fut le cas avec un certain jazz, avec un certain blues, et
ce fut aussi le cas il y a 25 ans avec la house et la techno, qui à
Manchester et à Berlin, chamboulèrent tout sur leur passage mais
s'apprivoisèrent aussi, au point de commencer à parfaitement
s'intégrer à la pop-culture.
POUR LE BIEN DU JOURNALISME NOCTAMBULE...
Je suis encore tombé sur un de ces magazines qui parle de la nuit comme d'une "aventure trépidante", traque les "trésors culturels", recommande les "bons plans", bref, use et abuse d'un vocabulaire rance et de clichés wizz. Cette feuille de chou manifeste pourtant le désir de non seulement marquer son époque mais aussi de s'en faire le scribe éclairé.
ELECTRO CITY # 2 : CHICAGO / COMMENT LA HOUSE MUSIC VENGEA LE DISCO
Toujours
marginale aux Etats-Unis, la house-music fait aujourd'hui partie de
l'ADN des charts européens. Les tubes d'ici en retiennent la forme
mais courent toujours après le sens, l'essence même, et surtout la
grâce, des prophètes de cette véritable religion musicale du
ghetto de Chicago. Un européen blanc comprendra-t-il un jour
véritablement la house ? Il reste permis d'en douter.
LE CLUBBING DE 2020, C'EST LE TAI-CHI
Selon Mixmag, qui a déniché sur You Tube une interview jusqu'ici peu vue de Jim Morrison, "l'Oracle" aurait prédit en 1969 l'avènement des musiques électroniques. Dans le clip, on y voit en effet Jimbo supposer que dans 4 ou 5 ans, la musique des nouvelles générations pourrait combiner le blues, le folk, des bandes et des machines.
CUITES D'UN FUTUR PROCHE
En 1970, l'écrivain James Graham Ballard expose au New Arts Lab de Londres trois bagnoles accidentées. Il n'a pas choisi les modèles au hasard: la Pontiac A60 représente selon lui une "phase particulièrement baroque" du design automobile américain et les deux Mini choisies symbolisent évidemment les Swinging Sixties, alors en phase terminale. Le soir du vernissage, on compte une centaine d'invités, parmi lesquels circule une femme à la poitrine dénudée, qui interroge chacun d'eux sur leur ressenti face aux voitures démolies. L'interview est instantanément diffusée sur une télévision en circuit fermé et cela, mêlé au reste, provoque une tension extrême parmi les convives.
ELECTRO CITY # 1 : DETROIT, L'ESPACE, LE TEMPS, LE GROOVE ET UNE INFINIE MELANCOLIE
Detroit,
la ville Blade Runner à l'ambiance Mad Max, a accouché il y a
environ 25 ans d'une utopie musicale un peu sectaire, un peu
prétentieuse, mais toujours génératrice de mystique : la
techno, cette nourriture de l'esprit qui ne cherche pas à vous
arnaquer. Ou si peu.
mardi 30 septembre 2014
ELECTRO CITY#0 : LOOKING FOR THE PERFECT BEAT
mardi 30 septembre 2014
Fulgurances,
KultuurKonfituur
Mine
de rien, une histoire claire et fiable des musiques électroniques
pensées pour les clubs reste à écrire. Laurent Garnier s'y est
frotté le temps d'un Electrochoc resté fameux et la très estimable
maison Allia publie désormais régulièrement des traductions de ce
que les Anglais et les Allemands ont sorti de mieux dans le domaine.
S'il existe un nombre incalculable de bouquins sur le rock et le
jazz, ceux abordant la techno et la house, du moins ceux correctement
écrits et documentés, restent toutefois rares.
SAIGNER DES OREILLES EST UN PLAISIR
Le
Bozar Electronic Arts Festival, en clôture de la deuxième soirée.
Grande babelute britiche, Oscar Powell enchaîne aux platines les
erreurs techniques, les appromixations et quelques effets bien
ringards, comme de couper le jus, pas le son, alors que le disque
tourne encore.
JACO VAN DORMAEL SUR LA GRAND PLACE? ASPHALTONS LA!
L'espace
public, bien universel, peut-il être privatisé, même
temporairement ? Cette question a été posée par Ecolo au
Conseil Communal d'Ixelles, le 18 septembre 2014, suite à
l'occupation de la Place Sainte-Croix durant plusieurs jours et
plusieures soirées par une installation publicitaire pour la
nouvelle voiture Smart, action promotionnelle dont on avait déjà
ici eu l'occasion de ricaner,
il y a tout juste deux semaines. Ce n'est bien sûr pas un hasard que
je reparle de ça justement aujourd'hui, alors que Mobistar mobilise
ce lundi la Grand-Place de Bruxelles, le temps d'y laisser couiner
Lady Gaga et Tony Bennett.
IS YOUR HOUSE AS DEEP AS YOUR PANTOUFLES ?
J'ai
un rapport ambivalent aux étiquettes musicales. Quand il s'agit de
distinguer le rock du jazz ou la house de la techno, je les trouve
bien entendu nécessaires. Par contre, je ne vois aucun intérêt à
la création de sous-genres, surtout quand ils sont aussi abscons que
le laptronica, la vaporwave, le mombahcore, l'aggrotech ou la skweee
(je n'invente rien, tous ces exemples
sont tirés de Wikipédia).
jeudi 18 septembre 2014
AU THEATRE FLAMAND, LE ROI SERPENT
jeudi 18 septembre 2014
Gonzozo,
KultuurKonfituur
Genesis
P-Orridge, qui reste à la contre-culture occidentale des temps
modernes ce que le glaçage est au cupcake, était ce mardi soir au
Beursschouwburg bruxellois. L'occasion de voir prester la mouture
2014 de Psychic TV, groupe formé en 1980 et toujours deuxième après
les Doors au classement du rock profondément chamanique.
lundi 15 septembre 2014
BRUXELLES, OU C'EST TOUS LES JOURS LE 21 JUILLET AVEC LE GRAND JOJO
lundi 15 septembre 2014
Couillonnades,
Sorties de Route
De
retour pour quelques jours en Belgique après 7 ans de vie à
Montréal, une copine
me demande où sortir à Bruxelles, qu'y voir de neuf, où ça se
passe. Je reste une bonne demi-heure devant ce mail avec la tête de
David Guetta à Tomorrowland, finalement honteusement gêné que la
seule réponse que j'estime sincère est qu'il n'y a rien de
remarquablement neuf. Elle peut parfaitement se rendre aux mêmes
endroits qu'en 2007, à part Recyclart, où il n'y a plus que de la
zumba. Il y a bien quelques fermetures que personne ne regrette
vraiment et quelques ouvertures où personne ne va, sinon une poignée
de blogueuses influentes, surtout pour ajouter de nouvelles pièces à
leurs collections de photos de bagels sur Instagram, mais pour le
reste, la nuit bruxelloise de 2014 ne me semble pas très différente
de celle de 2007. C'est gênant, c'est plouc. C'est comme si la nuit
était ici un remake hebdomadaire du Bal du 21 Juillet, rigole ma
compagne : une année le Grand Jojo, une année Lou & The
Hollywood Bananas et quand Le Grand Jojo et Lou Deprijck seront
morts, on les remplacera par des sosies en playback et des
tribute-bands. Elle me dit ça alors que je m'apprête à rejoindre
quelques camarades de choix à Flagey, pour notre première biture
entre boys de la rentrée, avec la before des dix ans d'Anarchic en
plein air et la fête indoor des dix ans de FM Brussel en guise
d'alibis. Je suis guilleret, enthousiaste, même si à la vue des
flyers, je ressens effectivement un profond effet « Grand Jojo
21 Juillet ». J'estime qu'une rentrée devrait marquer un
renouveau, un grand coup, étonner et là, je vois surtout alignés
Lorenzo Ottati, Attar !, Felix da Housecat et Matias Aguyao sur
le flyer des uns et chez les autres Tom Barman, L-Fêtes et une
vieille bande de briscards locaux pour qui j'ai certes beaucoup de
sympathie mais qui m'excitent tout de même nettement moins aux
platines que si étaient bookés à leurs places Lee Gamble, Vatican
Shadow ou n'importe quel autre deejay en ce moment chaud-boulette
chez The Drone, l'exemplaire site musical français, le seul auquel
je fais encore confiance. Enfin, vu qu'on y va surtout pour Aguyao,
qui déçoit en principe rarement, et la bière, qui ne déçoit en
principe jamais, il faut bien avouer qu'on s'en fout un peu, au fond,
de l'affiche. Je répète, à l'attention toute particulière de ceux
qui aiment me caricaturer en râleur patenté choisissant de ne
couvrir que ce qu'il est certain de ne pas aimer : J'Y ALLAIS
SURTOUT POUR LA BIERE.
Samedi
6 septembre, pendant
La
bière, c'est bien entendu de la Vedett, mais c'est le moins grave de
l'enroule. Arrivés vers 19h00, on se rend en effet vite compte que
cette Anarchic concentre en fait tout
ce qu'il ne faut selon nous pas
faire
dans le clubbing. L'installation, déjà. Elle rappelle un peu les
bunkers de l'Empire sur la planète Endor, dans le Retour du Jedi,
mais des bunkers qui seraient recouverts de grands carrés de glitter
et avec des Smarts à la place des At-Ats. Ou alors l'entrée de
l'Océadium. Ou celle d'un centre de recrutement pour une quelconque
secte dont le gourou se serait fait sonder le fondement par des
aliens, pour en retirer un message de paix universelle. Love.
Quoi
qu'il en soit, c'est de très mauvais goût, ayant plus sa place au
Salon de l'Auto ou sur une caravane promotionnelle itinérante comme
on en voit à la Vlaamse Kust en été que dans le cadre d'un
évènement qui se veut fondamentalement chic et anar. A cette vision
d'horreur ultra-sponsorisée, il faut ajouter pléthore d'autres
signes de l'apocalypse en cours : une distribution de ballons,
une sécu un poil trop ostentatoire, des types qui passent avec des
panneaux vantant des réductions sur les commandes de pizzas et
l'organisateur, habillé tout de blanc avec sur la tête un panama à
faire bisquer Eddy Barclay, qui passe son temps à frapper dans les
mains et à amasser ses amis derrière le deejay, histoire qu'ils
puissent se tirer des selfies en sa compagnie. Tout cela survolé par
un putain de drone, ce qui me fera dire que non content de proposer
une succursale du Salon de l'Auto, c'est un peu aussi le Salon du
Modélisme, que
cet
anniversaire d'Anarchic.
Même
sous la torture, je maintiendrai aussi une autre chose, dont je suis
certain, que son langage corporel a trahi : Matias Aguyao s'est
emmerdé comme un rat mort. Un moment, il était entouré de dix
couillons frappant dans les mains et hurlant leur joie de voir monter
dans le mix de Felix da Housecat une bien vulgaire ligne de basse et
lui était là au milieu, debout mais quasi statique, les bras
croisés, avec un petit sourire contrit. Son set n'a pas non plus
fondamentalement retourné les têtes, jamais vraiment mauvais mais
loin de la folie furieuse à laquelle il nous a jusqu'ici habitué
lors de ses précédentes prestations bruxelloises. Celui de Felix da
Housecat a par contre tout simplement tenu du mégamix forain, une
bouillie sans aucune finesse, pute et pataude, où quelques pourtant
très beaux classiques house de Chicago ont été charcutés les uns
après les autres en mode medley, comme le fait l'orchestre de
Patrick Sébastien avec les chansons à boire. Ce fut tout simplement
du Guetta underground et je n'ai à vrai dire depuis longtemps rien
vu d'aussi ringard et caricatural.
DIMANCHE,
l'après-midi
A
mon bureau, prêt à relancer cette quatrième saison de Sortie de
Route, me voilà piégé. Si je tape un peu trop sur Anarchic, Renaud
Deru alias Attar ! et Benoît Vano, le Eddy Barclay en question,
on m'accusera de chercher un buzz facile, on me diagnostiquera des
aigreurs que je n'ai pas, on me prêtera des jalousies imaginaires.
Bien que pas mauvais bougres en soi, juste un peu trop opportunistes
(cet anniversaire en extérieur s'inscrivait en fait dans la campagne
de promotion de la nouvelle Smart), on sait par ailleurs ces garçons
et leurs blousons dorés de fans assez rétifs à la critique et à
la moquerie. Cette chronique n'était d'ailleurs même pas encore
publiée que
s'échangeait déjà quelques piques à son propos
sur Facebook et Twitter. La fight personnelle n'est pourtant pas ici
mon but, ni mon propos. Elle ne contribuerait qu'à noyer ce que
j'entends véritablement dénoncer, c'est-à-dire l'aspect « Grand
Jojo 21 Juillet » qui fait que l'on peut partir 7 ans de
Bruxelles, quand on y revient, ceux qui tenaient le haut du pavé
sont toujours là, toujours pas délogés d'un monde musical et
noctambule pourtant par essence hautement compétitif et en principe
axé sur la nouveauté et l'étonnement permanents. Nous avons en
fait ici un clubbing très petit-bourgeois, où l'habitude et le sens
du service priment sur l'aventure et la traque d'inédites
stupéfactions.
On
m'a envoyé une interview de Renaud Deru où il annonce prendre la
direction artistique d'une nouvelle soirée mensuelle, la Love, et
j'ai failli en tomber de ma chaise (c'est une image, j'ai juste
ricané). Je ne suis ni très mélenchoniste, ni supporter
d'Anonymous, mais, en effet, je tique quand j'apprends que ces
fêtes auront en
fait lieu
dans une salle du Cercle de Lorraine, ce fameux club d'affaires
habituellement fréquenté par des dirigeants d'entreprises et des
personnalités politiques. Renaud Deru dit avoir été charmé par
l'endroit, sa beauté, mais peut-on réellement s'en tenir à
l'esthétique en zappant complètement la symbolique d'un endroit
comme Le Cercle de Lorraine, en 2014, alors que l'époque est
socialement troublée, que l'on voit monter une grande défiance
envers les establishments et où le prochain gouvernement va aussi
probablement détricoter le pouvoir d'achat des tickets-boissons à
bien des clients potentiels de la Love ? Peut-on se réclamer de la
house et de ses valeurs de partage social et d'utopie futuriste quand
on a en fait surtout toujours principalement visé une clientèle de
concessionnaires automobiles, de gérants de sandwicheries de luxe,
de vendeurs d'espaces publicitaires et
de Solvay Boys ? Que l'on a fait entrer au Mirano, une
boîte
un moment au top de la branchitude européenne, la clientèle de la
Doudingue et des Jeux d'Hiver, incubateurs historiques de la pire
ploutocratie locale ?
Nous
sommes à 3 mois de 2015 et Renaud Deru annonce pour la Love « un
warm-up disco, continuer avec de l'excellente deep house pointue et
terminer avec de la techno soft et mélodieuse ». Bref, ce
qu'il faisait déjà en 2007 et continuera sans doute à faire en
2021. Attention, ceci est une critique. Pas un règlement de compte,
ni une déclaration de guerre. Cette pantouflardise, je la retrouve
aussi dans les autres scènes locales : punk, funk, tox, world,
rock, salsa, pop. C'est ce qui me fait d'ailleurs passer pour un
aigri : il se trouve que j'estime simplement que le présent
n’est pas loin d'être lamentable. Par contre, je suis sans doute
l'un des seuls à attendre avec impatience et grand optimisme
l'avenir, qui s'annonce en principe brillant. La crise économique,
les politiques réactionnaires et les menaces de guerre ont en effet
toujours boosté les créativités et les envies de tout secouer.
Donc, on y est presque, sans doute. Encore une fois.
Chronique publiée sur le site du Focus Vif le 8 septembre 2014.
vendredi 22 août 2014
98. PAUL RUTHERFORD : GET REAL (HAPPY HOUSE MIX)
vendredi 22 août 2014
Dancefloor 100
Avant
Bez dans les Happy Mondays, il y avait Paul Rutherford dans Frankie
Goes To Hollywood. Un autre mec qui n'avait pas l'air de foutre
grand-chose dans son groupe, à part danser et accompagner les
refrains, mais pourtant sans qui ça n'aurait vraiment pas été
pareil. Get Real est le premier single d'une carrière solo à peu
près sans aucun intérêt, qui n'a d'ailleurs dans un premier temps
duré que quelques mois, autour de la sortie en 1990 d'un album
vraiment anodin. Ce single, devenu un véritable classique, est
pourtant une pure merveille, doublée d'un bien drôle numéro
d'équilibriste entre une base acid-house vraiment mitonnée aux
petits oignons, une ambiance contemplative curieusement assez ambient
et le chant très séduisant de Paul Rutherford, pourtant piètre
vocaliste. Autre source de grand étonnement : à la production
de Get Real, on retrouve en fait nuls autres que Mark White et Martin
Fry, du groupe ABC. Leur premier album de 1982, The Lexicon of Love,
reste une vraie pépite de white funk symphonique, avec déjà Trevor
Horn aux manettes, le producteur de Frankie Goes To Hollywood qui y
testait d'ailleurs quelques idées qui feraient deux ans plus tard le
succès monstre de FGTH. Mais en 1988, ABC était sur le déclin,
pensant trouver dans la house le tremplin sur lequel rebondir. Or, si
on peut penser à l'écoute de Get Real que le duo maîtrisait
diablement ses nouvelles influences, il n'en était rien. Up, leur album
de l'époque, est raté, tout comme ce qu'ils allaient ensuite encore sortir
avec Rutherford. D'où cette aura de véritable miracle qui entoure
Get Real, pur moment de finesse et de douceur dans un style musical
non seulement un peu trop farouche pour l'équipe mais surtout
fondamentalement fonctionnel et minimal, jamais censé être aussi
châtoyant, paisible, zen, quasi mystique. D'où le culte durable.
Paul Rutherford, voix (chez FGTH : 1980-1987, en solo 1988-1990, à nouveau actif depuis 2010)
99. SEVERED HEADS : DEAD EYES OPENED
L'une
des grandes idées accidentelles de la new-beat consistait à jouer
des maxis 45 en 33 tours, avec le pitch monté à 8. C'est de
cette façon que furent traitées dans les discothèques belges aux
alentours de 1986-87 le Flesh d'A Split Second, Let You Body Learn de
Nitzer Ebb, Bryllyant de Boytronic, Dub Love de Master C&J et ce
Dead Eyes Opened de Severed Heads, un groupe australien qui a
fonctionné de 1979 à 2007 et rejoue de temps à autre sur scène
depuis. Dead Eyes Opened, qui a aussi connu un certain succès à sa
vitesse normale et même une bonne position dans les charts
australiens avec son remix de 1994, reste assurément leur titre le
plus culte. Severed Heads en a pourtant quelques autres, en fait pas plus mal, à son répertoire, qui s'apprécient certes plus par
curiosité historique que par réel enthousiasme, vu que c'est
souvent une musique assez maladroite, mal branlée, typique d'une époque où pas
mal de groupes se vautraient dans une espèce de dead zone car pas
assez dance pour les clubbeurs, malgré une influence certaine sur
Detroit et Chicago, mais trop clubby pour les Goths. Un pan musical
qui me sert en fait de refuge quand je m'ennuie, où évolu(èr)ent
aussi des groupes comme Psychic TV, Test Dept, Cabaret Voltaire et
Chris & Cosey, à la lisière de la musique industrielle et du
beat sous ecstasy; une jungle touffue où parfois dégotter des pépites et le plus souvent des morceaux inaboutis mais plein d'idées et d'enthousiasme. Pour la petite histoire, la voix sur Dead Eyes
Opened est celle d'Edgar Lustgarten, un auteur de polars anglais
aussi journaliste à ses heures, qui nous lit ici un extrait de Death of
The Crumbles, le rapport d'une célèbre histoire de serial killer
des années 20, dans le Sussex.
Severed Heads (Australie, 1979-2007, 2010-2013(?))
Tom Ellard, tête (coupée) pensante. Personnel pour le reste fluctuant au fil des ans.
jeudi 21 août 2014
100. LIQUID LIQUID : OPTIMO/CAVERN
jeudi 21 août 2014
Dancefloor 100,
KultuurKonfituur
Après
avoir connu une révélation en découvrant la musique de Can, Fela
Kuti et le dub, cette bande de punks du New Jersey se rebaptise
Liquid Liquid et entreprend « une déconstruction du rock
animée par un groove minimal mais redoutable », pour reprendre
les termes de Peter Shapiro dans Turn The Beat Around :
l'Histoire Secrète du Disco (Allia).
En 1983, leur morceau Cavern, extrait de l'EP Optimo, connaît un succès conséquent dans les discothèques de New-York et grimpe même autour de la cinquantième place des charts disco du Billboard. Cavern est quelques semaines plus tard complètement vampirisé par Grandmaster Flash et Melle Mel, qui s'en servent comme base de leur tube hip-hop au goût de coco White Lines (Don't Do It), sans toutefois penser à créditer les Liquid Liquid. Les poursuites judiciaires engagées par leur label 99 Records mettent non seulement la structure en faillite mais provoquent aussi celle de Sugarhill Records, le label de Grandmaster Flash. Liquid Liquid se sépare peu après le procès, en 1984, pour ne rejouer officiellement ensemble qu'un peu moins de 25 ans plus tard, très sporadiquement, par exemple à la Villette Sonique en 2009 ou en première partie du dernier concert de LCD Soundsystem, en 2011. Leurs 3 EP's enregistrés entre 1981 et 1983 ont été une première fois compilés en 1997 sur le label Grand Royal des Beastie Boys (Mo Wax pour l'Europe), ensuite en 2008, par Domino Records. Faut dire ce qui est : ces morceaux ne sont pas forcément bons, parfois tellement décharnés qu'ils semblent surtout inaboutis. Optimo, ma préférence à moi, et Cavern, restent par contre de véritables bombes; il va sans dire déjà complètement usées par à peu près toutes les discothèques belges et soirées itinérantes new-wave ou même new-beat dignes de ce nom, des années 80 à nos jours.
Liquid Liquid (USA, 1981-1984, à nouveau actifs depuis 2008)
Richard McGuire, basse, Scott Hartley, batterie, Salvatore Principato, voix, Dennis Young, percussions.
jeudi 14 août 2014
LE PUDDING TOTALITAIRE
jeudi 14 août 2014
Fulgurances,
KultuurKonfituur,
Langue de pute
Gamin au pensionnat de rupins, George Orwell faisait pipi au lit, craignait les séances de branlettes collectives et se sentait espionné en achetant du chocolat. Ce traumatisme du système scolaire anglais explique peut-être les passages les plus faibles de 1984, ceux pourtant censés décrire l'horreur absolue.
On n'a pas ici l'ambition de réécrire l'histoire littéraire comme le ferait dans le bouquin le Miniver, le Ministère de la Vérité chargé de truquer le passé et les souvenirs du peuple. 1984 est un tricot d'observations pertinentes et d'intuitions géniales, une dénonciation en gros implacable du stalinisme ainsi qu'un hommage vibrant aux libertés individuelles. C'est aussi un roman de mauvaise anticipation, à la trame narrative simplette, aux personnages mal pensés, à la psychologie naïve et aux incohérences dignes d'un blockbuster hollywoodien contemporain. En 1984, le Royaume-Uni a été marqué par les grandes grèves des mineurs, la montée des Smiths, les culs velus en shorts de cuir de Frankie Goes To Hollywood tout le temps, partout, ainsi que par la visite de courtoisie chez Madame Thatcher de Mikhail Gorbatchev, représentant d'un système politique alors en pleine déroute et de moins en moins ennemi. Ca, Orwell ne l'avait pas vu venir. Normal : son 1984 s'inspire surtout du Moscou sous Staline et du Londres d'après-guerre, avec ses cratères dus aux bombardements nazis, son rationnement alimentaire, sa propagande patriotique et sa nostalgie de l'Empire Britannique, alors en pleine phase de décolonisation.
On le sait, Orwell s'est pour 1984 aussi largement inspiré de Nous Autres, dystopie de 1920 signée de l'écrivain russe Ievgueni Zamiatine, ainsi que de La Kallocaïne, autre dystopie, cette fois parue en 1940 et imaginée par la Suédoise Karin Boye. Orwell entendait au travers 1984 lancer un cri d'avertissement politique fort. On peut donc penser qu'il était chaud-boulette sur son gros tas de notes, qu'il savait quoi dénoncer, maîtrisait au mieux sa critique du système soviétique, du double-langage et des dangers du socialisme anglais. Par contre, il est aussi permis de suspecter que l'auteur n'entendait que pouic aux codes de la science-fiction et de l'horreur et c'est peut-être bien pourquoi toute cette belle théorie s'est finalement transformée en grosse bouillabaise où les observations politiques tranchantes flottent à côté de gros grumeaux de pures couillonnades fictionnelles.
Big Moustache is watching you
Le roman reste aujourd'hui connu pour ses archétypes devenus clichés (Big Brother, la novlangue, la réécriture de l'histoire à des fins de propagande interne...) mais le monde qu'il caricature est bel et bien mort, sauf peut-être en Corée du Nord. 65 ans après sa publication, 61 après la disparition de Staline, 1984 a vieilli. La surveillance généralisée, la détention arbitraire, la torture et l'assassinat ciblé existent certes toujours, y compris dans des pays réputés libres. Mais Orwell n'a pas imaginé que l'on pourrait dès 1984 très bien ne pas tuer un opposant politique, ne pas censurer une voix dissidente. On peut aujourd'hui se contenter de totalement la décrédibiliser médiatiquement, de faire passer grâce aux réseaux sociaux le mouvement insurrectionnel pour un ramassis de clowns conspirationnistes, de minimiser l'impact de révélations ou même miser sur la possibilité que tout le monde se fiche comme de son premier lolcat de ce qu'un fuitard peut bien dévoiler des rouages d'un système corrompu. Dans 1984, il y a du Staline et du Trotski. Par contre, pas la moindre trace d'un ancêtre de Julian Assange ou d'Edward Snowden. Normal. Ce qui l'est moins, normal, c'est qu'au moment d'imaginer l'horreur absolue, la fin de l'humanisme, un système tyrannique s'installant pour durer éternellement, Orwell se soit empêtré dans un concept totalitaire futuriste aussi wtf qu'une dichotomie fantaisiste entre une large majorité de prolétaires plus ou moins libres et une petite poignée de membres du Parti vivant à eux seuls une expérience totalitaire full options, avec sa surveillance omnisciente irréaliste (qui surveille les surveillants?) et cette énigmatique interdiction sexuelle entre adultes pourtant consentants.
Le totalitarisme des chambrées de jeunes garçons anglais
Une hypothèse marrante qui permet de donner sens à ces incongruités implique de relire 1984 à la lumière de la nouvelle Such Such Were The Joys, finalisée au printemps 1948, quelques mois avant la touche finale portée par Orwell à 1984. L'auteur y décrit la vie malheureuse qui fut la sienne à Crossgates, transposition littéraire à peine déguisée d'un pensionnat huppé du Sussex où il a été envoyé tout gamin. Un monde refermé sur lui-même, où quelques règles aussi basiques qu'arbitraires sont dictées par le Headmaster, figure d'autorité menaçante, quasi divine, qui voit tout, sait tout, et recourt au châtiment corporel pour sanctionner ce qu'il considère être des transgressions, volontaires ou non. S’instaure forcément parmi les petits pensionnaires la plus morbide des paranoïas. Ils se dénoncent les uns les autres, non sans plaisir sadique. Leur solitude est abominable. Ils sont mal nourris et déracinés dans un monde clos où des plaisirs simples comme de mariner dans un bain chaud ou de savourer un morceau de chocolat leurs sont momentanément interdits. Crossgates est un pensionnat pour garçons, autrement dit un environnement où le sexe est en principe absent et où les accusations de pédérastie mènent aux coups de canne, voire aux expulsions. C'est une école anxiogène, brutale et froide, et pourtant, quand ses pensionnaires la quittent, ces gamins promis à devenir cadres de l'administration gouvernementale britannique gardent presque tous une dévotion quasi religieuse pour le Headmaster. Ils lui sont reconnaissants d'avoir fait d'eux des hommes bons, honnêtes et droits. Tout comme à la fin de 1984, après toutes les tortures qu'il a subies et malgré qu'il soit promis à une mort aussi violente que subite, Winston Smith se met à aimer Big Brother d'un amour sincère et inconditionnel.
Dans le roman, l'endoctrinnement ne concerne que les membres du Parti. En dehors de celui-ci, « les proles » vivent une vie miséreuse mais exempte de surveillance rapprochée. Si des agitateurs apparaissent, ils sont neutralisés, mais 1984 ne semble pas envisager qu'un leader charismatique révolutionnaire puisse émerger de la masse inculte. A Crossgates, la tyrannie à laquelle le Headmaster soumet ses élèves n'est elle aussi effective que dans l'enceinte de l'établissement. En dehors, la vie villageoise continue tranquillement et on peut supposer que les gamins pensionnaires, future élite de la nation, avaient des paysans et des petits commerçants des alentours une perception assez semblable à celle qu'a Winston Smith des prolétaires dans le roman : des êtres aux mœurs rudes mais charmantes, à la crasse romantique, exclus de naissance des brillantes carrières institutionnelles, mais jouissant d'une liberté désirable.
Le chocolat, c'est l'esclavage
A Crossgates, Orwell pissait au lit. Chaque soir, flippé, il priait Dieu pour que sa vessie tienne jusqu'au lendemain matin. Mouiller ses draps était sévèrement sanctionné par le Headmaster et Orwell racontera plus tard que c'est précisément cette expérience de se prendre des coups de canne pour un acte involontaire qui lui fera comprendre que l'on vivait dans un monde dont il lui serait impossible de respecter les règles. Quand Winston Smith est arrêté dans 1984, il croise en prison un voisin pourtant tranquille à qui il est curieusement reproché d'involontairement critiquer Big Brother dans son sommeil. Autre coïncidence amusante, peut-être frappante : dans Such Such Were The Joys, Orwell raconte aussi qu'un jour qu'il est envoyé faire une course au village, il s'achète en douce du chocolat avec de l'argent qu'il a caché. Alors qu'il sort de la confiserie, un homme le dévisage longuement et le gamin est vite persuadé qu'il s'agit en fait d'un espion du Headmaster. Il s'attend à être dénoncé et puni, comme n'importe quel morveux dont la culpabilité se transforme en paranoïa galopante. Winston Smith vit dans le roman une expérience similaire : il découvre par hasard une charmante boutique d'antiquités dans les bas-fonds de Londres, loue au propriétaire une chambre meublée où écrire tranquillement ses tourments et faire l'amour à Julia et hop, le type est en fait un espion du Parti qui les dénonce aux autorités. C'est cauchemardesque mais délirant, comme une crainte d'enfant. Dans la nouvelle, Orwell reconnaît d'ailleurs qu'il fut grotesque de penser qu'un maître d'école placerait des espions ici et là afin de s'assurer que le règlement de son établissement soit respecté même là où il ne s'applique pas. Dans le roman, par contre, il semble plutôt logique à l'auteur que son héros soit dénoncé par un espion qui n'a aucune raison de l'être, propriétaire d'un immeuble qui n'a aucune raison d'être surveillé et où le personnage est entré totalement par hasard. Licence poétique, toi qui excuse les pires incohérences...
La caméra sur le parking du Monoprix
Souvent naïf, un poil trop moraliste, plus british que gauchiste, George Orwell avait ses idées et ses doutes, qu'il défendait plutôt pas mal quand il se contentait d'observer ses marottes ; c'est-à-dire les pauvres, le socialisme et ses perversions. Imaginer un futur horrifique crédible lui semble par contre avoir été plus difficile. La tirade finale du personnage d'O'Brien, sbire du Système qui torture Winston Smith, est ainsi à peine digne d'un méchant peu inspiré de James Bond : « Le pouvoir est d’infliger des souffrances et des humiliations. Le pouvoir est de déchirer l’esprit humain en morceaux que l’on rassemble ensuite sous de nouvelles formes que l’on a choisies. Commencez-vous à voir quelle sorte de monde nous créons ? C’est exactement l’opposé des stupides utopies hédonistes qu’avaient imaginées les anciens réformateurs. Un monde de crainte, de trahison, de tourment. Un monde d’écraseurs et d’écrasés, un monde qui, au fur et à mesure qu’il s’affinera, deviendra plus impitoyable. Le progrès dans notre monde, sera le progrès vers plus de souffrance. L’ancienne civilisation prétendant être fondée sur l’amour et la justice. La nôtre est fondée sur la haine. Dans notre monde, il n’y aura pas d’autres émotions que la crainte, la rage, le triomphe et l’humiliation. Nous détruirons tout le reste, tout. » (1984, Gallimard 1950 p. 376.)
Enfantin, caricatural, de l'ordre de l'improbable croquemitaine, ce portrait d’un état totalitaire éternel qui n'a d'autre but que de broyer l'individu, qu'est-ce vraiment, sinon un update athée d'une description de l'Enfer, pas que scolaire ? 1984 est censé décrire le système politique le plus abject et traumatisant de l'histoire, le bouquin est écrit même pas 5 ans après Auschwitz, et tout ce qu'Orwell arrive à nous sortir, c'est que l'avenir du stalinisme pourrait drôlement ressembler à une expansion à niveau mondial du système éducatif huppé anglais. Avec, en plus du panpan-cucul, des caméras partout et la peine de mort post-coïtale. Ainsi qu'un Headmaster/Big Brother/Staline/Satan en guise de nouvelle entité impossible à vaincre. C'est immature et nawak, aussi nawak que Matrix et Twin Peaks, qui sont, comme 1984, des œuvres à l'intelligence éventuellement accidentelle, aux concepts vertigineux et au freestyle tellement vague qu'elles permettent en fait à n'importe qui d'y greffer n'importe quelle théorie geeky et pseudo-profonde. Le genre de catalyseur des folies de l'époque qui fait, dans le cas d'Orwell, que 1984 est vu à la fois comme un grand roman socialiste et une bible libertarienne, un généreux pamphlet anticommuniste et un épouvantail sécuritaire. Tout et son contraire, donc. Une dénonciation du bolchévisme, du Patriot Act, d'Hadopi, d'Echelon, de l'Union Européenne, de la lutte des classes, de Facebook, d'Obama, de Poutine, de la NSA, de la caméra sur le parking du Monoprix et même de Loana. Ca non plus, Orwell ne l'avait pas vu venir.
Texte écrit en collaboration avec Emmanuelle Raga, d'après son idée, et publié dans Gonzaï n°7, juillet/août 2014, toujours en vente sur le site.
mercredi 13 août 2014
VAUT-IL MIEUX 1 FRONT 242 + 1 TUXEDOMOON QUE 2 SACHETS DE CHURROS ET 4 MOJITOS?
mercredi 13 août 2014
Couillonnades,
Gonzozo,
KultuurKonfituur
Plaisir
d'Eté, Paradis du Churros, Food Truck transformé en Prout Truc,
verdict final que le Brussels Summer Festival tient tout simplement
d'une annexe de la Foire du Midi... Dans la vacherie de compétition,
nous avons su nous montrer cruels en cherchant vainement un truc non
dégoulinant à se mettre sous la dent, ce mardi soir, quelques
minutes avant le début du concert de Tuxedomoon. Faut dire que tout
juste sorti d'une grippe intestinale du pied gauche, la tolérance
pour la mangeaille de kermesse n'était pas de la partie. Pas plus
que l'envie de voir prester un soir plutôt frisquet Tuxedomoon et
Front 242, à vrai dire, groupes que notre grand âge nous a permis
de jadis croiser à des périodes plus déterminantes de leurs
carrières, quand la new-wave n'était pas de la couille. Et que le
mois d'août ne ressemblait pas encore à l'automne.
Ce
contexte perso étant planté, il n'étonnera personne qu'il m'a
fallu moins de dix minutes de présence sur le site du festival pour
sérieusement me prendre le bec avec une mémère et sa fifille. Le
fond et le motif de la dispute n'ont aucun intérêt. Par contre,
l'embrouille terminée, il est à noter que la fifille a essayé de
consoler sa Môman, fortement énervée par mes sarcasmes, en lui
montrant sur son smartphone la vidéo d'une tortue mâle qui essaye
d'avoir des rapports sexuels avec un wok. A ce même moment, dans le
décor, un gros type mal lavé au cerveau visiblement complètement
grillé par de bien drôles de drogues fendait la foule avec autour
du corps différentes couches de haillons et sur le nez un museau de
chat en plastique. Tout cela sous l'oeil placide de petits flics qui
n'avaient pas l'air d'atteindre le 1m68 réglementaire, même les
bras levés. D'où, soudainement, en plus de ma mauvaise humeur, une
volonté de mourir, là, directement, comme ça, pouf, adieu cruel
cirque humain.
Dans une relative indifférence, c'est alors que Tuxedomoon a commencé à jouer. Faut dire que le groupe yankeexellois (haha!) n'a pas choisi la facilité, illustrant en fait en musique un court-métrage diffusé sur l'écran de fond de scène, petit film que nous avons d'abord pris pour une publicité Actiris, avec son Docteur Maboul qui engueule un personnage recouvert de bandes magnétiques, qui finit par s'échapper dans la nature. J'avoue n'avoir ensuite pas vraiment suivi, jamais conquis par l'ensemble, distrait par notre conversation entre amis, et tout cela pour une simple et bonne raison. Je ne doute en effet pas un seul instant que la musique espiègle et tortueuse de Tuxedomoon reste un plaisir rare, encore aujourd'hui, dans une belle salle bien sonorisée. Ce mardi soir, au BSF, les balances étaient par contre tellement scandaleusement mal réglées que cette musique incontestablement assez difficile me fit en fait aux oreilles ce que le kebab au ragondin responsable de mon intoxication alimentaire évoquée en début de chronique fit il y a quelques jours à mon estomac.
Dans une relative indifférence, c'est alors que Tuxedomoon a commencé à jouer. Faut dire que le groupe yankeexellois (haha!) n'a pas choisi la facilité, illustrant en fait en musique un court-métrage diffusé sur l'écran de fond de scène, petit film que nous avons d'abord pris pour une publicité Actiris, avec son Docteur Maboul qui engueule un personnage recouvert de bandes magnétiques, qui finit par s'échapper dans la nature. J'avoue n'avoir ensuite pas vraiment suivi, jamais conquis par l'ensemble, distrait par notre conversation entre amis, et tout cela pour une simple et bonne raison. Je ne doute en effet pas un seul instant que la musique espiègle et tortueuse de Tuxedomoon reste un plaisir rare, encore aujourd'hui, dans une belle salle bien sonorisée. Ce mardi soir, au BSF, les balances étaient par contre tellement scandaleusement mal réglées que cette musique incontestablement assez difficile me fit en fait aux oreilles ce que le kebab au ragondin responsable de mon intoxication alimentaire évoquée en début de chronique fit il y a quelques jours à mon estomac.
Pareil
pour Front 242, d'ailleurs. Depuis 1986, j'ai vécu des concerts de
ce groupe qui m'ont marqué au fer rouge, j'en ai vu d'autres que
j'ai trouvé patauds, il y en a même qui m'ont fait doucement
ricaner mais, toujours, il s'est agi d'une expérience sonore
immersive de première bourre. C'est le propre de Front 242 :
même s'il est permis de ne pas trouver très finauds la purée
electro-body balancée dans les oreilles du public et les accents
bien brusseleir à la Alain Courtois des chanteurs, les concerts du
groupe sont en principe des expériences physiques intenses mais pour
qu'il y ait expérience physique intense, il faut évidemment que le
son soit à la hauteur. Surtout quand le groupe, plutôt en forme,
avec un Richard 23 toujours plus bondissant qu'un lolcat sur You
Tube, décide de généreusement balancer quelques gros
classiques/grosses patates de son répertoire le plus féroce, les
Take One, No Shuffle, Funkhadafi et le toujours furieusement cinglé
Commando Mix. Voilà qui aurait du faire bouillir le Mont-Des-Arts.
Mais avec une régie finale réglée au mouffle aplatissant basses et
reliefs à la tractopelle, seuls les plus motivés, peu regardants,
demi-sourds et parfaits ignares auront finalement passé une vraie
bonne soirée musicale, les moins pigeons du lot étant partagés
entre ennui, consternation et regret d'avoir payé pour du pareil
foutage de poire. Les stands de churros et de mojitos n'ont par
contre pas semblé s'en plaindre et c'est sans doute bien là le
principal, pour certains responsables.
Chronique publiée le 13 août 2014 sur le site du Focus Vif
lundi 28 juillet 2014
EXCLUSIF : LA MESURE CHOC QUI VA TOUT CHANGER DANS L'HORECA BRUXELLOIS
lundi 28 juillet 2014
Couillonnades,
Sorties de Route
C'est un véritable tsunami juridique qui va, dès que totalement appliqué
dans les semaines qui viennent, assurément transformer en profondeur
certaines vieilles pratiques d'établissements bien connus et
représentatifs de l'horeca bruxellois. Dans le colimateur de l'ONSS
et de la Justice depuis de nombreux mois pour « travail
dissimulé », une liste conséquente de « bistrots
branchés » du Centre-Ville, de Saint-Gilles et d'Ixelles qui
pratiquent le « service au bar » vont en effet devoir se
mettre au plus vite en conformité avec de toutes nouvelles règles
régionales, sous peine de lourdes sanctions. A chaque entrée dans
l'établissement à des fins de consommation, le client se verra
ainsi remettre un CDD « d'assistant serveur ». Regarder
le menu debout, aller commander au bar, attendre la commande, la
porter à table, se lever pour payer, rapporter sa vaisselle et jeter
les déchets, voilà autant d'actions qui seront désormais comptées
comme du service et donc rémunérées.
« Ca
sera un petit peu compliqué au début, nous a expliqué un
représentant du Ministère des Classes Moyennes qui préfère rester
anonyme, mais comme nous avons déjà beaucoup de fonctionnaires qui
passent énormément de temps dans ces établissements durant leurs
heures de travail, ceux-ci pourront toujours aider l'usager dans ces
nouvelles démarches administratives et bien lui expliquer comment
compter et prester ses heures. Le chômeur, par exemple, ne devra
jamais oublier de noircir une case de sa carte de pointage à chaque
fois qu'il va dans ce genre d'endroits et, surtout, d'exiger un C4 à
la sortie. Sans quoi, il risque de perdre tous ses droits. Dans le
même ordre d'idée, c'est au travailleur indépendant de décider
comment déclarer sa prestation d'assistant serveur : il peut
facturer le temps qu'il a pris à commander sa salade et son café
comme relevant de la consultance mais il perdrait alors la
possibilité d'utiliser la souche TVA à son compte ou de faire
passer cette salade et ce café consommés à titre personnel pour
des frais de représentation. Le public n'a pas à s'inquiéter. Le
mot clé de l'année 2014 en Belgique est « confiance »
et nous sommes nous aussi dans une démarche très positive. Nous
éditerons d'ailleurs à la rentrée une brochure explicative pensée
par et pour les habitués de ce genre d'établissements, puisqu'outre
nos fonctionnaires, on y trouve aussi beaucoup de graphistes
désoeuvrés qui ont été très heureux d'être mis à
contribution. »
Du
côté de la clientèle des établissements où la mesure est déjà
d'application, c'est l'étonnement. . Jérémy, 24 ans, assistant de
production, l'accueille avec joie, nous affirmant que "ça fait
trois ans que je suis malgré moi serveur à Flagey et c'est de la
véritable exploitation. Tous les vendredis, je me tape minimum 6
fois 22 minutes de file pour avoir une bière premier prix à 3
euros, que je dois en plus amener à table et c'est un véritable
travail d'acrobate quand il y a des tournées et plein de monde. Il
était temps que cela soit reconnu comme un vrai travail. »
Chercheur universitaire, David, 37 ans, accueille lui aussi très
positivement la mesure. « On ne parle pas assez de la pénibilité
des brunchs du dimanche. C'est bruyant, bondé, mal aéré et il faut
souvent partager sa table avec des assistants-parlementaires Ecolo.
Rémunérer celui qui porte les plateaux de pancakes à sa petite
famille, c'est une mesure très décente, même si ce n'est qu'un
début. Je pense en effet qu'en soirée et le dimanche, on devrait
être rémunérés à 150%, comme cela se fait ailleurs. »
Mireille, 52 ans, reste quant à elle plus circonspecte :
« C'est strictement cosmétique, ce truc. On est certes payés,
pas bien d'ailleurs, mais où sont l'assurance-maladie et le pécule
de vacances ? Puis-je sinon être renvoyée pour faute grave si
j'apostrophe vertement quelqu'un qui me dépasse dans la file, hein ?
On sait aussi très bien qu'il y a un uniforme informel pour les
employés de ce genre d'établissements. Or moi, je n'ai aucune envie
de me tatouer et de me percer les lèvres, encore moins de parler aux
gens avec un accent et un dédain typiquement français ! »
Gérant
dans une grande enseigne horeca de Flagey depuis 2008, Nicolas reste
lui aussi plutôt méfiant : « Nous avons accepté sans
broncher l'interdiction de fumer à l'intérieur, la limitation du
volume de la musique et les heures de fermeture drastiques imposées
par les autorités. Là, je trouve quand même qu'on dépasse les
bornes. Ce n'est pas un secret que nos clients sont des gros cons et
je n'ai que peu envie d'engager des gros cons, même pour 20 minutes.
Franchement, je pense que nous allons carrément abandonner le
service au bar et recommencer à engager du personnel qui sert à
table, sans quoi on va bien aussi finir par attirer toute la misère
du monde, du genre l'un ou l'autre illégal qui espère gagner un peu
d'argent en faisant la file à la place des petites vieilles, des
feignasses et des chômeurs qui ne veulent pas noircir leur case. Le
vrai problème, c'est qu'à Bruxelles, il n'y a plus que des vieilles
serveuses de 40 ans qui veulent bien porter des plateaux et sont
capables de le faire sans renverser, tout ça en travaillant debout
8 heures d'affilée sans recourir à la cocaïne ou au MDMA. Je suis
désolé mais ce genre de ringardes connaissant leur métier, c'est
très mauvais pour l'image de notre établissement ! »
Les
cafés branchés abandonnant « le service au bar » ne
seront évidemment plus concernés pas la mesure, nous a-t-on assuré
au Ministère des Classes Moyennes. Par contre, pour éviter une
concurrence déloyale envers leurs pairs, ils devront alors se mettre
en conformité avec les autres établissements de leur catégorie,
c'est-à-dire louer ou installer des jeux de fléchettes et un bingo
et servir à la pompe de la « vraie bière », produite
par les brasseurs historiques du pays. « Ca paraît autoritaire
et même kamikaze, mais cela ne relève que du bon sens », nous
a affirmé notre contact au Ministère, avant de fermer boutique,
parce que bon, il était tout de même 15h47, un vendredi à quelques
jours du 1er août.
Chronique publiée sur le site du Focus Vif dans le cadre de la série Sortie de Route (S03E39) et écrite en collaboration exceptionnelle avec le Professeur Jong du blog Le Gastroscope.
mercredi 16 juillet 2014
QUAND JE LIS UNE GROSSE CONNERIE DE NICOLAS CROUSSE, JE SORS MON REVOLVER
mercredi 16 juillet 2014
KultuurKonfituur,
Langue de pute,
Notes Putes
Je n'ai pas vu Transformers 4 :
The Age of Extinction et je ne compte pas le voir. Je déteste
cordialement ce genre de films, ce n'est pas du tout ma came. Quand
on en vient à écrire sur le cinéma avec la prétention d'informer
le public, je ne pense toutefois pas que l'on puisse encore balayer
un produit de ce type d'une bête chronique pleine de poncifs. C'est
sur Cracked.com ou Den of Geek, je pense, que j'ai appris que si,
depuis quelques années, tous les blockbusters se ressemblent, c'est
principalement du fait qu'une sorte de Grand Gourou du Script
Post-Moderne a vendu sa méthode jackpot de merde à la plupart des
producteurs actuellement en activité (ces mecs sont des industriels,
pas des artistes : rentrez vous ça dans le crâne une bonne
fois pour toutes!). J'ai aussi lu, cette fois dans Mainstream de
Frédéric Martel, que le principal public désormais visé par
Hollywood n'est plus américain, ni européen, mais chinois, voire
arabe. Ce qui explique, dans la plupart des films actuels, les
couches de propagande libérale, de politiquement correct et
d'archétypes à la louche. On ne heurte pas les sensibilités des grands marchés émergents. J'adore sinon le concept de « destruction
porn », qui se moque de cette manie de détruire des villes
entières dans le moindre bouzin de super-héros ou de monstres.
Bref, il y a matière à écrire, dénoncer, se moquer et jubiler à
partir de cette pop-culture à la con et Cracked.com le fait très
bien. Ici, en Belgique médiatique, notamment dans Le Soir, on préfère par contre toujours
se draper dans une posture d'esthète indigné dès qu'un film se
montre trop enfantin, simplet, commercial, pop-corn. Le chroniqueur
Nicolas Crousse l'a encore démontré ce mercredi matin avec une courte chronique au sujet de Transformers 4 aussi ridicule que mal
torchée, en fait carrément scandaleuse.
« Gageons, (écrit Crousse),
qu’il se trouvera quelques inconditionnels du genre pour adopter ce
grand jeu vidéo filmé. En ce sens, le service minimum de ce
blockbuster d’été est garanti. Mais c’est à peu près tout. Le
quatrième volet de Transformers ressemble à une bouillabaisse
californienne (celle avec moult pop-corn et ketch-up), qui
revisiterait dans le désordre Fast and furious, King Kong,
Noé, La guerre des mondes ou même Godzilla.
Autrement dit, des belles bagnoles, de grands singes de ferrailles,
des bastons d’extraterrestres, des tours
infernales… Transformers est en somme à Hollywood ce que
la musique de Richard Wagner était au régime hitlérien : un
hymne national ! »
Un. Dire d'un film bourrin qu'il
fait penser à un jeu vidéo est une erreur classique de critique
déclassé, voire franchement réac. Il existe en fait très peu de
films qui donnent réellement l'impression d'un jeu vidéo filmé et
ils n'ont pour la plupart RIEN A VOIR avec un blockbuster classique,
notamment beaucoup plus sinueux dans la narration et davantage
immersifs que le « Pan dans ta gueule » habituel. Je
pense à Matrix 1, Silent Hill, Avalon, Existenz et, plus récemment,
The Edge of Tomorrow, le moins mauvais des Tom Cruise récents. Par
ailleurs, Transformers est surtout une adaptation filmée d'un dessin
animé lui-même dérivé d'une ligne de jouets. Les jeux vidéo ne
sont qu'assez accessoires dans cette franchise.
Deux. La bouillabaisse
californienne existe et ni pop-corn, ni ketchup n'entrent dans sa
recette. Celle-ci est même carrément plus
fancy, je trouve, que la façon de touiller la bouillabaisse française traditionnelle.
Bref, après « le jeu vidéo, c'est pour les idiots »,
voilà qu'on nous fait comprendre que « les Amerloques n'ont
aucune culture culinaire ». Mon cher ami, faites vous donc plaisir,
vous reprendrez bien une louche de ce bon gros clicheton des familles ?
Trois. Si Transformers 4 a l'air
de revisiter « dans le désordre Fast & Furious, King Kong,
Noé, La Guerre des Mondes et même Godzilla », il ne faut tout
de même pas oublier que ça reste en fait l'adaptation live de l'arc
narratif des Dinobots, dont la version en dessin animée a débuté
aux Etats-Unis le 27 octobre 1984, alors que Vin Diesel n'avait même pas encore passé son permis de conduire. Par ailleurs, moi, je ne vois
quasi aucun point commun entre le King Kong bien geek de Peter
Jackson, le Noé quasi sous ecstasy d'Aronofsky et un Godzilla lent et arty surtout éhontément pompé de Cloverfield. Qui était une putain de bonne
surprise punk, celui-là... En matant la bande-annonce, je trouve
sinon que Transformers 4 ressemble surtout à Transformers 3. Et à
The Avengers, qui n'aura cesse d'être copié pour les 20 ans à
venir par tous ceux qui espèrent gagner ne fut-ce qu'un dixième de son tout gros tas de dollars.
jeudi 19 juin 2014
ET TOUT CA POUR QUOI? JUSTE UN PEU D'ARGENT...
jeudi 19 juin 2014
Fulgurances,
KultuurKonfituur,
Notes Putes,
Platitudes
Fargo,
la série télévisée planplan sur FX tirée du chef d'oeuvre des
Frères Coen, s'est achevée ce mardi 17 juin 2014 et récolte des
critiques assez dithyrambiques, notamment un 9.2 sur IMDB. Après le
succès comparable de True Detective, show pourtant à demi-mongolo à peine digne d'une enquête du Commissaire Moulin allié
à Jean-Paul Sartre sur la piste de Marc Dutroux, c'est à se désoler
qu'à défaut de véritables grandes nouvelles séries, les junkies
du streaming se contentent un peu vite de tout ce qui leur rappelle
même vaguement un âge d'or du genre, peut-être déjà révolu.
En
gros mais c'est au fond vraiment ça et pas grand-chose de plus,
Fargo sur FX est l'histoire d'un bête type qui rencontre le Diable.
Le premier, Lester Nygaard (Martin Freeman) est l'employé modèle et
effacé d'un bureau d'assurances de la ville de Bemidji, bourgade
paumée du Minnesota (fictive, la vraie Bemidji est plus
importante). Le second, Lorne Malvo (Billy Bob Thornton), est un
tueur à gages itinérant aussi compétent que cinglé, jouette et
mal coiffé (le cousin de Javier Bardem dans No Country For Old
Men?). Par jeu, Malvo entre dans la vie de Nygaard, sur qui son
machiavélisme va déteindre et là, c'est le bain de sang en pays
plouc. Quel rapport avec Fargo, le film ?
La
neige, les accents, vaguement la musique, quelques easter eggs, des
scènes entières replacées dans un contexte différent, des
personnages à priori similaires avant qu'ils ne gagnent une
personnalité plus ou moins indépendante de leurs modèles, le
million de dollars en pleine nature et puis aussi, la traînée de cadavres. Quelle(s) différence(s) avec le film ? Un
paquet, dont un ton plus sombre, une violence plus gratuite que
marrante, des personnages moins marquants et, surtout, le propos,
l'essence même, de l'histoire. C'est Emily Nussbaum, critique du New
Yorker, qui a le mieux résumé l'affaire, pointant que là où le
film était une méditation sur la stupidité de la violence, la
série, elle, s'avérait surtout fascinée par l'intelligence des
gens mauvais. Bref, l'une est antithèse de l'autre.
On
peut dès lors se poser la question : pourquoi placer cette nouvelle histoire, pas mauvaise en soi, dans un contexte si particulier
et référencé, où elle n'a en fait rien à faire. Fargo sur FX
pourrait s'appeler Palookaville, USA et se dérouler au Texas ou en
Floride, se contenter de ressembler à l'univers des Frères Coen
comme le font les premières saisons de Breaking Bad. On y trouverait
moins à redire et à se gratter la tête que devant une série qui
claironne s'inspirer d'un film célèbre, tout en allant totalement à
contre-courant de son propos et en banalisant même l'héritage. Fargo, sorti en 1996, se foutait royalement de la gueule
des films à la Tarantino, de leur violence stylisée impunie et de leurs psychopathes présentés comme des rockstars. On y glorifiait
au trentième degré des ploucs et le bon sens des petites gens (était-ce de l'affection ou de la cruauté, il reste permis de
douter). On y montrait des
criminels pathétiques et hilarants. C'était ça, Fargo et c'est
bien pourquoi en 2014, Fargo sur FX aurait en principe du non pas récupérer à sa sauce tous les poncifs des polars actuels mais bien démonter sans aucune pitié ces anti-héros accidentellement
meurtriers de masse mais de plus en plus virils à chaque épisode et ces morts gratuites qui n'apportent rien à
l'histoire mais donnent au spectateur une impression de
« transgression ».
En
ne gardant du film que son titre, ses décors, ses gimmicks, un peu
de son ambiance et rien de son propos, Fargo sur FX rejoint en fait
la série des séries qui ne sont finalement que des rip-offs à la
con, ultra-cheaps et convenus, de films considérés comme des
citrons à presser jusqu'à la dernière goutte : La Planète
des Singes, l'Age de Cristal, Terminator, les Agents du SHIELD,
Hanniboule le Canadair, etc... And
for what? For a little bit of money. There's more to life than a
little money, you know. Don'tcha know that?
mercredi 4 juin 2014
LINKEDIN CONNECTION
mercredi 4 juin 2014
KultuurKonfituur,
Messages de service
Disponibilité, réactivité, esprit de synthèse, aptitude à la rédaction, livraison rapide du produit fini. Sur Linkedin, ce plan là a de quoi sérieusement affoler les recruteurs : fin décembre, Benjamin Schoos me proposait un peu en urgence d'écrire un chapitre de ce fameux bouquin sur Jacques Duvall, sur base d'une interview menée par quelqu'un d'autre ayant entretemps abandonné le projet. C' était torché et envoyé quelques jours plus tard et aujourd'hui, le bouquin, Le Contrebandier de la Chanson, est en librairies, avec mon texte tout à la fin. C'est un livre plutôt marrant, à l'écriture chiadée et souvent tordante, dans le style du journalisme rock à l'ancienne. Très compétent dans son domaine, je vous le recommande chaudement.
(publié
dans Jacques Duvall, Le Contrebandier de la Chanson, Editions du
Caïd, 2014)
“-
J'ai toujours aimé la face B, le trésor bien caché. Chez moi, je
crois que ça a toujours été très naturel de préférer Mylène
Demongeot à Brigitte Bardot ou Tom Ovans à John Prine. Bien sûr,
c’est Bob Dylan le génie mais Tom Ovans me touche, heu, comment
dire… C’est comme le type qui sort avec la fille la plus jolie du
quartier. Bravo, il en jette un max, il a la plus jolie fille du
quartier. Tu es un peu jaloux. Jusqu'au moment où tu repères cette
petite bombe un peu pétasse vue de l'extérieur, qui n'est pas la
plus jolie mais la plus SEXY. Elle ne fait pas monter ta cote, non.
Mais elle fait monter autre chose chez toi, et ça tu ne peux pas le
nier.”
Appelons
donc cela la recherche de l’érection esthétique, c’est-à-dire
privilégier une culture bis à première vue éventuellement mal
foutue mais charriant son lot d’émotions fortes. Cela n’a rien
de geek. Un geek se fabrique une bulle. C’est un collectionneur
souvent nostalgique qui s’enferme dans un erzats de chambre d’ado.
Il se protège du monde extérieur, de la réalité. Traquer le
trésor caché, c’est autre chose. L’histoire de Bob Dylan est
riche mais s’inscrit très vite dans une logique de show-business,
dont elle dépend et qui l’imprègne. Tom Ovans, c’est un
clochard, un vrai, meurtri par le monde extérieur, et il le chante
peut-être mieux, avec un meilleur ressenti, plus de classe, plus de
magie, que Dylan et son empathie pour le hobo vécue du haut de sa
tour d’ivoire. Ou peut-être pas. Peut-être Tom Ovans ne fait-il
que toucher une corde sensible chez ses pairs, chez les êtres qui
sont, comme lui, “désaccordés”.
“Désaccordé”,
en portugais, se dit “Desafinado” et “Desafinado”, c’est
une chanson
composée
en 1959 par Antonio Carlos Jobim et Newton Mendonça, véritablement
considérée comme l’hymne de la bossanova. Longtemps en Europe, et
plus singulièrement en Belgique, la bossanova et le jazz cool ont
tenu plus que tout du trésor caché. Via Marc Moulin et Alberto
Nogueira, le beau-père de Lio, Jacques Duvall s’est intéressé de
près à ce pan musical, qui est selon lui “la
bande sonore idéale pour lire Chester Himes, au temps où les romans
de la Série Noire s’ornaient encore en couverture de pin-ups
dénudées.” On
retrouve bien là son attrait pour la proposition ni élitiste, ni
branchée, mais simplement différente, répondant à d’autres
critères que le tout-venant culturel, la variété, le pré-cuit.
Outre l’idée d’une proposition plus bandante, une autre corde
sensible entre là en résonnance. La traque du trésor caché, le
culte de la face B, cela revient en fait tout simplement à se sentir
davantage touché par les choses “désaccordées”. Desafinado,
cela pourrait être une culture en soi; une culture au coeur de
laquelle des gens comme Jacques Duvall se sentent complètement à
leur place.
La
Bombasse de la Planète Drakulon
“Se
sentir à sa place”, un desafinado peut l’éprouver de bien de
drôles de façons dans de bien drôles d’endroits. Dans le
magazine Vampirella, par exemple, où Jacques Duvall écrivit sur le
rock “zombiesque”. Cette publication parisienne mélangea tout au
long des années 70 les adaptations françaises du comic book de
Forrest J. Ackerman et Frank Frazetta racontant les déboires d’une
bombasse de la planète Drakulon venue sur Terre sucer tout ce qui
bouge, pas que les cous, à des articles sur la culture bis. Duvall
s’y épanchait sur l’horror rock et le barnum voodoo, genres
musicaux grand-guignolesques notamment représentés par
Screamin' Jay Hawkins, Lord Sutch, Arthur Brown et autres précurseurs
du psychobilly. Ces piges ne suscitaient guère de grande passion à
la rédaction, tout au plus considérées comme un trou bouché dans
la maquette. Jacques Duvall, par contre, était très fier
d’être publié dans ce que beaucoup considéraient pourtant comme
un magazine de gare avec pour héroïne une Barbarella de série Z.
Si,
dans le souvenir de Duvall, les sorciers rieurs et outranciers du
rock horrifique n’ont pas vraiment marqué les consciences de la
rédaction de Vampirella Magazine, celle-ci vénérait par contre
Jesus Franco, alias Jess Franco, considéré comme le Ed Wood
européen, un réalisateur espagnol toute sa vie englué sans
déplaisir aucun dans la série Z alors qu’il avait pourtant été
assistant d’Orson Welles en tout début de carrière. Franco jouit
aujourd’hui d’un certain respect et d’un culte évident,
notamment pour son film Vampyros Lesbos. Ce n’était pas vraiment
le cas à l’époque où Jacques Duvall traquait la moindre de ses
sorties : “Jess
Franco était le héros des chroniqueurs de Vampirella. J'étais
comme eux amoureux de sa femme Lina Romay. J'allais voir Venus in
Furs ou La Comtesse Sanglante dans d'infâmes cinémas pornos. Ce qui
participait à la mystique du truc. Je ne suis pas sûr que cela
m'aurait autant parlé si je les avais découverts au Palais des
Beaux Arts.”
Autre
passion-nichons duvalienne : les fumetti italiens, ici pris au sens
anglais du terme (en Italie, le terme “fumetti” désigne les
bandes dessinées. Ailleurs, il est utilisé pour désigner les
romans-photos produits dans la Péninscule). Laura Antonelli en était
la star incontestée, dès le début des années 60. Duvall en garde
un souvenir ému mais son amour pour la culture populaire italienne
ne s’arrête pas aux romans photos, ni à la plastique superbe de
celle qui deviendrait l’orageuse compagne de Jean-Paul Belmondo de
1972 à 1980. Duvall : “L'Italie
c'était les westerns spaghetti, Hugo Pratt, et puis Adriano
Celentano, Patty Pravo, Luigi Tenco, Ornella Vanoni. L'Italie,
c'était le plaisir. L'intelligence était là, même plus
qu'ailleurs, mais cachée derrière le plaisir. Les romans photos
italiens, c'est mes premiers émois d'ado, très jeune. Laura
Antonelli était la reine du genre bien avant de passer au septième
art.”
C’est
pour un loser comme toi que je dois me raser les jambes chaque matin?
Si
la variété italienne de ces années là, très orchestrée,
finaude, passant de drôles d’émotions sous sa couverture
d’amusement pour toute la famille, reste associée à une certaine
idée du bon goût, il n’en va pas de même pour la country music,
autre genre musical malgré tout adulé par Jacques Duvall :
“J'aime
la country péquenot, les filles à choucroute qui chantent des trucs
du genre "c'est pour un loser comme toi que je dois me raser les
jambes chaque matin?". J’aime aussi la country intello torturé
style Townes Van Zandt, David Olney ou Tom Russell, mais ce que je
préfère c'est leurs chansons d'amour déchirantes. Là c'est
simple. Les meilleurs c'est les plus connus. Hank Williams bien sûr.
Et Willie Nelson, peut-être le gars qui a écrit les plus belles
chansons tous genres confondus. Il n'est pas mort à l'arrière de sa
voiture, il ressemble pas à James Dean, il est coiffé comme une
serpillère, mais qu'est-ce qu'on s'en fout... Si c'est de putains de
chansons que l'on parle, c'est lui qui me fait pleurer, ricaner,
avoir envie de mourir ou de vivre.”
C’est
la mère de Jacques, une Danoise élevée en Angleterre et au Japon
durant la guerre et qui y écoutait les radios américaines, qui lui
fit découvrir la country. A la télévision flamande, un soir de
diffusion du légendaire concert de Johnny Cash à la prison de San
Quentin. Toute la petite famille était réunie devant le poste et le
lendemain, Jaques filait chez le disquaire acheter "Wabash
Cannonball" (ou peut-être "Engine 143", en tout cas
une histoire de train).
Xième
retournement de veste
Pour
le grand-public, il n’y a pas plus opposé à la country-music que
le disco. Certains, et Jacques Duvall en fait partie, verraient même
le passage de l’un à l’autre ou un intérêt marqué pour l’un
après l’autre comme un retournement de veste. Dans l’histoire du
personnage Duvall, le disco, comme on s’y attend, entre en scène
de façon sexy et éduquée, bien qu’un poil détraquée : “à
l’époque, j’étais disc jockey dans un bordel. Avec Michel
Clair, mon collègue de la Médiathèque, le Willy DeVille ardennais
("Nocturne", 45 tours produit par Marc Moulin), on se
relayait une nuit sur deux, ce qui nous permettait de bosser la
journée plus ou moins frais. J'étais fan de blues (Willie Dixon,
grand maître!) et de soul (grâce à Philippe Garnier dans
"Rock'n'Folk", une malheureuse page chaque mois) mais
j'avais de graves lacunes en matière de trucs dansants. Un soir, une
go go girl africaine me dit "Passe-nous Barry White".
J'obéis poliment parce qu'elle était trop craquante, et là, la
claque. Michel, lui, connaissait déjà ça très bien et il m’a
refilé deux ou trois tueries pour enchaîner : "I'll Be Around"
des Spinners, "In The Rain" des Dramatics, "Hurts So
Good" de Millie Jackson… Avec ce background, quand le disco a
débarqué, j'étais mûr pour mon xième retournement de veste.”
Sauf
qu’il s’agit moins de retournement de veste que d’application
des lois de l’attraction. Un mec chante l’amour. Pour une femme
qui n’est peut-être pas la plus belle du quartier mais qui fait
monter autre chose chez lui que la cote. Qu’il soit country, bossa
ou disco, l’accompagnement est un poil désaccordé. Toujours.