lundi 17 avril 2023

LE JOURNAL DU QUINCADO (25) : FEAR OF A BLACK WOMAN

 

Avril 2023 - J'ai dernièrement relu Solaris de Stanislas Lem (1961), que je tiens pour un tout gros chef d'oeuvre de la science-fiction. C'est un roman aux questions vertigineuses mais qui a aussi une approche originale du vieux canevas à la Edgar Allan Poe du vaisseau hanté. Chaque personnage y a son fantôme mais seul celui du docteur Kelvin, le « héros » du livre, est détaillé. Les autres restent des mystères quasi-complets, qui ont à priori pour principale fonction de rendre l'ambiance et le décor davantage angoissants. L'un de ces spectres est probablement un enfant. Turbulent, peut-être dangereux. Toujours hors-cadre. Un autre est une grande femme « négroïde », qui se déplace dans la station spatiale à moitié nue, uniquement ceinte d'une jupe jaune, peut-être de paille. Lem n'explique jamais pourquoi un personnage de scientifique blanc peut bien être hanté par ce cliché d'Africaine complètement irréel dans une histoire qui se passe dans un futur relativement lointain et très technologique. Le fantôme de Kelvin est la réplique d'un amour mort, qui le réconforte après l'avoir effrayé, mais il n'est jamais certain que ces « visiteurs » ne soient pas aussi des instruments de torture, fabriqués à partir de puissants remords. Ou juste des souvenirs reconstitués par hasard, sans véritable but. Pourquoi cette femme noire hante-t-elle dès lors un scientifique brillant quoique pompeux ? S'agit-il d'un fantasme sexuel ? Est-ce la réplique de quelqu'un qu'il a aimé ? Ou tué ? Est-il raciste ? Le livre ne le dévoile pas. Cette femme noire, d'abord étrange et kitsch, déplacée, devient dès lors une source d'angoisse, de menace diffuse, de paranoïa.


Ni Andreï Tarkovksi, ni Steven Soderbergh n'ont gardé ce personnage dans leurs adaptations de Solaris, d'ailleurs toutes deux détestées de Lem. Ces films sont ce qu'ils sont et il n'est pas impossible qu'il existe à l'avenir d'autres adaptations du roman, d'autant qu'il regorge d'éléments qui n'ont toujours pas été repris à l'écran et pourraient donc titiller les scénaristes. Ce côté pulp, justement, l'aspect horror house. Les films tirés de Solaris sont plutôt contemplatifs et lents alors que dans le bouquin, il se passe beaucoup de choses et qu'il y meurt pas mal de monde. L'aspect plus philosophique est aussi drôlement réduit dans les films. On peut toutefois penser que si Solaris devait une nouvelle fois se retrouver à l'écran, il y a peu de chances que cette femme noire serait de la partie. Qui oserait aujourd'hui risquer une accusation de racisme, utiliser un personnage africain ouvertement cliché et faisant justement pétocher à cause de ce simplisme ? Je pense même que l'on vit une époque où tous les rôles de Solaris pourraient être donnés à des acteurs noirs (sans que cela ne me pose le moindre problème pour le coup) sauf précisément celui-là. Bien entendu, le cinéma, surtout hollywoodien, n'a jamais été friand d'ambiguïtés, surtout de cette taille. Quand on adapte au cinéma un livre riche, généralement, ça taille sec. Rien de woke ici, d'autant que je ne pense en fait même pas qu'il soit spécialement scandaleux que ces scènes avec « la femme noire » n'aient jamais et ne seront sans doute jamais reprises dans les adaptations. Qu'elles disparaîtraient des futures traductions ou rééditions de Solaris, le serait... mais que les films l'oublient à dessein n'est qu'une étrangeté à relever. Cette présence est la plus WTF d'un bouquin sinon écrit au scalpel et très clair sur ses intentions. Normal donc que l'on puisse préférer la laisser de côté au moment d'en tirer un film. 


Mais peut-être suis-je dans l'erreur ? Peut-être que si la femme noire n'était ni chez Tarkovksi, ni chez Soderbergh, elle serait bel et bien là dans une adaptation à venir parce que justement, sa présence serait plus attendue aujourd'hui que dans les années 70 soviétiques et dans les tentatives de blockbusters arty d'il y a 20 ans. C'est que selon certaines analyses de Solaris, cette femme pourrait en fait relever non pas du personnage juste là pour faire pétocher et gamberger mais symboliserait au contraire tout ce qui clocha, cloche et clochera encore dans la vanité de l'homme blanc. Comprendre un organisme extraterrestre. Soumettre un continent. C'est qu'il y a du Coeur des Ténèbres dans Solaris. Gibarian, le personnage hanté par cette femme, est une sorte de Kurtz. Or, dans Au Coeur des Ténèbres, la maîtresse de Kurtz est une jeune africaine aussi fascinante que mystérieuse. Et nombreux sont celles et ceux qui ont vu dans ce jeu de miroir une volonté de Lem de critiquer par allusion au bouquin de Conrad l'impérialisme scientifique des pays du Pacte de Varsovie ainsi que la volonté de colonisation de l'espace durant la Guerre Froide. Autant dire que la femme noire représenterait en réalité le chagrin et la culpabilité de l'homme rouge. Mais aussi blanc. Un truc que Netflix adorerait surligner, assurément.


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mercredi 12 avril 2023

LE JOURNAL DU QUINCADO (24) : LE VILLAGE DES DAMNES DE LA TERRE

 


Avril 2023 - J'ai vécu avec des militants Ecolo qui voyaient en moi un anar de droite. J'ai vécu une histoire de plusieurs années avec une Française de Bruxelles qui votait Chirac en y croyant vraiment et travaillait pour un type affilié au MR. Pour elle, politiquement parlant, j'étais juste un gaucho de base. Durant 10 ans, j'ai taffé sous statut indépendant et j'ai bien pesté contre les versements anticipés, les charges à se flinguer, l'idée de cotiser pour aussi subsidier les buvettes du Parlement. Mais comme j'ai aussi passé suffisamment de temps en Angleterre pour bien sentir ce qu'est une contrée livrée à la main invisible du marché (non, ce pays n'est pas pour le vieil homme, surtout sans le sou), je n'ai jamais été totalement hermétique à l'idée de service public performant, donc largement financé par la taxation. Cherchez pas ! Il est en fait impossible de politiquement me cataloguer. Lorsque je fais un test électoral comme la RTBF en propose en périodes d'élections, le résultat me donne à chaque coup électeur potentiel du PTB. En tant que fan absolu de John Le Carré et ayant lu et relu Orwell, Kundera et Soljenitsyne, en plus de penser comme Susan Sontag que « le communisme est une sorte de fascisme ayant réussi », il est toutefois hors de question que je vote un jour pour ces chiens rouges ! En Belgique, alleï une fois, j'ai quand même bien aimé la période Verhofstadt, qui a le mérite d'avoir aligné quelques avancées « éthiques » et « morales » importantes. Mais bon... Pas difficile de retenir cette législature comme l'une des meilleures vu qu'avant c'était dégueulasse et que depuis c'est Clochemerle. Je ne suis pas centriste non plus. En fait, je suis principalement contraire. En présence de droitards, je ferai mon Ché et en présence de gauchistes, je ferai mon Trump. Je ne suis cela dit ni une page blanche, ni une girouette. J'ai des convictions. Internet, l'eau, le chauffage, la médecine et les transports publics devraient être gratuits. Les politiciens interdits de réseaux sociaux. Le hashish et le micro-dosing en vente libre. Les flics mieux formés, psychologiquement régulièrement évalués, et virés à la première bavure, avant d'être inscrits dans des fichiers inaltérables comme il en existe pour les pédophiles... Je crois à des choses du genre. Sans plaisanter.


Dans ma vie d'électeur, j'ai pourtant principalement voté Ecolo. Du temps où c'était un parti de hippies d'abord et de bobos fréquentables ensuite. L'ennui, c'est qu'en s'embourgeoisant et en tâtant du pouvoir réel, Ecolo n'est pas devenu une gauche caviar performante, comme l'ont jadis par exemple été le PS français des années 80, les Dems américains sous Clinton et Obama et le Labour de Tony Blair (d'avant la guerre en Irak). Ecolo s'est plutôt transformé en nouveau CDH. L'archétype du parti neuneu et inutile dans l'ADN duquel subsistent des idées religieuses (new-age, surtout, chez Ecolo) et franchement réactionnaires (imaginez que l'on trouve une énergie propre qui ringardise le nucléaire et l'essence, tout en rendant le vélo obsolète, et imaginez ensuite leurs tronches). Quand Ecolo s'adresse aux adultes, le cœur de cible donne l'impression d'être la famille traditionnelle, bien middle of the road : papa + maman + 3 chiards aux noms horribles, genre Timothée, Anaëlle et Usul du Turfu. Ce sont les Missionnaires du Royaume à venir, leur fameux « monde plus chouette ». Ce qui est complètement con, un vrai déni de réalité. Une incohérence majeure dans le discours du parti aussi, parce que je ne pense pas que l'on puisse oeuvrer à ce que le monde devienne plus « chouette » tout en clamant en même temps que celui-ci est en danger de mort imminente. Le changement climatique va tout cramer, on est en pleine extinction de masse... Il faut un discours fort face à ça. Un plan de nature à rassurer, du concret même difficile à encaisser, encourager la recherche surtout. Quelque-chose d'un poil plus convaincant et fédérateur en tous cas que davantage de pistes cyclables, des poulaillers communautaires et du dégonflage de pneus de SUVs.


« - Ca va être la guerre, Maman ? La fin du monde ? »

« - Peut-être mais c'est pas grave, mon Usul du Turfu. Regarde comme elle est chouette, la poule... »


Il y a surtout de l'infantilisation chez Ecolo, ouais. Le pire étant que si les adultes y pédalent beaucoup dans la choucroute, la relève fait carrément des châteaux en Espagne de cette même choucroute. Tout le trip Ecolo J/Margaux De Ré. Ielles ont vu 3 minutes Alexandria Ocasio-Cortez sur You Tube et se sont dit « waow, en voilà un modèle à suivre ! ». Génération TikTok, députées influenceuses. Plus aucun orteil sur Terre. Ca se détache de la capsule, ça flotte dans le cyberspace. Dites le fort : sommes jeunes, sommes woke!


Il y a à peu près autant de définitions du wokisme que de Schtroumpfs dans l'oeuvre de Peyo, alors voici la mienne : pour moi, le wokisme est la faction la plus radicale, immature et franchement délirante du progressisme. Une perversion comme l'extrême-droite l'est à la droite classique, l'islamisme à l'Islam et les conversions par l'épée à la foi chrétienne. Une faction n'implique pas du tout ce dont elle est proche ou de quoi elle émane. Tous les gauchistes ne dansent pas dans la rue au moindre post Instagram de Sarah Schlitz. Les Forces Vives du Progrès auraient même je pense souvent tendance à se demander pourquoi faire passer l'écriture inclusive et les Tampax gratuits avant la lutte des classes et le Grand Soir syndicaliste. Hashtag Not All Gauchistes, donc. Il me semble sinon encore aller de soi que l'idée de militer pour les droits des minorités, y compris de genres ; défendre la possibilité d'avortement et l'égalité salariale sont des bonnes choses, des choses nécessaires. Encore faut-il que l'analyse de ces problématiques se base sur des réalités et non des interprétations tartignolles, révisionnistes et masochistes; voire de purs fantasmes de persécutions. Or le wokisme, incontestablement, non seulement délire plein pot, en mode théorie de conspiration avec les vieux à la place des Juifs, mais, surtout, infantilise lui aussi : « On va t'expliquer », « On va t'informer », « On va te déconstruire ». Et pan-pan cucul si t'écoutes pas ou que tu poses des questions auxquelles on ne peut pas/ne veut pas répondre.


Voilà ce qui désole des gens comme moi : que des idées à la base nécessaires et importantes soient noyées dans une idéologie aussi douteuse qu'imbécile et défendue par des illuminés qui ont du monde une vision binaire (HAHA !) : eux et puis les méchants réacs. Jamais de remises en question, jamais d'amendements, ni de corrections d'erreurs pourtant flagrantes. Un trip pilule rouge à la Matrix, où il s'agit de reprogrammer totalement un Système. Une croisade, autrement dit. La pire gaminerie woke étant d'en nier l'existence, prétendre que ce n'est qu'une chimère pour boomers, rien qu'un élément de langage d'extrême-droite. Les dégâts que les gros sabots du wokisme ont pu générer dans la culture, les médias et le monde académique sont pourtant fort bien documentés. Dans un premier temps, l'extrême-droite n'était d'ailleurs pas du tout concernée et n'avait même pas conscience de l'émergence de ce courant de pensée. Le wokisme tenait alors à la fois de la purge et de la révolution culturelle strictement internes au progressisme. Ce n'est que lorsque l'extrême-droite s'est rendu compte que la gauche s'autobouffait et que des éléments radicaux devenaient mainstream qu'elle s'est emparée de la thématique avec toute sa subtilité naturelle : gröbbe rigolade, panzerkrieg ! C'est pourquoi un discours et une position comme les miens sont inaudibles d'ailleurs. Aux gamineries des uns répondent les gamineries des autres. Or, dans les bacs à sable, il s'agit surtout de choisir son camp. Pas de renvoyer les factions dos à dos. Qui va me suivre, en ces temps avant tout militants et donc d'extrême mauvaise foi, dans l'idée qu'en adoptant des postures tellement outrancières, cette gauche woke a en fait donné à l'extrême-droite le bâton pour se faire battre ? Tout en perdant ses alliés naturels et en faisant oublier la raison d'être de la gauche plus traditionnelle : cimenter la société autour d'une utopie séduisante plutôt que de la diviser en multipliant les propositions jadis justement décriées dans les dystopies, y compris sarcastiques. Vous avez revu récemment Demolition Man avec Stallone  ou Los Angeles 2013 de Carpenter? Vous avez aussi fait le rapprochement avec les tweets de Sandrine Rousseau?


Evoquons maintenant l'une des armes principales utilisées dans cette guerre, la catapulte à bouse du moment : la cancel-culture. La Dernière Tentation du Christ, Baise-Moi, tenter de virer les gouines non-caucasiennes de Star Wars et du remake féministe de Ghostbusters... C'était à la base une occupation de droite, indéniablement. Seulement voilà : pour contrer ces volontés de censures bigotes, on pouvait compter sur la gauche. Encore que dès l'affaire Rushdie en 1989, il y eut bien quelques abonnés absents du côté du Progrès au moment de défendre la liberté d'expression et que cela n'a fait que se déliter encore plus depuis (Charlie...). En 2023, au moment de compter les points, on peut même avancer qu'une certaine gauche sabote bien davantage la liberté d'expression que jadis l'extrême-droite, qui ramait généralement quand même pas mal dès qu'elle essayait de convaincre sur les questions éthiques et morales au-delà de son cercle de base 100% faf. Ce qui n'aide pas, c'est que la gauche woke a en fait beaucoup plus de lubies que l'extrême-droite. Quand elle cherche à dégommer du paysage ce qui ne lui sied pas, ça peut frapper n'importe quoi, n'importe qui, n'importe où et les frappes ne sont jamais franchement chirurgicales. La cancel-culture d'extrême-droite -hors-ratonnades et menaces d'attentats s'entend-, restait plutôt ciblée, folklorique et malhabile, alors que les wokes y vont généralement à la bombe thermobarique. Au nom de l'inclusivité, émerge donc un nouveau climat de Terreur, qui a déjà fait beaucoup de mal sur les campus, dans les médias et dans l'industrie du divertissement. Toute personne n'étant pas d'accord avec des vues aussi dogmatiques qu'incompréhensibles, voire absurdes, a désormais des raisons de craindre pour la suite de sa carrière. Pour avoir des emmerdes avec l'extrême-droite, fallait plutôt imaginer Notre Seigneur Jésus-Christ descendant de sa croix pour aller aux putes ou taper du soft porn lesbien et "inter-racial" en prime-time sur France 2. Pour avoir des emmerdes avec les wokes, faut juste s'en tenir à la définition existant depuis des millénaires de ce qu'est une femme ou confondre transsexualité et travestisme. Entre dizaines et dizaines d'autres « fautes » mineures pourtant punies de mort symbolique et sociale. C'est absurde, c'est irrationnel. C'est donner à des Enfants-Rois récemment sevrés de Ritalin un pouvoir de vie et de mort sur des adultes qui ne comprennent même pas vraiment leur charabia. Ca s'imagine Zion dans Matrix et c'est juste le Village des Damnés. De la Terre, huhu.



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samedi 8 avril 2023

KINOCOSMANI (1) : IDEE DE FILM AUJOURD'HUI, CONSPIRATION DEMAIN !

 


Tadadoum, voici ma première livraison de KinoCosmani, la nouvelle rubrique de ce blog entièrement consacrée au cinéma ! J'avais annoncé ça comme un guide de survie pour vivre aujourd'hui le cinéma loin de Marvel, DC, Star Wars et John Wick mais comme j'ai aussi ces derniers temps pas mal parlé sur Twitter et Facebook de l'influence de certains films de jadis sur les théories de conspiration actuelles, voici 5 intrigues de fiction que certaines personnes tiennent aujourd'hui pour vraies, même quand peu ou à peine remaniées ! Magnéto, Serge !


Alternative 3 (1977)


Mockumentaire anglais qui entendait principalement démontrer que le public est manipulé et manipulable par les médias, Alternative 3 a été diffusé à la télé britannique d'abord et au Canada ensuite. Pour ne rien arranger, dans la « novelisation » sortie peu après, l'autrice s'est amusée à remplacer les noms fictifs du film par celui de personnalités scientifiques bien réelles. Ce livre a aussi connu quelques problèmes de distribution que certains ont pris pour une volonté de censure étatique... Autant dire que pas mal de gens sont tombés dans le panneau ! Le pitch est bien gros et gras, pourtant, puisque avançant que l'URSS et les USA oeuvrent ensemble à kidnapper des scientifiques européens pour les envoyer, contre leur gré, sur Mars ; afin d'y préparer un environnement compatible aux colonies humaines à venir. Planète Rouge qui plus est dangereuse car habitée. Ce « masterplan » secret et mondial est donc la troisième alternative des trois uniques solutions au changement climatique ; en 1977 déjà trop avancé pour ne pas condamner irrémédiablement l'Humanité. A noter que l'Alternative One propose de réduire drastiquement la population humaine par un bon gros génocide des familles et l'Alternative Two de construire des villes souterraines climatisées où ne serait admise que l'élite. Pas sérieux du tout que tout ça et d'ailleurs, à l'origine, carrément prévu pour être diffusé le premier avril.


Reste que ça marqua. Fit polémique (« un affront à l'intégrité journalistique ! », 30 ans avant Bye Bye Belgium!). Marqua durablement même, puisque l'on va ensuite retrouver des bouts de ce scénario plus ou moins bien digérés dans, par exemple, 12 Monkeys, Interstellar et la série Utopia. Ailleurs que dans la fiction, Alternative 3 a d'abord surtout donné naissance à pas mal de théories de conspiration sur la face cachée de la Lune, Mars et les OVNI, comme fort bien expliqué dans ce très complet et donc très long documentaire disponible sur You Tube. Puis est venu le temps du Covid et de ses multiples campagnes de vaccination et il semble bien que l'Alternative One du film ait alors aussi ressurgi dans les consciences puisque l'idée de tuer ou de stériliser les gens en douce afin de préparer un Great Reset se discute quand même pas mal aujourd'hui dans les sphères conspirationnistes. A noter pour les mélomane déviants que la musique du film est signée Brian Eno et qu'il en existe depuis 20 ans une version, heu... alternative, réinterprétée par des musiciens proches du mouvement « hauntologique ». Ce qui situe encore plus le haut niveau cultissime de ce téléfilm !



Dark City (1998)


Sorti peu avant le premier Matrix, Dark City est un film au rythme de bédé qui a la particularité d'être très, très paranoïaque et assez cauchemardesque. Je n'en dévoilerai rien de plus, d'autant que je ne m'en souviens pas très bien. Un spoiler, malgré tout, et de taille : l'une des dernières images du film est une « terre plate », qui flotte dans le cosmos. La croyance que la Terre est plate date bien entendu de la Grèce Antique mais figurez-vous que selon Wikipédia, en 1998, à la sortie du film donc, la Flat Earth Society, autrement dit le lobby platiste, était considérée comme totalement en déclin. Ce n'est en fait qu'en 2009 que la FES a été pleinement réactivée, avec un nouveau site web, une bibliothèque, un wiki et de nouveaux membres ; parmi lesquels le musicien Thomas Dolby (dont le plus cool des albums, celui de 1984, a pour titre « The Flat Earth »). Que cette image frappante et assez rare dans la science-fiction issue d'un film ayant tout pour rendre cinglés les esprits remettant en question la réalité de notre environnement ait participé à ce renouvellement d'intérêt tient de la pure spéculation et semble même impossible à prouver. Reste qu'il serait tout de même très étonnant que la résurgence platiste ne doive rien à cette mode de films de la fin des nineties présentant des simulacres de mondes (Truman Show, Dark City, Matrix...) où la réalité nous est cachée pour des motifs de contrôle, notamment social. 2009 est sinon aussi l'année où la NASA confirma la présence d'eau sur la Lune. Ce qui, pour certains, confirma surtout que la NASA (qui ne sert à rien dans un univers où la terre est plate et où le cosmos n'existe pas) ment sur tout, tout le temps, juste pour recevoir des subsides. Comme dans Capricorn One !






Capricorn One (1978)


Sorte de Trois Jours du Condor en combinaison spatiale, autrement dit série B pas fort passionnante, Capricorn One n'en est pas moins la source probable de toutes les théories voulant que l'homme n'ait jamais mis le pied sur la Lune et que les images transmises en juillet 69 ont en fait été tournées en studio. Le film offre même un motif à la conspiration, sous la forme d'un monologue du docteur James Kelloway, directeur de la NASA interprété par Hal Holbrook, et qui dit en substance qu'il n'y a plus de pognon pour la science parce que « Et nos SDF ? » (texto : « Was it really worth twenty billion to go to another planet? What about cancer? What about the slums? »). Autrement dit, dans le film, la NASA va feindre d'envoyer des cosmonautes sur Mars parce que ça coûte moins cher que de réellement y aller. La fusée va vraiment décoller mais vide, tandis que les images seront tournées en studio. Ce qui selon Kelloway suffira à convaincre le Congrès que finalement, la conquête spatiale vaut bien encore quelques gros subsides. Il se fait juste que, dans le film, la fusée explose et il est donc question de buter ensuite les cosmonautes, vu qu'il serait plutôt embêtant qu'un politicien ou un comptable du gouvernement les croise quelques jours plus tard dans un mall en train de s'acheter des pantalons mauves en velours côtelé (OJ Simpson est l'un des cosmonautes en question!). Si le film est donc plutôt mauvais, on reconnaît tout de même là une idée depuis resservie régulièrement : la NASA n'est qu'un gouffre à subsides qui ment depuis plus de 50 ans juste pour convaincre les politiciens de lui gonfler la tirelire ! Autre point amusant, bien réel celui-là : un modèle mathématique a depuis établi que pour être pleinement efficace, une conspiration cherchant à cacher le fait que nous n'avons jamais été sur la Lune aurait du exiger le silence de 411 000 personnes. Ce même modèle dit aussi que ça n'aurait de toutes façon fonctionné que quatre ans, environ. Devinez quoi ? Le premier bouquin, (qui n'a pas du tout marché à l'époque), disant que personne n'a mis le pied sur la Lune date de... 1974 ! Scénariste de Capricorn One, Peter Hyams a quoi qu'il en soit toujours maintenu qu'il ignorait totalement l'existence de ce livre.





V (1983)


La mainmise d'extraterrestres lézaroïdes sur le monde est l'une des plus bizarres théories de conspiration qui existent. Une bien vivace aussi. A la mort de la Reine Elizabeth II en septembre 2022, Facebook aurait ainsi censuré des dizaines de messages reliant la famille royale britannique à un ordre reptilien. Si des aliens à tronches de serpents ont été repérés dans la littérature de gare dès 1929, il faut toutefois savoir que les Lézaroïdes sont relativement neufs dans le bestiaire ufologique. C'est le conspirationniste David Icke, au milieu des années 90, qui a commencé à parler d'aliens reptiliens déguisés aux postes clés de la société humaine ; ce qui rappelle évidemment aussi très fort They Live de John Carpenter (1988). Ancien commentateur sportif devenu porte-parole du parti écologiste anglais, Icke part en fait ces années là complètement en saucisse et en live, se lançant dans un festival de couillonnades qui lui détruisent à vie sa réputation. Quelques mois après avoir émi que Bill Clinton était un lézard de l'espace, il accusera ainsi le film Schindler's List de n'être que pure désinformation, avançant même que certains riches Juifs, dont les Rotschild, ont en réalité financé l'Holocauste. Viré des Verts, il fera ensuite une longue et profitable carrière, toujours en cours en 2023, dans le conspirationnisme ; vendant des bouquins et des conférences développant l'idée d'une cosmologie compliquée où des races d'aliens et des êtres inter-dimensionnels, les Archons et les Anunnaki, se disputent la race humaine.


C'est aussi à David Icke que l'on doit l'idée de sacrifices d'enfants parce que ceux-ci produisent une hormone au moment de mourir considérée comme savoureuse par ces êtres venus d'ailleurs. Selon des spécialistes ayant étudié ses dires, sa théorie des Lézaroïdes n'est toutefois pas directement pompée de V mais bien de Zecharia Sitchin, un écrivain new-age à qui certains ont aussi attribué une grande influence sur Raël. A noter que V pompe de son côté aussi pas mal d'autres œuvres, notamment, et sans trop se fouler d'ailleurs, la trame générale du génial « Enfants d'Icare/Childhood's End » d'Arthur C. Clarke mais en remplaçant les aliens-démons par des aliens-serpents et leur rôle dans l'évolution humaine par une simple occupation territoriale doublée d'une volonté d'exploitation des ressources. Autrement dit, dans V, série produite produite et diffusée dans l'Amérique de Ronald Reagan, les Aliens-Lézards rappelaient surtout les nazis du passé, non sans lourdeur d'ailleurs, les parallèles étant aussi grossiers que surlignés. Chez David Icke, par contre, les Aliens-Lézards rappellent surtout les Juifs des Protocoles des Sages de Sion; ce qui est une critique récurrente de ses élucubrations; son fond de commerce étant souvent accusé d'antisémitisme pur et simple.





The Manchurian Candidate (1962)


Sommet du film paranoïaque anti-Rouges, The Manchurian Candidate pimente l'idée d'une cinquième colonne communiste infiltrée sur le sol américain en imaginant que celle-ci est constituée d'anciens soldats prisonniers de la guerre de Corée dont le cerveau a été lavé pour se transformer en tueurs dès qu'activés par un code spécial. Bref, plus aucune confiance possible puisque même les héros nationaux et autres médaillés devenus politiciens peuvent se transformer en armes ennemies, à l'insu de leur plein gré. Flop commercial retiré des écrans après l'assassinat de JF Kennedy quelques semaines plus tard, ce qui a d'ailleurs donné lieu à une suspicion conspirationniste voulant que Frank Sinatra, son producteur et acteur principal, avait quelque-chose à cacher; The Manchurian Candidate a depuis propagé l'idée que des ordres hypnotiques peuvent être activés à distance pour générer des attaques terroristes. Aux Etats-Unis, les assassinats de Robert Kennedy et John Lennon, ainsi que la tentative de tuer Reagan, ont ainsi été attribués à des « Manchurian Candidates ». J'ai aussi déjà vu expliquer que ça devait également être des enroules du genre qui faisaient que des petits dealers de shit se convertissent à l'Islam en quelques semaines et descendent ensuite avec des couteaux de cuisine dans les rues. Il n'est pas non plus impossible que l'idée de messages subliminaux, notamment satanistes, sur les disques de métal, découlent également et de façon très détournée, de The Manchurian Candidate. D'autant que si le film est aujourd'hui bien connu et a fait l'objet d'un remake, de parodies et même d'une adaptation en comédie musicale, il a longtemps été plutôt rare, peu visible dans les salles et ne passant que très sporadiquement à la télévision, à des heures tardives. Autant dire que c'étaient là les conditions idéales pour que ses idées imprègnent les esprits sans que ceux-ci ne se souviennent précisément d'où elles viennent.




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