mardi 5 octobre 2021

LE JOURNAL DU QUINCADO (11) : LESBIEN RAISONNABLE ?

Octobre 2021 – Le Génie Lesbien d'Alice Coffin, lesbien raisonnable ? Quel drôle de bouquin, en effet. En le ramenant de la bibliothèque, je m'attendais à ce qu'il me fasse simplement bidonner, qu'il mitraille de la nawakerie néo-féministe pour le plus grand bonheur de mes zygomatiques. J'ai donc été très surpris d'être plutôt d'accord avec ce qu'il aligne sur environ 190 de ses 230 pages. Pas tout à fait d'accord. Mais, et alors ? Quoi de plus normal, de plus sain même, que de ne pas être d'accord sur tout ? Du moins, tant que l'on débat bien d'une réalité reconnue comme telle, vécue comme telle.


Il est ainsi beaucoup question de journalisme dans ce livre. Coffin explique longuement ce qui dysfonctionne selon elle dans le journalisme français. Il y a des points pertinents, des pistes intéressantes et puis, des choses plus suspectes. Je ne suis ainsi pas du tout certain que lorsque la rédaction finale du site 20 Minutes zappe dans un article sur l'émission télévisée Fort Boyard un paragraphe sur l'homosexualité d'Olivier Minne, cela relève de l'invisibilisation des homosexuels et pas plus simplement du « hors sujet ». Reste qu'au bout du compte, nous sommes d'accord sur l'essentiel : le journalisme, surtout français, pédale grave dans la semoule. Un mauvais exemple pour illustrer l'évidence ou des idées différentes au moment d'envisager des solutions n'y change rien. C'est une réalité commune. Nous pouvons dès lors en discuter.


Comme nous pouvons discuter l'idée que la culture strictement lesbienne semble toujours déranger autant de monde et que l'outing de personnalités homosexuelles peut s'avérer d'utilité sociale. Comme nous pouvons être d'accord sur le fait que les soirées au Pulp, c'était vraiment super, et que la neutralité journalistique est un concept complètement biaisé depuis toujours. Là aussi, à la base, des réalités indéniables. Réalités qui se transforment malheureusement en cabrioles au dernier chapitre, le plus virulent. « La Guerre des Hommes », vraiment ? « Les Hommes mènent une guerre permanente contre les femmes et tentent de le dissimuler » ? Bertrand Cantat, « un héros célébré de la guerre des hommes » ? La Ligue du LOL et Roman Polanski, même logique patriarcale ? #NotAllMen = « une sommation de ne pas généraliser qui verrouille les paroles publiques » ? Asia Argento, un exemple inspirant ?


WHAT THE FUCKING FLYING FUCKING FUCK, Alice Coffin ?


Parce que là, ce n'est plus une réalité partagée et ce n'est plus juste une opinion. C'est présenter comme seul valide un autre monde que celui dans lequel je vis. Un cartoon paranoïaque, un remake de Matrix avec des hétéros blancs de 50 balais dans le rôle des pieuvres mécaniques. C'est un type de délire à la Zemmour, aussi. Chez le gargamelesque nabot, 1 milliard de Musulmans, c'est 1 milliard de voleurs de mobylettes et de fraudeurs sociaux. Chez Alice Coffin, 4 milliards d'hommes sur Terre, c'est au pire une majorité de cogneurs et de violeurs et au mieux, une conspiration planétaire qui se serre les coudes pour qu'aucune femme ne dépasse jamais un salaire de 1500 balles. Tous salauds, sauf Papa (je ne déconne pas, elle le précise vraiment!) ! Alors, #NotAllMuslims, c'est évident, mais #NotAllMen, ce serait juste la propagande du Patriarcat? 4 milliards d'hommes, une obsession unique : baiser, cogner, humilier? Et là, moi, je dis non. Comme je dis non à la Terre Plate, aux chemtrails, à Trump, à Thierry Casanovas et à toute personne qui m'a l'air d'avoir un peu trop basculé dans la Twilight Zone. Pas la peine de discuter si la réalité est niée ou réinterprétée. Pas la peine de chercher à m'éduquer, à me faire gober une pilule rouge, à me déconstruire. Autrement dit, chercher à m'imposer la validité d'une réalité à laquelle je ne crois pas du tout et qui conditionnerait pourtant toute discussion ultérieure. Encore autrement dit, la parole de Dieu, le Suicide Français, ce que nous cache la NASA ou le Génie Lesbien, pour moi, c'est kif-kif . C'est entrer dans "une zone où l’imagination vagabonde entre la science et la superstition, le réel et le fantastique, la crudité des faits et la matérialisation des fantasmes." 


Ti di didi ti di didi ti didi didi didi... 




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samedi 25 septembre 2021

LE JOURNAL DU QUINCADO (10) : LEGALIZE IT !

 


Septembre 2021 - Apprenant hier soir que Bac Nord était disponible sur Netflix-Belgique, j'ai lancé le film quelques heures plus tard, des fois que ça me donnerait du grain à moudre pour une chronique pro. J'étais aussi curieux de voir à quoi pouvait bien ressembler un film « politiquement irresponsable », que Le Pen et Zemmour ont l'air de considérer documentaire. Je n'en savais pas grand-chose de plus, n'ayant suivi de la polémique que les gros titres, sans ne jamais lire les articles en-dessous.


J'ai trouvé le film plutôt con mais pas mal, même assez bien foutu pour une production française. Tendu, direct, assez bien branlé. La scène centrale, quand les flics viennent chercher la schnouffe dans la cité, est plutôt cool, même si elle reste aux scènes similaires notamment vues dans The Raid, Tropa De Elite et True Detective ce que IAM est à Public Enemy. Il y a des passages marrants, aussi. Des dialogues pas trop mauvais. C'est assez mal joué mais ça va. Un film de dimanche soir, quoi. A voir (ou pas! Ce n'est pas immanquable du tout!) les neurones dans les pantoufles.


Comme déjà dit souvent, j'aime bien les flics abusifs au cinéma. Tout comme les films de fin du monde, alors que je préférerais de loin mourir dans mon vomi à 85 ans après l'osso buco de trop plutôt que de traquer des rats mutants pour les grignoter après l'apocalypse nucléaire. Pour les distraits : oui, on peut donc apprécier de voir à l'écran des choses que l'on estime inacceptables dans la réalité! C'est le pouvoir du divertissement et de la fiction.


Autrement dit, je n'en ai rien à foutre du racisme supposé ou de la violence gratuite de Bac Nord. Déjà, c'est un putain de polar et un putain de polar a généralement pour putain de vocation de grossir le putain de trait. Dans un putain de polar, même une putain de concierge qui sort ses putains de poubelles avant l'heure symbolise la décadence sociale et le laxisme étatique. Dans un putain de polar, j'estime donc que l'on peut très bien se servir du racisme sans que l'on soit raciste, ne fut-ce que parce que le concept même du racisme dope considérablement la tension nécessaire à l'ambiance de merde d'un putain de polar.


Devant Bac Nord, je vois donc uniquement de la fiction. Du cinéma. Des ficelles, grosses et grasses. Je pense dès lors que si Bac Nord fait à ce point polémique et que des journalistes plus militants que cinéphiles s'acharnent dessus, c'est parce que c'est un film qui ne semble pas comprendre ou vouloir comprendre quel est son problème et donc en discuter ouvertement. Or, je pense que celui-ci est simple. Pour fabriquer du cinéma plaisant et populaire, une équipe de cinéma a tricoté une fiction assez clichetonne en s'inspirant, mal, d'une réalité non seulement explosive mais pas assez transformée. La grosse maladresse de Bac Nord, c'est dès lors de sembler donner un point de vue tranché sur une affaire bien réelle et non pas juste s'en inspirer vaguement pour raconter autre chose. Ce qui me semble pourtant être le cas. 


Devant Bac Nord, je n'ai en effet jamais  pensé à la réalité sociale marseillaise ou au scandale véritable de la Bac Nord, il y a 10 ans. Ca m'a plutôt évoqué beaucoup d'autres films. Ca m'a donc surtout semblé être un film de cinéaste français plutôt moyen mais qui essaye de tourner à l'américaine, à la brésilienne, à la coréenne. Un film de gusse qui se fait plèze en moulinant un polar français qui ne ressemble pas à un épisode un peu gonflé de Navarro et ne donne pas le rôle du commissaire à Gérard Depardieu. Un truc qui cherche à se distinguer et, vu sa présence sur Netflix, aussi à se choper le public mondial,  tout comme la série Lupin.


My 2 cents, c'est que je pense donc que c'est un film de gens de cinéma qui n'ont pas compris que dans le monde actuel, il pouvait s'avérer explosif de filmer une banlieue comme d'autres ont filmé The Purge ou City of God, et de s'inspirer d'un scandale qui rend complètement toupie l'extrême-droite depuis 10 ans. Il aurait suffi de changer quelques détails, de transposer l'histoire 10 ans dans le futur et sans doute que ça passait crème... Alors, oui, peut-être que je me trompe et qu'il y a vraiment une volonté de foutre sur la place publique de la merde de nature à électriser Zemmour. Je n'en sais rien mais je ne le crois pas. Disons dès lors que j'opte pour la maladresse et le jemenfoutisme politiques, et que l'on ajustera plus tard si cela devait s'avérer un poil trop naïf de ma part. 


Ce qui ne change pas grand-chose au fait que Bac Nord n'est jamais que l'histoire de trois flics aussi volontaires que naïfs qui se font royalement entuber dans une situation qui les dépasse complètement. Dans ce film-ci, ça se passe à Marseille dans le cadre de la répression de la criminalité dans les cités mais des films racontant une histoire assez semblable, on en connaît qui se passent aux Etats-Unis et au Mexique dans le cadre de la guerre contre la cocaïne, au Moyen-Orient dans le cadre de la guerre contre le terrorisme et il doit même en exister qui se passent au Luxembourg dans le cadre de la guerre contre le blanchiment d'argent. Alors, sérieux, ce demi nanar : est-ce vraiment un pamphlet qui inviterait le monde politique à prendre ses responsabilités et à nettoyer les cités au karcher ? Ou juste un gros défouloir de série B, une énième version de la vieille fable des mecs qui se crament à force de vouloir bien faire, après avoir basculé peut-être pas totalement du côté de la Dark Side, mais très certainement dans l'illégalité ?


Tout ça pour un combat pas si héroïque et moral que ça. 


Et dont on connaît toutes et tous la seule bonne solution politique pour y mettre fin :


LEGALIZE IT!


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mardi 21 septembre 2021

MEDOR, LE CDJ & MOI  (communiqué officiel)

 

Il y a 2 ans, j'ai porté plainte au Conseil de Déontologie contre le magazine Médor et son journaliste Olivier Bailly, suite à un article en mode « Ligue du LOL made in Belgium » que j'estime toujours vraiment très problématique sur bien des points et qui aurait pu me faire éjecter de toutes les rédactions pour lesquelles je bosse.


Cette semaine, le CDJ a rendu son verdict : pour eux, cette plainte est non fondée.


Sans pour autant juger du fond, -si les accusations reprises dans l'article à mon égard sont pertinentes ou non, ce qui n'est pas de son ressort-, le CDJ estime donc que le travail d'Olivier Bailly ne présente pas de souci déontologique.


Ce n'est évidemment pas mon avis.


Du tout.


Pas plus que ce n'est l'avis de nombreuses personnes travaillant dans le journalisme et les médias qui ont eu accès à une vue plus globale de ce dossier. Cocasse : même un ennemi notoire actif à Reyers, dont je me suis foutu de la balle durant des années - exactement ce que me reproche Médor, donc - m'a avoué considérer cet article d'Olivier Bailly comme « de la merde ».


Ce sont ses mots. 


L'avis du CDJ serait-il donc biaisé ? Possible.


En tous cas, trois personnes au moins, dont surtout Martine Simonis et David Lallemand, auraient pu avoir la décence de se récuser du Conseil au moment de juger un dossier qui implique certaines de leurs grandes amies notoires.


Reste que cela ne change rien pour moi. Vraiment rien.


Dans ces personnes qui ont jugé cet article tout aussi problématique que moi, on en retrouve en effet qui me payent pour écrire. Cette année, cela fait d'ailleurs tout rond 25 ans que l'on me paye pour écrire. Je vais avoir 52 ans, je suis freelance, il me reste donc à priori au minimum 15 autres années à tirer dans ce qui est devenu un métier, dont le persiflage peut faire partie. Faudra s'y faire... 


Sinon, il se fait aussi que la plainte à la police évoquée dans le papier de Médor a visiblement été classée. Cocasse, là aussi : l'Inspecteur qui m'avait convoqué pour une audition ne m'a pas présenté les griefs retenus tels que Médor les décrit dans son article.


Bref, dans ma vie professionnelle et judiciaire, cette affaire n'en a jamais vraiment été une.


En 2019, elle fut définitivement réglée en quelques réunions, en quelques discussions téléphoniques et en 7 minutes chrono à la police.


Je ne fanfaronne pas.


Je n'avance pas du tout que j'en suis sorti victorieux et sans égratinure.


Mais il y a 2 ans, après m'être retrouvé bien seul face à un tsunami de merde qui aurait pu m'enterrer vivant, j'ai finalement été écouté, compris et soutenu plutôt que lâché. Merci encore aux personnes concernées, qui se reconnaîtront. Merci de m'avoir permis de retrouver pied et de prendre du recul plutôt que d'être lâché dans la nature en mode revanchard, bestial et furieux.


Aujourd'hui, le vent a un peu tourné. Chez certaines personnes impliquées, des méthodes pas du tout jouasses et un fond de commerce victimaire sont devenus flagrants. De nouvelles inimités se font faites. Aujourd'hui, tout le monde a bien compris que l'entre-soi médiatique, les chevaliers blancs, la croisade intersectionnelle, les fans de #SalePute et moi n'avons rien en commun, pas même une perception identique de ce qu'est la réalité environnante.


Aujourd'hui, je ne ressens donc pas le besoin de rétablir une vérité, ni de défendre ma réputation, parce que je n'ai qu'un mépris gigantesque pour celles et ceux qui s'évertuent à continuer de sous-entendre que je suis coupable de harcèlement moral sur des femmes journalistes et que le fait que j'ai obtenu ce soutien dont je parle est la preuve qu'existent des boys clubs dans les rédactions citées.


Aujourd'hui, je pense qu'il est clair pour toute personne dotée d'un minimum de jugeotte, y compris de vieux ennemis donc, qu'avec un peu plus de recul et de fact-checking, on peut simplement considérer le fond de ce dossier comme un tissu de gamineries qui ne méritait certainement pas un article dans la presse. Encore moins d'être inclus dans un dossier présentant des comportements potentiellement criminels.


En 2019, j'ai convaincu celles et ceux à qui je devais légitimement des explications.


En 2021, je me fous complètement de convaincre qui que soit d'autre.


Ce n'est pas tous les jours faciles de vivre avec une réputation exécrable.


Mais dans la réalité où je vis, c'est moins un boulet qu'un très bon filtre à cons.


Never forget, never forgive.


But life goes on...



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mercredi 1 septembre 2021

LE JOURNAL DU QUINCADO (9) : SANS PANTALON!

 

Septembre 2021 - Beaucoup de ce qui fait aujourd'hui le plus sérieusement du monde débat sur les réseaux sociaux, comme les réunions en non-mixité choisie, les questions de genre et la folle fixette sur tout ce qui serait systémique et oppressif dans notre société, a jadis fait l'objet de sketchs. Monty Python's, Snuls, Nuls, Inconnus, Saturday Night Live, Guignols de l'Info, 0SS 117... Je n'évoque pas ici le souvenir de comiques obscurs ou seulement appréciés des réacs, genre Marsault ou même Bill Burr quand il en rajoute des caisses dans la provoc, mais bien de grands classiques de l'humour et des punchlines restées célèbres (« c'est mon identitéééé ! »). Une rigolade qui se (re)trouve très très facilement sur You Tube, fort bien documentée et encore dans beaucoup de mémoires. Des trucs pas si anciens, certains même vus et revus. Alors, vous, je ne sais pas, mais moi, au moment de prendre la parole dans un cadre politique ou sur un podcast « engagé », d'écrire un article destiné « à faire bouger les lignes » ou même de simplement lâcher mon petit avis sur Twitter, il me gênerait quand même beaucoup que ce que je déblatère puisse être assimilé, quasi au mot près, à une déconne de John Cleese ou de Stéfan Liberski d'il y a 20 ou 40 ans. J'en serais carrément honteux. Plus honteux encore que d'avoir oublié de mettre un pantalon au moment de prendre le tram, comme cela arrive dans certains rêves tourmentés.


C'est d'ailleurs exactement pourquoi un certain discours autoproclamé progressiste ainsi que beaucoup de points soulevés par le féminisme post-moderne me gênent. Ce n'est pas que j'y sois totalement hostile, encore moins que je me sente menacé dans mon intégrité de quinqua cis quand des trentenaires prétendues queer estiment devoir m'éduquer à l'inclusivité. Leur trip crypto-sectaire ne tient pour moi pas d'une révolte, encore moins d'une révolution. C'est juste une mode identitaire un peu nigaude. Ca leur passera. Il en sortira même sans doute un peu de bon, dès que les déchets seront ramassés et quelques esprits un peu plus mâtures. Peut-être même qu'un jour, leurs déconstructions pour le moment rarement bien construites deviendront aussi pertinentes et marquantes que celles de ces génies rigolards de jadis ? Parce que bon, c'était drôlement comique, Life of Brian, mais ça promeut surtout une attitude qui reste 40 ans plus tard très salutaire face aux envolées idéologiques, aux dogmes, aux croyances, etc... Or là, on n'y est pas du tout et c'est bien ce qui est gênant : voir une nana à lunettes de première de classe de 1984, cheveux bleus et tatouages de moineaux, tenir un discours enflammé qui se prétend descendre de Simone de Beauvoir ou de James Baldwin alors qu'il décalque sans le savoir trois minutes carnassières et caricaturales des Monty Python's peut être très comique la première fois, mais ça n'en donne pas moins à la longue surtout l'impression de voir continuellement quelqu'un sortir en rue sans pantalon.


Cette vision m'est venue après m'être gondolé comme une andouille des heures et des heures suite à un thread sur Twitter où une jeune journaliste intersectionnelle, en plein trip « éducatif », compare très sérieusement les réunions féministes en non-mixité choisie aux Blanc-Moussis, une confrérie folklorique toujours interdite aux femmes. Ca m'a évidemment d'abord fait fort marrer parce que ça rappelle justement ce fameux sketch des Snuls (1990, je pense) où les enfants de Gilles de Binche ne veulent plus enlever leurs chapeaux à plumes en classe. Ensuite, vu que je continue de croire à l'évolution naturelle des mentalités, je me suis posé une question que je pense assez évidente : combien de temps encore avant que l'on n'ouvre justement ces confréries toujours essentiellement masculines aux femmes, à fortiori quand il s'agit de folklore masqué et déguisé où s'effacent l'identité et le genre (même si c'est plutôt phallique, un Blanc-Moussi...) ? Quel Grand Motoul doit prendre sa retraite ou commencer à grignoter les pissenlits par la racine pour que sa succession ne décide que la non-mixité, c'est quand même pas mal ringard, au XXIème siècle ? Autrement dit, est-ce que les réunions féministes en non-mixité choisie n'iraient pas tout simplement à contre-sens de l'évolution naturelle des choses ? 


Sans pantalon, évidemment...



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dimanche 30 mai 2021

SMART & SMARTER (3)


La SMART est ce que l'on appelle un bureau social pour artistes. C'est le plus connu de Belgique. Le plus gros, surtout. Sur Twitter, la SMART se vante de 25 000 sociétaires et 200 000 contrats par an. C'est énorme, tellement énorme que cela invisibilise pour ainsi dire totalement les autres services du genre disponibles sur le marché. Qui ne sont pas nombreux, cela dit : en cherchant un peu, on tombe principalement sur l'asbl Merveille à Chièvres, que l'on pense parfois disparue mais existe toujours, ainsi qu'Amplo, plutôt flamand, mais qui a des agences à Bruxelles, Liège et Charleroi. Une autre structure flamande est souvent citée : Tentoo, basée à Anvers. Les infos sur le net à son sujet sont minimales et il semblerait d'ailleurs que Tentoo fasse désormais partie de la chaîne d'agences de travail intérimaire ASAP (quelques bureaux à Bruxelles et en Wallonie). Quoi qu'il en soit, durant les dix années à prester via la SMART, j'ignorais cela. Je n'avais même jamais entendu parler d'Amplo. J'ai donc toujours considéré la SMART comme proche d'un monopole de fait. Ce qui instaure selon moi une dépendance assez malsaine. En effet, dans une telle configuration, quand je trouve inacceptable une pratique de la SMART, je fais quoi ? Et bien soit je gueule, ce qui avance à rarement à grand-chose ; soit, je la ferme, estimant que mieux vaut gagner un peu moins de sous que pas de sous du tout. Ou alors, je m'embarque dans un combat social donquichottesque mais il faut un penchant naturel pour ça. Que je n'ai pas. Bref, il y a quelque-chose de frustrant mais surtout de faustien quand on signe avec la SMART.


Je ne pense pas exagérer en écrivant cela. Aux premiers abords, la SMART séduit mais quand on fait analyser son fonctionnement par des syndicalistes, des représentants de l'ONSS, de la TVA et du fisc, ainsi que par des journalistes spécialisés, les critiques acerbes ne tardent pas à fuser. Cette année, un long papier du journaliste Eric Walravens, depuis en lice pour le Prix Belfius, a ainsi fort bien démontré toutes les ambiguïtés d'une structure qui surfe depuis toujours sur les bricolages juridiques et les tentatives de changer les législations par le fait accompli. Comme expliqué dans l'article : « en 2021, Smart joue un rôle actif : en salariant beaucoup de véritables artistes, mais aussi des architectes, des poseurs d’ongles ou encore un promeneur de chiens. On découvre même un héritage transformé en statut d’artiste. Après quelques années, ces abus sont de notoriété publique. Retour de bâton : la législation est durcie pour limiter le bénéfice du statut aux véritables artistes. Certains d’entre eux ne pardonnent toujours pas à Smart d’avoir contribué indirectement à leur serrer la vis. La volonté de Smart d’optimiser au mieux ses revenus et ceux de ses membres, parfois à la limite de la légalité, la place régulièrement dans le collimateur des autorités. En 2016, un contrôle de l’Inspection spéciale des impôts, qui reproche à Smart de faire glisser ses bénéfices astucieusement entre ses entités, aboutit à un sérieux redressement, que Smart parvient à négocier à la baisse. Les contrôles TVA récurrents se sont aussi soldés par d’importantes amendes (…) En 2017, le fisc a disqualifié complètement le système de mise à disposition de matériel, grâce auquel Smart permettait à ses membres de soustraire certains revenus à l’impôt et aux cotisations sociales. »


« Avec cet article, je n'ai pas voulu flinguer Smart, s'est expliqué Walravens sur Facebook, mais plutôt donner des outils de compréhension aux lecteurs, et en particulier aux membres de cette "entreprise partagée" que Smart entend être. Afin qu'ils puissent mieux participer à la gestion, puisqu'on leur dit qu'elle est la leur. » Ca, c'est depuis que la SMART est devenue une coopérative, il y a 4 ans. Le langage s'est depuis 2017 bien trempé dans ce lyrisme sauce start-up nation, « raëllien » même, ai-je coutume de plaisanter. Je n'ai toutefois pas suivi cette refonte avec beaucoup d'attention parce que je m'en carre complètement, en vrai. Moi, quand je suis dans une situation de merde et qu'on me présente une solution même branlante, je ne chipote pas, je ne fais pas la fine bouche. Je ne lis pas ce qui est écrit en tout petit sur la paperasse. Je veux écrire et me faire publier, il existe des agences pour rendre cette activité légale et fiscalement acceptable, okay, ça me suffit. Le charabia de kibboutz m'indiffère d'autant plus que vu ce que la SMART pompe comme pourcentage sur un contrat, ça en fait pour moi un service payant. A MON service, sans rapport hiérarchique, donc. Dès lors, si je vous présente un problème, vous y trouvez une solution mais si je vous présente un problème simple et que vous m'embrouillez pourtant le citron de façon complètement fantasque, ça ne va forcément pas le faire.


D'où cette année deux engueulades en un mois à peine avec du personnel de la SMART. La première pour une erreur manifeste et finalement, au bout d'un quart d'heure de cirque, pleinement reconnue. La seconde suite à une nouvelle obligation très discutable et dont je n'ai toujours pas d'explication satisfaisante. Or, comme au kibboutz raëllien, évoquer l'incompétence en s'énervant, c'est insulter, je me suis donc vu EXCLURE de la coopérative, ce que je ne savais même pas possible, au motif que « toute collaboration avec nos équipes est désormais devenue impossible ». Ce que je ne conteste pas, vu que c'est manifeste : peu importe le ton, une question légitime "non répondue" reste une erreur de la part d'un tel opérateur. Je n'en démordrai pas, même sous la torture et condamné au bannissement à vie, non mais allô quoi. Dans toutes mes questions sans réponse, il y en a d'ailleurs une à 90, 120 ou 150 euros. Je ne sais pas et c'est justement un problème que je ne sache pas, vu que c'est la somme totale de ma participation sociale (obligatoire) à la coopérative. Je n'ai plus accès à mon compte, ni à mes dossiers, et je ne connais donc pas le montant exact. Or, il me semble qu'un sociétaire exclu d'une coopérative est censé récupérer ses parts sociales. Réponse : pas avant juin 2022, quand l'exercice fiscal 2021 sera terminé et qu'un CA aura analysé les pertes et les gains. Fuck you very much mais ça nous fait combien ? Aucune idée, donc. J'attends toujours la carte postale... Pas lourd,  de toutes façons, quelque part entre 90 et 150 euros. Pas de quoi secouer un avocat, donc. Reste que cette magistrale détente du gland illustre pour moi pleinement le souci d'une SMART totalement en roue libre. C'est une connerie anecdotique bien sûr, mais les conneries anecdotiques accumulées à ce que dénoncent Eric Walravens et les syndicalistes dans leurs articles, ainsi qu'à plein de trucs qui me reviennent aux oreilles ou par écrit, font qu'il est indéniable qu'il y a quelque-chose de bien pourri au Royaume du Danemark smartois.


Une bonne grosse ambiance de merde qui fait qu'au premier échelon, celui de l'utilisation basique du service, il existe en fait une menace constante de couacs administratifs vu non seulement l'incompétence de pas mal de conseillers et conseillères mais aussi des aventures juridiques et éthiques menées à un échelon plus élevé et moins public, mis en lumière par des journalistes comme Walravens. Si l'ONSS resserre la vis suite à une connerie, par exemple, c'est toute la structure qui éternue. Le risque d'un conflit est aussi constant, certes souvent de basse intensité, avec les gestionnaires de dossiers. Un musicien m'a ainsi écrit que pour la SMART, « c'était absolument inconcevable que lorsque l'on gagnait des sous sur un concert, on se paie avec une partie mais qu'on en garde une autre de côté pour payer les studios à venir. » Il a du batailler pour faire admettre ça, ce qui selon lui « pour une société qui s'occupe à la base majoritairement d'artistes » est tout de même assez problématique, « pas en phase avec la réalité ». J'ai reçu d'autres témoignages du genre estomaquant, notamment ceux de personnes ayant acheté avec leurs fonds propres du matériel facturé par la SMART et qui, depuis qu'elles ont quitté la coopérative de leur plein gré pour devenir pleinement indépendantes, se sont en fait vu obligées de racheter ce même matériel, puisque la SMART en est restée légalement propriétaire (Correct Me If I'm Wrong !). Bref, we got a stinker!  


C'est tout pour le moment. A priori, ça se termine ici pour moi, sauf si je devais traverser de nouvelles tribulations administratives mirobolantes ou obtenir des témoignages encore plus chaud-boulette au standard (pour me joindre : mon prénom. Un point. Mon nom. Arobase. Gmail.com. Le tout en minuscules.) Je remercie sinon la SCAM, l'asbl Iles et les personnes m'ayant contacté pour leur aimables réponses à mes questions. 


We shall overcome. 


Someday.


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mercredi 26 mai 2021

SMART & SMARTER (2)

C'est après avoir lu un article sur le site de l'AJP, l'association des journalistes professionnels, que je me suis mis à utiliser les contrats intérimaires de la SMART. Cette offre de service me semblait la plus adaptée à mon boulot freelance et l'AJP la recommandait donc. Accessoirement, c'est aussi le système qui générait le moins de paperasse. Peut-être bien que j'y perdais quelques euros mais cette facilité logistique me convenait et, de toutes façons, je n'ai jamais eu à ce sujet le moindre conseil, ni une seule remarque, de la part des conseillers et conseillères de la SMART. J'ai donc opté pour ce qui me semblait le plus simplet et c'est devenu une routine.


Le premier gros couac date de 2014, trois ans après mon inscription. Il m'avait alors été proposé par un organisme culturel de premier ordre de me charger d'une série de longues interviews de groupes musicaux belges, dans un but promotionnel mais libre de ton. Un job cool, plutôt correctement payé, et aussi « journaleusement correct », donc. Pour la facilité de la démonstration, mettons que l'on m'avait proposé 1000 balles bruts par interview. Le truc, c'est que cet organisme commanditaire n'était pas assujetti à la TVA et n'était légalement pas tenu de la payer. Le détail juridique m'échappe mais je pense que ce client dépendait soit d'un ministère, soit d'un organisme à vocation sociale. De toutes façons, comme il s'agissait d'un travail journalistique, on aurait pu en exonérer la TVA, comme c'est permis par l'article 44 alinéa 3 du Code. Sauf qu'à l'époque, la SMART ne voulait pas entendre parler de ça. Ce n'est que depuis peu qu'elle accepte une TVA à 0%, pour toutes sortes de jobs. De sa création en 1998 jusqu'il y a peu, elle refusait par contre totalement de laisser tomber la TVA. Y compris quand la réclamer ne relevait pas seulement du zèle administratif mais carrément de l'erreur grossière aux détriments de ses utilisateurs. M'est ainsi revenu aux oreilles le cas ahurissant de quelqu'un qui tient des ateliers d'écriture depuis plusieurs années mais à qui personne de la SMART n'a jamais pensé signaler qu'il n'y pas de TVA applicable sur ce type de boulot à vocation strictement sociale. Correct me if I'm wrong ! (Correction apportée le 27/05/21 : anecdote mal rapportée et faussée. Ne pas en tenir compte, donc).


Et donc, en 2014, si je voulais que la facturation de ce fameux boulot « institutionnel » pépouze passe par la SMART, celle-ci insista beaucoup pour que soit l'organisme paye les 1000 euros brut discutés + 21% de TVA ; soit que j'entre ces 21% de TVA dans les 1000 balles bruts discutés. Autrement dit, soit je négociais - sans pourtant en avoir la moindre légitimité et encore moins le poids nécessaire – afin de parvenir à faire raquer 210 balles de plus à un client n'étant pas légalement tenu de payer ce genre de taxe, soit je rabaissais mon brut à 790 euros (1000 – 21%). Tout en permettant à la SMART d'utiliser éventuellement ces 21% de TVA. J'ai trouvé ça scandaleux. J'ai gueulé et pas qu'un peu. Sans le moindre succès et en passant même dans leurs couloirs pour un très gros con. Finalement, j'ai refusé ce job plutôt que d'accepter de me faire enculer de la sorte, ce qui m'a bien entendu fait davantage gueuler. Quelques années plus tard, j'ai toutefois du ravaler ma fierté et mes principes. Quand j'ai commencé à travailler pour le magazine Larsen, qui dépend du Conseil de la Musique, si je ne m'abuse autre organisme légalement non soumis à la TVA, j'ai du me résoudre à entrer à chaque contrat les 21% de TVA dans l'honoraire brut. Sans quoi je n'aurais jamais travaillé pour Larsen. Or, j'aime travailler pour Larsen. Et ça fait maintenant des années que je travaille pour Larsen.


Bien entendu, la SMART se défendra en disant que c'est de la faute de Larsen : honoraires inadaptés, insuffisants à une transformation en salaire horaire correct, etc... N'empêche qu' à chaque paiement de la SMART suite à une collaboration avec Larsen, ce qui me fait le plus mal au cul, ce n'est pas le tarif au caractère d'un article proposé par Larsen, pas lourd mais convenable, c'est la différence entre le montant sur la commande et ce qui se retrouve versé sur mon compte. Et non, mille fois non, les législations sociales belges en vigueur et la fiscalité locale n'expliquent pas complètement ça ! La SMART, par un bouche à oreille savamment entretenu, s'est il y a plus de vingt ans fait connaître comme solution idéale pour les journalistes non salariés et non désireux de devenir pleinement indépendants. Pourquoi dès lors n'avoir jamais pensé à développer des outils plus bénéficiaires aux pigistes que ces contrats intérimaires types qui leur grillent pas mal d'euros à chaque validation ? Pourquoi avoir attendu tant d'années pour instaurer la possibilité d'une TVA à O%? Pourquoi, à la SMART, coupe-t-on toute discussion quand on le fait remarquer ? Pourquoi ce régulier  « si vous n'êtes pas contents, allez voir ailleurs ! » qui m'a été admonesté maintes fois mais aussi rapporté par de multiples sources ? Sans que l'on ne conseille jamais où aller voir, d'ailleurs... 


Un détail encore, dont je ne mesure pas vraiment l'importance en écrivant ceci : j'avais en fait quasi oublié ce premier accroc avec la SMART. 2014, c'est loin. Je me souvenais bien du client impliqué et d'une histoire de TVA mais sans plus et j'étais sinon totalement incapable de dater l'anecdote. C'est en fait un courrier recommandé de la SMART daté de mai 2021 et me signifiant la « fin de notre collaboration » qui m'a rappelé plus exactement cette affaire. Dans ce courrier récent, envoyé suite à des engueulades elles aussi récentes, on me reproche en effet texto d'avoir « il y a quelques années » déjà provoqué un « incident » suite à leur « refus d'appliquer une TVA de O% ».


Ce qui signifie en fait deux choses : soit quelqu'un de la SMART s'en est souvenu et a cru utile d'en faire mention dans le cadre du litige actuel, ce que je trouve personnellement assez gnangnan... Ou alors la SMART a des petits côtés STASI, et garde des dossiers sur ses « collaborateurs », où sont notés leurs écarts de comportements et de langage quand se présente une mésentente. « J'ai du apprendre à me battre avec eux sans les froisser », m'a écrit un musicien. Le problème étant que ça se froisse très vite. Sans jamais admettre que leurs erreurs foutent les gens qui les subissent dans la merde et provoquent donc des colères légitimes. A ce jour, j'ai déjà reçu trois messages aussi consternants que crédibles, m'expliquant quelques couacs de la SMART depuis que j'ai lancé cette série de billets, le vendredi 21 mai 2021. Continuons!


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vendredi 21 mai 2021

SMART & SMARTER (1)



Je me suis affilié à la SMART fin 2011, lorsque celle-ci se présentait encore comme un simple secrétariat social. Je suis en train de m'en faire exclure 10 ans plus tard, là, maintenant, depuis mai 2021, alors que la structure se gargarise pourtant désormais d'être une coopérative ayant pour vocation de « développer ses services aux freelances, sans rien céder sur la protection sociale de ces travailleurs. » Je ne conteste pas les raisons de cette exclusion, à savoir un comportement de ma part jugé « inadmissible ». En clair, je me suis engueulé avec différentes conseillères et une directrice, suite à des erreurs répétées relevant selon moi de la simple incompétence mais aussi suite à des choses que j'estime drôlement plus problématiques. Il me semble donc utile de préciser d'entrée de jeu que ceci n'est pas du tout revanchard. Je ne l'écris pas pour sublimer une frustration personnelle, ni pour me foutre publiquement de la tronche de gens envers qui j'aurais désormais une dent. J'estime mes colères légitimes, justifiées et je les assume pleinement. J'en assume aussi totalement les conséquences. Je ne cherche donc pas à réintégrer la SMART en tentant de provoquer ici un bad buzz qui l'obligerait à négocier. Ces méthodes ne sont pas les miennes. Je n'aurais à vrai dire même jamais pensé faire un fromage de tout cela si ce qui n'était au départ qu'une anecdote personnelle sans grand intérêt (« Même de la SMART, ce gros gueulard de Serge parvient à se faire virer !!! »), ne s'était transformée au fil des jours, des courriers, des lectures et des réflexions en sujet davantage digne de l'intérêt général.

Au moment d'écrire ceci, je me suis en effet rendu compte que je désirais en réalité être plus viré de la SMART que celle-ci ne m'estime viré ! Il y a quelque-chose de très kafkaïen dans ce que la structure me fait subir depuis quelques semaines : l'accès à mes outils de gestion m'est interdit mais il m'a malgré tout été proposé de rester sociétaire de la SMART et même d'en devenir client (de proposer du boulot à d'autres collaborateurs, donc). Je n'ai plus accès à mon compte, ni à mes dossiers, ne sachant donc ni récupérer les coordonnées administratives de mes propres clients, ni surtout le montant exact de mes parts sociales, mais malgré tout, si je veux vraiment être exclu de la coopérative, je dois en faire la demande à un autre service que la direction opérationnelle avec qui j'ai été en contact puisque là, il s'agit juste d'une décision de « fin de collaboration», vu que la façon dont je m'emporte rend toute « collaboration impossible » (mais, si je le voulais, on me permettrait donc toujours de participer aux AG !). Quant aux parts sociales, je n'ai pas à m'inquiéter : elles me seront reversées... un jour. Après juin 2O22, de toutes façons, vu qu'il faut d'abord que j'entre une « demande de sortie de sociétariat » qui « donnera lieu à un traitement au moment de la clôture des comptes de l'exercice 2021, à savoir en juin 2022 ». Hein ? Quoi ? C'est comme ça, inutile de discuter ! Précision utile : je n'ai pas le souvenir si on parle ici de 90, de 120 ou de 150 euros mais ce n'est assurément ni moins, ni plus. Bref, ça chipote. Et quand ça chipote à ce point, la tête de lard que je suis se pose des questions et là, en l'occurrence, les questions auraient comme tendance à davantage titiller ma fibre journalistique que mon système nerveux pas fort commode.

Déjà, est-ce bien éthique pour une coopérative sociale d'instaurer un rapport hiérarchique de fait et de refuser à un travailleur précaire des outils sociaux en pleine crise économique et en pleine pandémie, sans évidemment lui conseiller la moindre alternative ? Qui et où sont ces alternatives ? Combien de gens la SMART vire-t-elle par an ? Le peut-elle vraiment ? Pour quelles raisons ? Et puis tant qu'à élargir l'angle : pourquoi la SMART a longtemps refusé l'exonération de TVA ? Quels sont ses rapports avec l'ONSS ? Pourquoi trouve-t-elle insultant qu'on la considère comme un service payant, aux frais peu clairs (voir un récent article du magazine Médor à ce sujet) ? Pourquoi, alors qu'elle s'est pourtant présentée comme solution idéale pour les journalistes non salariés et non désireux de devenir pleinement indépendants, n'a-t-elle jamais pensé à développer des outils plus bénéficiaires aux pigistes que ces contrats qui leur grillent pas mal d'euros à chaque validation ? Pourquoi coupe-t-elle toute discussion quand on lui fait remarquer ? Pourquoi ce désormais systématique « si vous n'êtes pas contents, allez voir ailleurs ? »

Je ne suis pas journaliste social. Ces questions ne m'intéressaient absolument pas jusqu'à ce que je sois forcé de me le poser et que je n'y trouve en fait que très peu de réponses. Je ne comprends rien à la fiscalité, au juridique, aux lois sociales. Je ne sais même pas quelles sont les bonnes questions à poser. Je ne sais avec aucune certitude pointer là où je pourrais déconner sec et là où je pourrais soulever des points intéressants. Malgré tout, voilà que je me décide donc à lancer sur ce blog une série de billets parlant de la SMART. Je vais plus tard vous expliquer mon cas, partager les questionnements que je me pose. Je vais aussi vous expliquer vers qui vous tourner quand ça coince. Peut-être que l'on coulera donc très vite dans l'ennui, que ça va rapidement tourner en rond. Mais peut-être que cela va au contraire générer sur davantage de longueurs quelque-chose de positif, davantage de perspectives ? Je n'en sais rien. Je sors totalement de ma zone de confort. Sans carte, sans boussole mais avec une volonté de mettre des choses à plat non pas pour apaiser mon nombril mais bien pour aider la collectivité, la Grande Tribu Précaire. Parce que si moi, je suis désormais drôlement plus amusé que consterné par ma propre situation vis-à-vis de la SMART, ce n'est peut-être pas le cas d'autres personnes se posant des questions similaires et ne trouvant pas de réponse. J'en appelle donc aussi publiquement aux témoignages, aux conseils, aux liens, aux syndicalistes spécialisés... Je mets là ma (toute relative) visibilité au service d'une cause qui n'a pas l'air d'être la plus défendue, ni la plus discutée. Alors qu'elle me semble pourtant drôlement valoir le coup que l'on se décarcasse un peu.

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vendredi 7 mai 2021

OPERATION DRACULA!

Il était une fois, sans doute au début des années 2010, quelqu'un pour émettre l'idée amusante que les contes de fées, sous leurs formes les plus récentes (il y a quelques siècles, c'était autre chose, ok!) font l'apologie du viol. Un concept qui fait depuis son petit bonhomme de chemin, devient même peu à peu un véritable "marronnier" dans les médias. En 2017, en Angleterre, une mère de famille s'offusque ainsi publiquement que sa fille soit obligée de lire Sleeping Beauty à l'école et le journal The Guardian lui donne raison, via une carte blanche signée Stephanie Merritt, une autrice de livres pour enfants. S'ensuit une maousse polémique sur les réseaux sociaux, curieusement oubliée aujourd'hui. En 2016, sur un blog universitaire, c'était déjà le baiser du Prince à Blanche-Neige dans le film Disney adapté du conte des Grimm qui était décrié comme relevant non seulement de la culture du viol mais aussi du très mauvais exemple pour les garçons qui essayent de chipoter les filles endormies par l'alcool et la drogue dans les soirées universitaires. Depuis, cette idée qui ne semble traîner sur les Internets que pour que l'on s'en serve afin de générer des foires d'empoignes idéologiques (woke vs boomers) ressurgit régulièrement sur les réseaux sociaux, dans les gazettes militantes et sur des médias de droite. La récupération cynique et clickbait me semble évidente. Mai 2021 : voilà que ça repart pour un tour et aucun des fins esprits impliqués dans le manège n'a toujours l'air de percuter le piège à neurones, le contexte de mème qui traîne, ni que dans le conte, le Prince ne cherche pas à pécho (et qu'il existe aussi des contes où les Princesses embrassent les crapauds sans non plus trop leur demander leurs avis!). Dans Blanche-Neige, ce n'est même pas tout à fait un prince, plutôt un symbole de félicité, la récompense d'une héroïne sinon assez indépendante après bien des tribulations, des abus, l'abandon et la mort. Le dadais représente l'amour vrai et permet à Blanche-Neige le retour à la vie et à la société. Je suis dès lors bien d'accord que l'on peut se désoler que le Prince ne soit au fond qu'un énième Sauveur Blanc. Que Blanche-Neige devienne hippie et reste dans le kibboutz avec les nains aurait, selon moi, eu drôlement plus de panache. Seulement voilà, ce conte a été écrit il y a 200 ans, sur une idée bien plus ancienne encore. Bien avant Easy Rider et bien avant la découverte du Wakanda, donc. Une époque pas très born to be wild. Une époque où ils truffaient autant leurs histoires de représentants de la royauté que Disney ne bourre aujourd'hui de lesbiennes à cheveux mauves les Star Wars et autres Marvel. Peu importe qui réveille Blanche-Neige, donc. Ca peut s'updater. La structure même du conte va chipoter des choses enfouies, mystérieuses, magiques peut-être même. Touchez-y et tout s'écroule. Mais pour le reste, tout est permis, tout peut se réécrire.

Encore que pour le baiser, ça me semble un peu compliqué. Trouver un autre geste magique qui réveille les morts, c'est pas fastoche. Des prières au Petit Jésus ? Sacrifier un petit animal ? Faire jouer un orchestre de Mariachis ? L'odeur du banana-cake dans le four? Chassez ce baiser, il reviendra au galop, d'autant qu'il rebondit sur des ressorts archétypaux et symboliques vieux comme le monde. Des idées mystiques, peut-être même alchimiques, dont on a un peu oublié le sens. Dès lors, aller prétendre que cette scène n'est rien de plus qu'une incitation au viol, c'est prendre un conte ancien au sens littéral sans tenir compte de son contexte, d'où il vient, ce qu'il charrie du fond des âges et des âmes, ce qui en a déjà été retiré, amendé ou rajouté et ce qu'ont pu en expliquer Bruno Bettelheim et Joseph Campbell, entre autres. C'est exiger de se faire entendre dans un dossier que l'on ne maîtrise pas, dont on ne connaît visiblement même que le dessin animé. Ce qui est incroyablement puéril et niais. Narcissique aussi. IRL, qui a envie de rouler des galoches aux cadavres ? Qui va se dire « ho ben, si le keum à Neige-Blanc le peut, zyva aussi. » ? Vous pensez vraiment que ce qui se passe ou non dans un vieux conte de fées va changer quoi que ce soit à ce qui se trame dans les dortoirs des jeunes queutards qui, au XXIè siècle, ont un peu trop forcé sur la codéine, la kétamine, le MDMA, le haschish, la vodka et les bières trappistes ; le tout en moins de trois heures ? Blanche-Neige = fiction, les cocos. IRL, pas de baiser. Elle se verrait plutôt calée un gros Microlax dans le tabernacle l'aidant à vomir sa pomme et se prendrait deux décharges de défribillateur et une piqûre d'adrénaline pure dans le sternum, à la Pulp Fiction. Et puis seulement, l'ambulancier l'inviterait éventuellement à manger un Poké en espérant de la saucisse au dessert mais c'est en fait assez rare, ça. Après l'hosto, Blanche-Neige serait plus probablement seule entre ses murs à maudire La Reine ou sur Tinder à swiper du nain. Refuser de l'admettre, c'est en fait imposer au monde sa version paranoïaque de la vie et des relations. Vouloir convertir à ses propres angoisses. Ce qui est également puéril, niais et narcissique. Et promet surtout un combat militant sans fin. Parce qu'admettons que l'on règle son sort au Prince de Blanche-Neige. On se fait qui, ensuite ? Dracula ?


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lundi 26 avril 2021

LE JOURNAL DU QUINCADO (8)

Avril 2021 – Dans le code de déontologie journalistique, la notion d'intérêt général ne compte pas pour des prunes. Théoriquement, du moins. L'affaire du cycliste des Fagnes, un tweet sexiste ou islamophobe à la con, les pompiers qui matent des films de cul, les restaurants clandestins, c'est de l'intérêt général ? Ca peut, si on s'applique. Ainsi, si j'étais chargé d'écrire un article sur les restaurants clandestins, j'y évoquerais ce que l'on y bouffe, dans quelle ambiance, pour combien, à combien, la logistique, qui y livre et comment, ce que l'on y risque, le kif de l'interdit... Dénoncer l'organisation, les chefs participants et les noms et fonctions exacts des clients ne me viendrait en revanche jamais à l'esprit. Comprendre, ne pas juger, comme disait l'autre. Rester journaliste, pas se transformer en assistant de police, en balance, en procureur ou, pire encore, en justicier. Je vomis vraiment ce journalisme soi-disant citoyen et très à la mode qui ne cherche plus à relater au mieux les choses mais bien à faire tomber des têtes. Ce que savoure le petit public dégueulasse de ces torchons, bien biberonné à Twitter et à cette sale manie de s'indigner de tout et rien non pas parce qu'il y a de quoi mais bien parce que ça donne une image vertueuse d' « acteurice du changement ». En attendant, Pierre-Jean Chalençon n'est toujours pas Richard Milhous Nixon et si mettre en lumière l'existence de restaurants clandestins peut donc relever de l'intérêt général, faire en sorte que son petit papier à la Zorro génère une suite judiciaire et du lynchage sur les réseaux sociaux n'en reste pas moins profondément minable. D'autant que c'est le plus souvent enrobé dans un storytelling à la Marie-Antoinette et sa brioche, touillé pour bien titiller les tentations de justice expéditive : « holala, mais regardez-moi ça, les rupins s'asseyent sur les règles Covid, gnagnagna. Ils festoient tandis que l'on se prive, gnagnagna. » On flatte là les envies de fourches, de flambeaux et de guillotines, les vieilles pulsions révolutionnaires. Sans quoi on parlerait sans doute aussi un peu plus des friteries clandestines et des spagh-bols à l'arrière des bistrots de quartiers. C'est donc moins du journalisme rencontrant l'intérêt général que du populisme de bas-étage servant sa propre lubie socio-politique. Comme quoi, Donald Trump et Mediapart ont plus de points communs qu'on ne le pense.

Un autre storytelling qui me broute bien en ce moment, c'est cette manie de balancer des anecdotes terribles à la tronche de celles et ceux qui tentent de vivre plus ou moins cool en ces temps de pandémie. Les stigmatiser, d'abord : « rassuristes », « irresponsables », « égoïstes », autant dire « connards ». Ensuite, leur balancer des photos de malades en soins intensifs et des histoires de jeunes sans comorbidités décédés étouffés totalement seuls en seulement trois jours. Que le Covid soit une dangereuse saloperie, c'est acté, mais il me semble tout de même tout aussi acté que pour une majorité de gens qui le chopent, ça se limite à quelques jours de pets sans odeur et de nez qui coule. Achtung, je ne minimise rien. Je rappelle juste une évidence : toute maladie de ce type est profondément injuste. Certains en meurent, d'autres en souffrent et d'autres encore s'en sortent avec juste une bouillotte et deux cachous. C'est la vie, c'te pute. Or, je ne vois que peu de traces de cette réalité dans les médias et sur les réseaux sociaux, où tout n'est bien souvent que ruines et désolation. On cherche à responsabiliser le public en l'horrifiant, comme quand on a collé des photos de poumons crasseux et de cancers dégueulasses sur les paquets de clopes. Exactement la même tactique. D'accord, on dira que c'est pour la bonne cause : éviter qu'un système de santé sous-financé depuis des années ne s'écroule définitivement, débordé de toutes parts. N'empêche que là aussi, on joue donc sur les pulsions simplettes : la peur et la psychose mais aussi la colère envers ceux qui ont moins peur. Comme quoi, la com d'urgence des autorités belges et du gouvernement chinois ont plus de points communs qu'on ne le pense.


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vendredi 16 avril 2021

LE JOURNAL DU QUINCADO (7)

Avril 2021 - Une cuite, une seule, depuis le début de l'année. Facebook désactivé et probablement bientôt totalement supprimé. Plus aucun intérêt pour le binge-drinking de communication politique, de journalisme pandémique, de polémiques de plus en plus gorafiques, de wokeries, de racialtrucs, de féminibrols, de Charlie, de pas Charlie, d' islamo-gauchisme, de trolls de droite, de Bouchez, d'Ecolo... Je ne sais pas si c'est la cinquantaine ou la lassitude des vieilles habitudes mais depuis le début de l'année, je m'allège. Marre des gueules de bois. Marre des gueules de cons. Jamais eu besoin de Marie Kondo pour me débarrasser de ce qui m'emmerde, je préfère la méthode « Victor, nettoyeur », propre et nette. J'ai bien eu un peu peur de perdre le mojo de la tchatche et le sens de la formule en arrêtant la murge mais ça a curieusement été très facile et sans fâcheuses conséquences. Trois mois seulement d'abstinence totale et me voilà aujourd'hui à nouveau capable de boire une seule bière pour le goût, pas l'effet, sans automatiquement la faire suivre d'un litre de vin et d'une douzaine de shots de vodka ou de whisky. Je ne me sens pas spécialement mieux, libéré ou renouvelé. J'ai juste arrêté quelque-chose qui commençait à sérieusement me les briser : picoler devant l'ordinateur, picoler sur les réseaux sociaux. Quelque-chose que je faisais avec un plaisir certain mais qui est devenu drôlement moins fun depuis le Covid, les confinements à répétition, les incompétences que cela trahit et les emballements qui en découlent. Depuis que les gens sont vraiment à cran et les algorithmes désormais programmés par des gros veaux, aussi. J'ai arrêté l'alcool régulier en 2021 mais à l'avenir, je boirai encore excessivement, parce que j'aime ça et que c'est très gai en bonne compagnie. Le jour où je me coupe des réseaux sociaux, en revanche, je n'y reviendrai pas, vu qu'ils me semblent d'une part plus nocifs que la pire piquette et que je n' en attends sinon plus grand-chose. Ce dont on ne se rend pas forcément compte bourré.


Tant qu'à s'alléger de pesantes couillonnades, j'ai aussi décidé que documents administratifs et quelques tracts strictement utilitaires mis à part, je ne lirai plus rien en écriture inclusive. Plus aucune patience pour ces conneries, direct à la poubelle. Ca m'est venu en essayant de piger un résumé de légende américaine du XVIIIème retartiné à la sauce militante post-moderniste. Résultat non seulement illisible mais surtout niais. Pourtant, en soi, la légende en question, La Boueuse du Mississipi, m'intéresse. Mais juste la légende, pas l'interprétation militante à trois siècles d'écart par une artiste européenne dont je n'ai que foutre des tentatives, via le recours à cette écriture spécifique, de m'obliger à réfléchir sur la place des femmes dans la société contemporaine francophone. Je veux juste la bonne histoire de monstre du XVIIIème siècle telle qu'elle s'est transmise depuis. Pas le préchi-prêcha à la mode qui s'en sert comme prétexte pour tenter de hacker mon cerveau et me transformer en « allié » dans la lutte contre le Patriarcat. L'écriture inclusive est une arme idéologique, pas un outil de communication. Or, après avoir lu Douglas Murray et écouté des podcasts où s'exprime Andrew Doyle, j'en retiens principalement qu'il faut savoir dire non à toutes ces conneries intersectionnelles, ces visions zinzin des hiérarchies sociales, ce wokisme identitaire crétin. NON. J'aime bien ce mot. Depuis tout petit, je suis marqué par quelques refus célèbres de la pop culture. Celui du singe César qui dit NON aux humains dans un épisode un peu piteux de la franchise originelle de La Planète des Singes. Le NON du Surfer d'Argent à Galactus. Le « Here is a man who would not take it anymore » de Taxi Driver. Easy Rider, Vanishing Point, The Graduate : aussi que des refus. Mon mot préféré dans la vie est probablement « saucisse », toujours assuré de me faire bidonner et superbe insulte. Au moment de faire les comptes, « NON » n'est cela dit quand même pas loin derrière. 


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vendredi 2 avril 2021

CHEVEUX ROSES, IDEES NOIRES

Finissant Mindf*ck, le livre du lanceur d'alerte Christopher Wylie, ex-Cambridge Analytica, je me suis dit que ça serait quand même pas mal, voire obligé, que nos mandataires locaux désireux de réguler la haine sur Internet le lisent avant d'encore penser à des lois visant à ne punir que les utilisateurs problématiques des réseaux sociaux tout en laissant les plateformes prospérer. Que les trolls soient une nuisance, d'accord, mais quand il est prouvé que des firmes spécialisées dans la manipulation psychologique et la déstabilisation sociale, repèrent ces trolls et les utilisent à leur insu pour servir des intérêts financiers et politiques qui tiennent de la très grosse encule internationale, qui sanctionner ? Le no-life qui insulte des femmes sur Internet pour occuper le vide de ses journées ou l'entreprise qui l'a psychologiquement profilé comme misogyne et injecte dès lors des fake news dans son fil d'actu pour lui faire croire que le féminisme intersectionnel, en réalité aussi anecdotique que la K-Pop, est un danger pour ce qui lui reste de vie ? A partir du moment où de plus en plus de gens qui ont participé à la création des réseaux sociaux expliquent en quoi ils sont devenus dangereux, pourquoi ils manquent d'éthique et comment leur business-model consiste à « enrager » leur public, pourquoi les laisser continuer ? Pourquoi chercher à n'en réglementer que l'usage plutôt que d'oeuvrer à sérieusement en limiter la capacité de nuisance? 

Comme c'est parti, la guerre à venir contre la haine en ligne va pourtant, me semble-t-il, se jouer aussi mal que la guerre contre la drogue. On va ruiner les vies de petits joueurs, fanfaronner à propos de victoires anecdotiques, aligner des chiffres insignifiants, tandis qu'à l'ombre, les gros requins manipulateurs continueront de s'enrichir et de commettre des crimes bien plus abjects que traiter une élue de gauche de grosse pouffe. Le bouquin de Wylie est franchement effrayant mais un peu moins de deux ans après sa sortie, il faut bien reconnaître qu'il n'a absolument rien changé au monde qui nous entoure. Sans doute parce ce que ce qu'il dénonce arrange trop de puissants et génère trop de fric. C'est un dossier très compliqué aussi, mêlant barbouzeries mondiales et commerce de masse, attaquant qui plus est des firmes spécialisées dans la désinformation. Que le scandale se soit transformé en eau de boudin n'est dès lors guère étonnant. Si ces gens peuvent pousser les Anglais à voter pour le Brexit et catapulter Donald Trump à la Maison Blanche, vous pensez bien que ce n'est pas très compliqué pour eux de laisser infuser dans l'opinion publique que tout cela n'est que théorie de conspiration pour gauchistes aux cheveux roses.


Qu'un bouquin aussi déterminant sur la haine en ligne semble moins avoir moins percuté et inspiré le monde politique local que des éditos des Grenades-RTBF, des tweets douteux de micro-célébrités  bruxelloises et un bien mauvais roman sur le cyberharcèlement ne tient toutefois pas de la manipulation psychologique à échelle internationale mais bien de la simple fainéantise intellectuelle ainsi que de la réaction émotive basique « un fait divers, une loi », à la Sarkozy. La collusion entre Cambridge Analytica, Facebook et les services secrets russes est un scandale majeur, même si relativement étouffé, de notre époque. C'est aussi une explication à la prolifération de la haine en ligne que l'on ne peut ignorer, ni minimiser, au moment de penser créer des outils pour combattre cette haine en ligne. Sans quoi, tout comme dans la guerre contre la drogue, souffriront surtout les cas sociaux tandis que continueront de prospérer les gros dealers et les cartels. Ce billet n'est donc pas qu'une recommandation littéraire. C'est surtout un appel à ne pas bêtement juste déconner au moment de balancer IRL un attirail législatif qui impactera en principe très profondément nos vies. Au point même d'éventuellement créer plus de haine, donc plus de problèmes. 8,70€, la version poche... 



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lundi 8 février 2021

SAME AS IT EVER WAS

Naomi : 1/ Nous, enfants des médias, nous étions scandalisés à ce point par les descriptions réductrices des magazines, des livres et de la télévision, que nous étions convaincus que si ces images stéréotypées et ce langage biaisé changeaient, la réalité suivrait. Nous pensions trouver le salut dans la réforme de MTV, de CNN et de Calvin Klein. Et pourquoi pas ? Puisque les médias semblaient être à la source d'un si grand nombre de nos problèmes, si nous pouvions seulement les « subvertir » pour qu'ils nous représentent mieux, peut-être pourraient-ils nous sauver. Grâce à de meilleurs miroirs collectifs, notre estime de nous-mêmes allait augmenter, et les préjugés s'effondrer par magie, car la société soudain inspirée pourrait vivre à la mesure du beau et noble reflet que nous aurions fait surgir en retouchant son image (...) Plus nous donnions d'importance aux questions de représentation, plus elles semblaient vouloir acquérir un rôle central dans nos vies – peut-être parce que faute d'objectifs politiques plus tangibles, tout mouvement de lutte pour obtenir des miroirs sociaux plus satisfaisants finirait inévitablement par être victime de son propre narcissisme.


2/ Le rédacteur en chef du magazine New York, John Taylor, comparait ma génération d'activistes de campus aux membres d'une secte, aux Jeunesses hitlériennes et aux fondamentalistes chrétiens. Si grande était la menace que nous étions censés représenter que George Bush prit même la peine d'avertir la planète que la political correctness « remplaçait les anciens préjugés par de nouveaux » (...) Les réactions brutales qu'inspira la politique identitaire réussirent assez bien à nous masquer le fait qu'un grand nombre de nos exigences quant à une meilleure représentation étaient en revanche rapidement satisfaites par les spécialistes en marketing, les médias et les producteurs de pop culture – mais peut-être pas pour les raisons que nous avions espérées (...) Nous découvrîmes alors que nos ennemis jurés du « courant dominant » - pour nous, un monolithe géant aux contours flous, situé à l'extérieur de nos enclaves universitaires - loin de nous craindre, nous trouvaient au contraire un certain intérêt. A mesure que nous cherchions de nouvelles sources d'images d'avant-garde, l'importance que nous accordions aux identités sexuelles et raciales extrêmes engendrait de magnifiques stratégies de contenu associé à des marques, et du marketing associé à des créneaux. Les marques semblaient nous dire : de la diversité, tu en voulais, en voilà.


3/ Dès 1993, les articles sur l'apocalypse universitaire furent remplacés par d'autres sur la vague des féministes pro-sexe dans Esquire et du « chic lesbien » dans New York et Newsweek. Ce changement d'attitude ne fut pas le résultat d'une conversion politique massive, mais de froids calculs économiques. Selon Rocking The Ages, un livre produit en 1997 par Yankelovich Partners, un grand cabinet américain de recherche sur la consommation, la « diversité » a été le « définisseur idéologique » de la génération X, par opposition à « l'individualité » pour les boomers et au « devoir » pour leurs parents (…) Naquirent également des marques destinées aux gays, comme la Pride Beer et la Wave Water, dont le slogan était « nous collons des étiquettes aux bouteilles, pas sur les gens » et la communauté gay eut droit à ses propres chasseurs de cool – des spécialistes en recherches de marque qui couraient les bars gays avec des caméras cachées. Entretemps, Gap remplissait ses pubs de toutes les couleurs de peaux, avec des mannequins aux allures d'enfants. (...) Nike réalisa également que les groupes prétendument opprimés étaient déjà des créneaux tout désignés : lancez-leur quelques clichés gauchistes et hop ! Vous n'êtes plus seulement un produit, mais un allié dans la lutte.


4/ C'est tout ? Toutes nos protestations et nos théories supposément subversives n'auront-elles servi qu'à fournir un contenu magnifique aux industries culturelles, une imagerie style de vie fraîche et jeune à la nouvelle campagne Levis, « What's True » (Ce qu'il y a de vrai) et des ventes records alimentées par le Girl Power à l'industrie musicale ? Autrement dit, pourquoi nos idées sur la rébellion politique ont-elles si bien glissé sur le courant lisse du business as usual ? (…) Embaucher plus de femmes ou soigneusement passer au crible les énoncés d'une campagne publicitaire était un moindre prix à payer pour l'immense part de marché promise par la diversité. (…) Le marché s'est emparé du multiculturalisme et de l'androgynie aussi bien que de la culture jeunesse en général : non seulement comme d'un créneau mais comme d'un nouveau gisement d'imagerie carnavalesque (…) « Cette révolution, écrivait le critique culturel Richard Goldstein dans The Village Voice, a sauvé le capitalisme. »


Serge : Et Naomi Klein de conclure, dans No Logo, en 2000 (traduction française (et plutôt foireuse) de Michel Saint-Germain en 2002 chez Babel) qu'une des grandes erreurs des activistes identitaires de cette époque, le début des années 90 donc, a été de zapper complètement le problème majeur de la répartition des richesses de leurs centres d'intérêts, d'études et de revendications. Same as it ever was !

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jeudi 4 février 2021

LE JOURNAL DU QUINCADO (6)


Février 2021 – Dans une récente chronique pour le Focus Vif passée assez inaperçue, j'écrivais qu'il serait plus que temps de se foutre de l'avis de Madame Michu et de Monsieur Pecno. De laisser les gens s'indigner sur Twitter sans encore le relayer dans les médias. De laisser les militances des unes et les emballements des autres tourner en rond dans leurs gros bocaux sans ne plus s'en soucier, en bon vieux mode « R.A.B. » (« rien à branler », alias « the noble art of not giving a fuck »). Texto, ça donnait ceci : « N'a-t-on d'ailleurs rien de mieux sous la main à prendre en compte que toutes ces revendications très « first world problems » d'une minorité aussi privilégiée qu'anecdotique ? N'a-t-on rien de plus urgent à régler ? Rien de plus vital ? Vous allez vraiment passer le reste de votre vie comme ces vieilles personnes complètement désoeuvrées qui épient aux fenêtres en attendant de voir pisser un ivrogne dans les fourrés ; histoire d'ensuite pouvoir s'emparer de l'anecdote pour se plaindre du laxisme des autorités, du fléau de l'alcool en vente libre, de la fainéantise des chômeurs, etc, etc... Vous manquez à ce point de « peps » dans vos petites vies ? Se foutre de vous, ignorer vos indignations, n'est dès lors pas un abandon de poste dans la guerre culturelle en cours. C'est au contraire la seule solution pour y mettre fin. »

La culture « woke » ne me fait plus rire mais ne me fait pas peur. Elle me fatigue. Ne pensant pas qu'elle présente un danger réel, je ne vois dès lors pas l'intérêt de monter aux barricades. Elle est en train de virer mainstream et je pense que c'est précisément ce qui va la juguler. Ou du moins en atténuer drôlement la capacité de nuisance. Le « woke » est déjà un marronnier pour des médias comme Le Point, Marianne, Charlie Hebdo, France Culture et d'autres. Douglas Murray a fait le tour de la question dans son bouquin The Madness of Crowds. Andrew Doyle en rajoute une couche dans son tout récent propre livre. Même Marcel Sel semble en faire son nouveau cheval de bataille. On va donc encore beaucoup entendre parler de ces « nouveaux puritanismes » et des « totalitarismes néo-marxistes post-modernes » qui en découlent ou pourraient en découler. Or, c'est à priori justement cette surmédiatisation qui va nous dynamiter tout cela vite fait, bien fait. Moi-même, dans cette chronique pour le Focus-Vif, j'écrivais ceci : « Okay, les sciences sociales produisent de nouveaux dogmes qui pourraient servir de terreau fertil à un prochain totalitarisme. Okay, les politiques identitaires, la cancel culture, les faits et gestes des Social Justice Warriors sont à la fois très critiquables, plutôt amusants et potentiellement dangereux. Okay, leur capacité de nuisance est quelque-chose qu'il vaut mieux garder à l'oeil et en monitorer l'évolution. Okay, il n'est pas très sain que de plus en plus de gens perdent leurs boulots et se font lyncher pour leurs opinions et des blagues, aussi discutables soient-elles. Reste qu'en l'état, tout ce nouveau puritanisme, toute cette culture « woke » émergente, ne touchent encore principalement que le monde académique, les médias, la culture, la politique et les réseaux sociaux. Ce qui nous fait beaucoup de monde, certes. Mais beaucoup de monde dans un gros bocal. »


Dans ce gros bocal, ça bataille ferme. Aussi parce que le désir de batailler ferme y est fort, que la fight y est une motivation tant pour les pros que pour les contras. C'est une question de pouvoir et de contrôle, aussi. Hors de ce bocal, ces couillonnades vont en revanche sans doute rapidement se dégonfler. Certains délires soixante-huitards, la novlangue managériale des années 80 et les emballements idiots de la start-up nation sont, en gros, restés eux aussi cantonnés à leurs propres bocaux et se sont, eux aussi, vite ringardisés dès qu'exposés à la majorité qui s'en branle, s'en moque et nous remet ça en quelques jours à sa juste place : « non merci, petit. On a déjà donné ». Ces micro-cultures font du dégât dans les milieux concernés, vu que le venin y est craché pur. Comme ces milieux sont tous conformistes par facilité (le journalisme, la culture...) ou par pression sociale (le monde académique, l'entreprise, Twitter...), la transmission et la prise au sérieux de ces imbécillités y est plus effective. Mais en dehors ? L'écriture inclusive au Lidl ? La bouchère appliquant la déconstruction du privilège blanc après avoir vu la lumière sur le forum Madmoizelle ? Des conférences sur l'indigénisme au Fuse ? Bien sûr que non. Combien de temps d'ailleurs, dès ces bêtises connues de toutes et tous, avant que l'on assiste à un Everton inversé ou avorté ? Combien de temps aussi avant que l'on reconnaisse que ce mouvement « woke », malgré quelques revendications au fond très défendables, n'est sous sa forme la plus courante qu'un condensé de narcissisme puéril et de dogmatisme aussi délirant que celui entourant les théories de la Terre Plate et des chemtrails ? Combien de temps, donc, avant que sa fenêtre de tir ne se referme violemment sur sa bête gueule ? Combien de temps avant que les adultes, se sortant enfin les doigts du cul, ne sifflent la fin de la récré ?


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