mardi 28 mai 2013

SHEEPS ON BUZZ



Je n'en peux plus de la culture buzz. En début d'année, je suis parvenu à me disputer avec ma petite amie de l'époque au sujet du Gangnam Style, sur lequel je n'avais aucun avis, sur lequel je me refusais d'avoir un avis, sinon que c'était encore pire que le pire des lolcatz. Elle a trouvé le boycott chié, prétentieusement élitiste, et pas non plus très logique venant d'un chroniqueur dont une bonne partie des activités médiatiques consiste justement à repérer certains buzz et à émettre un avis dessus. On s'est bien pris la tête. Un peu plus tard, quand tout le monde s'est mis à déconner avec Harlem Shake, mon seul désir, c'était de coller cette musique de nazes sur des images de gens qui marchent tranquillement dans les rues de Tel-Aviv ou de Bagdad et puis une bombe explose et ils se transforment tous en charpie et c'est la panique totale. Le Harlem Shake définitif, selon mon sens de la provoc.

Daft Punk, c'était différent, vu que je milite contre depuis tellement longtemps, j'avais mon mot à dire. Et puis, voilà Stromae et là, j'ai juste envie de déménager dans l'Himalaya. Je m'en contrefous de Stromae, pourtant. Je ne le trouve pas scandaleux, ni même dénué de talent, mais ses affaires ne me parlent pas du tout. C'est de la variété française, faut laisser ça à 50 ° Nord. Moi, je me spécialise dans le catalogue Born Bad. Je n'en pense dès lors rien et je n'ai rien à en dire. Je n'ai à vrai dire surtout pas envie d'en penser quoi que ce soit. Parce que le temps que je pourrais accorder à Stromae est du temps perdu pour autre chose. Seulement, voilà, il se fait que Stromae s'invite dans ma conscience au pied-de-biche et je le vois donc forcément comme un intrus, un voleur de temps. Ca pourrait chier mais j'ai assez de recul pour reconnaître que ce n'est pas Stromae, l'ennemi. C'est le buzz.

On est peut-être à un tournant. Je n'en sais rien. J'aimerais que cela soit le cas. J'aimerais même contribuer au renversement complet de cette façon dont fonctionnent actuellement les médias et les réseaux sociaux. Gangnam Style, Harlem Shake, Daft Punk et Stromae, c'est carrément l'overdose, et ce n'est pas du tout une simple question de goût de ma part. Le rejet du buzz serait identique si se propageaient de la même manière des choses que j'aime. Parce que moi, je fonctionne encore et toujours sur le bon vieux principe de la prescription. Que ce soient des coiffeurs comme le gars de Cut Me et ses conseils post-punk de oufs, des amis, des magazines, des sites ou des blogs, j'écoute les recommandations culturelles de gens que j'estime calés dans leurs domaines et il n'est d'ailleurs jamais certain que l'on soit totalement du même avis. C'est le bon et sain vieux principe du bouche-à-oreille et il n'a strictement rien à voir avec des emballements médiatiques incontrôlables où tout le monde aime la même chose et a un avis voulu définitif sur le sujet le plus vite possible par crainte d'être une demi-seconde en retard sur la concurrence et de passer pour un débile réactionnaire sur Facebook et Twitter. Le bouche-à-oreille est une transmission de savoir, le partage des bons plans. Le buzz, c'est du personal branling collectif, l'équivalent on-line du virus de la tremblante du mouton. Pas besoin d'un dessin, ni de lignes supplémentaires à ce billet. Je pense que l'on sera tous d'accord, mis à part quelques nazes communiquants, sur le fait qu'il est plus que temps d'y trouver un vaccin. Formidable, non, le challenge?
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mardi 14 mai 2013

#VILLE DE MERDE AFTER ALL












Tiens, on dirait du Jean Quatremer dans le Libération de ce 14 mai 2013 !?!

« Et puis aussi : urbanisme sauvage, absence de tout civisme (ce n'est pas du militaire, ni du patriotique que je parle), police médiocre et sans doute pire que médiocre, bourgmestre puritain et timoré, bureaucratie fanatique, conservatisme intellectuel, lois hypocrites sur la pudeur, la prostitution, les consommations d'alcool ou de haschich, grisaille culturelle systématiquement entretenue par des poursuites fréquentes intentées contre des théâtres, des librairies, des discothèques. »

« La police bruxelloise (nous mélangeons sans complexes les divisions, les brigades, les commissariats) pourrait paraître à première réflexion assez semblable à la ville : sans qualités ni défauts trop insupportables. Ni spécialement affable, ni spécialement brutale, elle réflète bien l'insouciance de la mentalité belge, qui suit l'étranger sans trop de retard, mais ne le précède jamais. Bref, une police dont le citoyen ne se soucie pas trop. Pas au point, en tous cas, de réagir avec l'imagination, la décision et la solidarité d'une revue de consommateurs : on laisse faire. »

« Eclairage sinistre, confort approximatif, fréquence irrégulière, suppression de certaines lignes le soir ou le week-end, arrêt de tout trafic la nuit, réseau sybillin pour l'étranger ou l'usager occasionnel, absence de tout guide des transports en commun et indication insuffisante des itinéraires, de la dénomination des arrêts... Il faut du culot, pour oser transporter les gens de cette façon là (...) Le plus surprenant est la passivité des usagers qui semblent bien supporter le mépris avec lequel on les traite. En attendant, ces mauvais trams polluent la ville aussi sûrement que la bagnole. Pire : ils continuent à en encourager l'usage. »

« Vie nocturne : indéfinissable, inconsistante, dispersée, elle existe pourtant, et ne se porte même pas si mal, si on la compare à celle d'Amsterdam ou de Copenhague. Il est vrai que si l'on songe à New-York, Paris, ou Hambourg, les nuits bruxelloises sombrent dans le dérisoire. Anvers même écrase la capitale, avec ses bistrots souvent bourrés, ses boîtes increvables qui connaissent des carrières de dix ou cinquante ans, alors qu'il n'est pas rare à Bruxelles de voir des clubs à succès couler corps et biens après un an d'exploitation. »

Hé ben non, ce sont des extraits du Guide Tendancieux de Bruxelles, signé Pierre Bartier et Picha, éditions Volkaer, et ça date de... 1974 !!!
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lundi 6 mai 2013

GONZOZO 2013


Chaque année, je me fais interviewer sur le gonzo, les blogs ou le journalisme précaire par des étudiant(e)s, belges mais aussi parfois français. Voici la cuvée 2013. Il me semble que je ne dis pas que des conneries mais il vous est permis de me détromper, huhu.

Est-ce que vous vous revendiquez gonzo ?
Parfois mais c'est plus un clin d'oeil, voire une provocation, qu'une véritable revendication. J'ai dans le milieu journalistique une relative réputation de gros râleur alcoolique, voire drogué, ingérable et pointilleux, donc j'ai tendance à surjouer avec ce cliché, parce que cela m'amuse et que cela éloigne les cons. J'ai beaucoup lu Hunter Thompson, il me fait bien marrer mais ce n'est à vrai dire pas du tout mon Dieu. Mes véritables claques en matière de journalisme littéraire sont plutôt George Orwell, Jack London, Ryszard Kapusinski, Michael Herr, Albert Londres ou, du côté de la littérature de voyage, des gens comme Bruce Chatwin et Paul Theroux. Je parle là en tant que lecteur. En tant que chroniqueur, mes influences sont extrêmement variées : cela va du Rapido d'Antoine de Caunes dans les années 80 à ce que déblatèrent les racailles dans le bus, en passant par le ton du Nova Magazine du début 2000 ou même les Guignols de l'Info sous Balladur. Dans ce que je publie, il y a, selon les coups, une petite pincée ou une grosse louche de gonzo, mais ce n'est pas forcément l'ingrédient principal.

Avez-vous toujours écrit comme ça ?
Si j'en ai l'occasion et la permission, oui. Mais je suis aussi copywriter et même dans la presse,
si le support se veut plus grand-public et « sérieux », j'adapte mon écriture. Je ne suis pas le Dernier des Mohicans et encore moins le défenseur acharné ou l'héritier revendiqué de quelque chapelle que ce soit.

La manière dont vous écrivez vos articles et chroniques a-t-elle été bien reçue par le public et dans les rédactions pour lesquels vous avez travaillé?
A vrai dire, je n'ai jamais vraiment cherché à le savoir. De toutes façons, je crois que la franchise de ma grande gueule et mon esprit très critique m'aliènent plus de clients et d'employeurs potentiels que la teneur ou la portée de ce que j'écris. Me foutre publiquement de la gueule d'un journaliste sur Facebook ou sur un blog m'a toujours fermé plus de portes que mes articles. Que cela soit dans les rédactions ou venu du public, j'ai entendu tout et son contraire sur ce que j'écris et, en gros, je n'en ai sincèrement pas grand-chose à foutre. Ca me fait bien sûr plaisir quand les gens aiment ce que je fais mais je dois bien avouer ressentir également souvent pas mal de satisfaction lorsque je me fais détester. Dans un cas comme dans l'autre, cela ne m'empêche pas de dormir le pouce en bouche.

Il y a des gonzos francophones que vous admirez, ou du moins que vous respectez ?
Si on s'en tient au gonzo français selon Wikipedia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Journalisme_gonzo ), je dois reconnaître que je n'en ai pas lus beaucoup. J'ai la plus grande admiration pour le travail de Philippe Garnier et j'adorais Philippe Manoeuvre dans Sex Machine et Métal Hurlant quand j'étais ado, car il me faisait pisser de rire. Yves Adrien et Alain Pacadis, je les estime quant à eux plutôt surestimés, voire carrément nuls.

Existe-t-il en Belgique une presse gonzo, ou une presse qui utilise certains aspects du gonzo ?
Chez les Flamands, je pense... mais je ne suis plus vraiment ce qui se passe en Flandre, donc il faudrait creuser. Humo a été un putain de bon magazine, très influent, très percutant, il y a quelques années, et je suppose qu'il reste des traces de cette qualité. En Wallonie et à Bruxelles, par contre, la presse est un cadavre. Donc, à priori, non.

Est ce qu’il y a vraiment eu une presse gonzo en France et en Belgique dans les années 60-70, à part dans les fanzines ?
En France, oui, avec Actuel et la presse rock. En Belgique francophone, pas vraiment, bien que des types comme Bert Bertrand, Gilles Verlant ou même Philippe Cornet aient plus ou moins flirté avec le concept, à un moment ou un autre de leurs carrières. En Flandre, je pense que l'idée est plus diluée dans le mainstream, parce que les médias y sont généralement nettement plus influencés par ce qui se fait en Amérique et en Angleterre que du côté francophone, où on adapte plutôt péniblement les tendances françaises.

Pensez vous qu’en France et en Belgique le public est moins réceptif au gonzo que chez les Ricains?
Oui, c'est plus marginal. En Angleterre et aux USA, il y a des figures médiatiques modernes qui sont clairement gonzo, comme Jon Ronson, Louis Theroux ou ce journaliste qui a vécu un an dans le New York contemporain selon les préceptes de la Bible. Ils vendent leurs droits à Hollywood, ils sont connus, ça cartonne. C'est clairement de l'infotainment mais il n'y a rien à redire, vu que c'est fait avec talent et semble même respecter une certaine éthique. Ces mecs là sont pop, sortent des blagues, jouent avec l'info qu'ils récoltent. C'est décomplexé, à la fois marrant et informatif. A ma connaissance, on n'a pas d'équivalent notable. Ici, soit le journaliste embarque une caméra cachée pour piéger un médecin malhonnête comme si c'était le Nixon du Watergate, (alors qu'au fond, on s'en branle), soit c'est le trip Florence Aubenas qui va vivre chez les pauvres pendant 6 mois et en sort un bouquin voulu humaniste et militant, donc chiant. Louis Theroux a fait une émission de télé assez marrante sur sa vie chez des néo-nazis américains, qui les présentaient comme d'aimables abrutis. Je crois que personne n'oserait faire ça en France, mélanger légèreté et humour dans un documentaire sur un sujet pareil. Au contraire, chaque fois qu'un journaliste s'infiltre au Front National, c'est pour sortir un document « plein de vérités », blablabla, sur « le retour de la peste brune » plutôt que de royalement se foutre de la poire de ces gros cons.

Je pense que c'est une question de regard, de formation mais aussi d'hiérarchisation de l'info récoltée. Le bouquin d'Aubenas, il y avait certainement moyen d'en faire un truc bien rock and roll, rigolo et malgré tout coup-de-poing, véridique et triste, quasi gonzo donc, avec exactement les mêmes infos. Un pauvre, ça dit quand même des conneries, c'est pas toujours malin, mais c'est quasi tabou de dire ça, donc on le présente comme une victime de la société. C'est un autre storytelling que les Anglo-Saxons, un autre regard, d'autres préjugés même. Je pense aussi que le gonzo et le nouveau journalisme américains des sixties sont au fond assez mal connus chez nous, ne fut-ce que parce que pas mal de bouquins n'ont jamais été traduits, ou mal traduits, ou alors sont épuisés. Qui connaît Terry Southern en France ? Qui connaît le White Album de Joan Didion en Belgique, alors qu'il n'a été traduit, et partiellement encore bien, qu'il y 3 ou 4 ans, suite au succès de l'Année de la Pensée Magique ? Il y a une méconnaissance, une méfiance même de ce type de journalisme en France et en Belgique. C'est assez paradoxal parce qu'un grand prix de journalisme, c'est le Prix Albert Londres. Or, quand on lit Albert Londres, c'est un mec qui écrit énormément à la première personne, interroge les gens au bistrot, partage ses impressions et dans le cas de la traite des blanches ou des conditions de vie au bagne, utilise même son pouvoir de journaliste pour influencer la suite des évènements. Bref, c'est assez gonzo, même si le Prix Albert Londres récompense aujourd'hui le plus souvent des journalistes qui sont aux antipodes de sa façon de procéder.

D’ailleurs est ce qu’on peut vraiment encore parler de gonzo aujourd’hui ? Ça ne serait pas un bel anachronisme ?
Le gonzo, c'est un truc bien marrant mais mort et c'est très bien que ce soit mort. C'est de la blague, de la forfanterie bourracho des seventies. Le travail de Thompson est partagé entre des couillonnades tenant de la blague de bistrot et des articles ou des livres beaucoup plus travaillés qui s'inscrivent dans une tradition de journalisme littéraire qui remonte à London, Orwell, Hemingway, aux récits d'explorateurs et d'aventuriers, à Truman Capote. Je pense que ce qui comptait pour lui, c'était une certaine qualité d'écriture, le plaisir de lecture, la confiance dans l'intelligence du lecteur et de faire part de ses observations et de ses expériences de la façon la plus cash possible. Le gonzo, c'est la justification de la défonce et de la biture, l'emballage, rien de très passionnant. Le reste, le gros morceau, ce n'était que de journalisme nettement plus traditionnel que révolutionnaire. C'est cela qu'il faut retenir. Le gonzo plus folklorique, il faut l'updater, si on le veut vraiment : tenir compte du net, des moyens de défonce actuels, des limites du concept aussi. 

Est ce que ces mouvements de journalisme extrême correspondent à un contexte particulier? Dans les années 60-70, c’était la recherche maximale de liberté.
Ce n'est pas du journalisme extrême, c'est du journalisme réactionnaire, au bon sens du terme. Je ne pense pas que Tom Wolfe, Thompson, Didion, Norman Mailer et les autres figures du nouveau journalisme américain cherchaient la liberté maximale. Comme leurs éditeurs et les commanditaires de leurs articles, ils cherchaient surtout à se démarquer, s'amuser,  reluire leur égo démesuré dans le cas de Mailer, proposer autre chose que la merde en pot qui se publiait à l'époque. Eux, ils voulaient se la jouer Hemingway ou Truman Capote plutôt que de pisser de la copie, revenir à certains fondamentaux du journalisme, en inventer de nouveaux en phase avec l'esprit de l'époque. La presse était déjà en crise, surtout à un niveau éthique et moral. Ce n'est donc pas un hasard que l'on reparle autant de gonzo en ce moment, parce que les médias sont à nouveau en crise, d'aileurs partiellement pour les mêmes raisons. Vous sortez d'une école de journalisme avec de grandes idées et la réalité du boulot, c'est de pisser de la copie de merde. Vous avez Internet, des idées et des modèles, éventuellement de l'argent. Vous proposez dès lors un truc en réaction et comme vos potes se font bousiller par le Système décadent en place, vous avez La Rage. C'est la même logique, je pense.

Aujourd’hui, ça ne serait pas tout ce qui vient avec Internet ? Ce journalisme de brèves, la course à qui publiera l’actu en premier, mais sans la creuser plus que ça, des flux d’informations dans tous les sens, la malinformation qui se répand aussi vite que la malbouffe… Et donc une envie de journalisme plus long, plus lent, plus littéraire ?
Les mooks sont clairement une réaction au journalisme de brèves mais le journalisme littéraire n'est pas forcément gonzo. Chez XXI, je ne suis pas certain que qui ce soit en ait à foutre de Thompson, ils sont plutôt dans un trip qui descend de Joseph Kessel et Ryszard Kapusinski. Mon impression, c'est que cela ne s'oppose pas comme la malbouffe et la gastronomie. C'est plutôt parallèle. De l'info directe et mal foutue et puis, pour ceux qui veulent fouiller, du travail de plus longue haleine.

Employer la première personne, insertion vos pensées et vos opinions, langage parfois ordurier, relater ce que vous ressentez, voyez, entendez… Est ce que tout ça, ça rend l’information, le fond d’un article plus attractif aux yeux du lecteur?
Pas forcément. Mal fait et même Thompson l'a souvent très mal fait, c'est plus pénible qu'autre chose. Il faut avoir des choses à dire et toujours garder à l'esprit qu'il y a des choses intéressantes à partager et d'autres qui n'ont pas grand intérêt. Dans Limonov d'Emmanuel Carrère, je trouve par exemple les passages où Carrère parle de lui assez superflus, même s'ils expliquent très bien la fascination du bobo de base parisien pour une figure extrême. Le bouquin est génial mais ces justifications sont vraiment masturbatoires. Si un mec prend le temps d'écrire un bouquin pareil, on se doute bien qu'il est fasciné par le sujet, pas besoin de le rappeler toutes les cinquante pages, haha.

Le bon journalisme, c’est forcément celui qui sera le plus objectif?
L'objectivité dans le journalisme, c'est un débat sans fin, qui tient presque du parti-pris philosophique. Personnellement, je ne crois pas à l'objectivité dans le journalisme. Lors des attentats de Boston, j'ai entendu je ne sais combien de journalistes répéter qu'ils avaient l'impression d'être dans une zone de guerre. Combien d'entres eux connaissent la réalité d'une zone de guerre ? En quoi cette comparaison était légitime ? Un attentat à la bombe ressemble à un autre attentat à la bombe, ils auraient donc très bien pu parler de scènes comparables avec ce qui se passe dans les bus et les pizzerias israéliennes mais ils ont parlé de zone de guerre, ce qui sous-entend une action militaire, une occupation, une action planifiée et visible. Bref, parler de zone de guerre dans ce cas-là, pour moi, c'est déjà dévier de l'objectivité et ce n'est là qu'un tout petit détail repéré dans tout ce qui se dit et se lit aujourd'hui et est pourtant censé être parfaitement objectif.

En tant que bloggeur, vous pensez que le gonzo sur Internet a moins de légitimité que sur le papier?
Je ne me pose pas ce genre de questions. A partir du moment où une écriture est pertinente, peu m'importe le support. Net contre papier est un débat pour lequel je n'ai pas le moindre intérêt.

Vice magazine, c’est le digne héritage du gonzo (même si ils ne revendiquent absolument pas cette filiation)?
Vice Magazine est à bien des égards fascinant et marquera certainement l'époque mais je n'y vois absolument rien de digne. Ils sont même carrément champions pour griller des sujets en or, avec leurs articles superficiels torchés en semi-mongolien. Dire que ça descend du gonzo est sans doute vrai mais ça descend du gonzo comme Closer descend de Kenneth Anger. C'est un produit pute fait pour ramasser la maille et glorifier le néant, pas élever ou éclairer les esprits et encore moins chercher à faire avancer le journalisme. 
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samedi 20 avril 2013

COMMENT JEAN QUATREMER M'A RUINER LE LOL, L'ENKULE





Vie de merde, ville de merde. En faisant part sur ce blog dimanche dernier, le 14 avril, de ma lassitude d'habiter Bruxelles et du dégoût de ce qu'il s'y passe au quotidien, il s'agissait surtout de lancer une idée collaborative à exploiter. Celle d'une parodie du site Vie de Merde. C'est mon genre d'humour, cela m'amuse, et il n'aurait nullement été question de partager des aigreurs et des solutions qui, si elles existent, me restent avant tout personnelles et privées. Au contraire, cela aurait été de la bonne rigolade à la Snuls. Esprit zwanzeur, humour trash, grosses louches critiques, Radio Vipère. Point.

Ce vendredi 19 avril, sur Twitter, le journaliste Jean Quatremer s'est mis à utiliser à outrance le hashtag #villedemerde dans un esprit sensiblement différent, et cela a excité pas mal de trolls que je trouve particulièrement mongolos, une belle bande de gros beaufs. Des hooligans de réseaux sociaux qui défendent l'honneur de Bruxelles comme celui d'une équipe de foot. C'est stupide, bas de plafond, un peu effrayant même. Je n'ai aucune envie d'être associé à cela et c'est pourquoi je mets aujourd'hui fin en urgence à cette idée de parodier le site VDM de quelque façon que ce soit.

Entendons nous, sauf pour déconner, je n'ai rien à redire à Quatremer, avec lequel je suis évidemment quasi entièrement d'accord sur Bruxelles. Je ne revendique nullement la paternité de #villedemerde et je n'accuse pas (sérieusement) Quatremer de m'avoir piqué le concept. Je tue l'idée dans l'oeuf parce que je n'avais envie que de bonne et saine rigolade, pas d'être associé à un débat avec un tas de gros moisis du cerveau. Je n'ai pas le centième de l'audience de Quatremer (388 followers contre plus de 45 000). Or, fort de ce lectorat, quand il emploie #villedemerde, dans l'esprit des gens, cela devient DE FAIT son bouzin, même si d'autres, anos ou micro-célèbres, l'utilisaient avant lui, avec peut-être eux aussi certaines idées et ressorts comiques à exploiter. Depuis vendredi, tagguer #villedemerde en parlant de Bruxelles revient donc à participer à SON débat. C'est la loi du web, c'est comme ça, très Far West et je m'y plie, sportif. Que cela soit déplorable ou non en est un autre, de débat, mais celui-là non plus, je ne suis pas certain d'avoir fort envie d'y participer.
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vendredi 15 mars 2013

BOWIE MAIS NON...




Je suis assez sidéré par la bouffonnerie sidérale que donne à entendre David Bowie sur The Next Day. Je crois que c'est l'un de ses disques les plus mauvais de sa carrière, avec Never Let Me Down et Reality. Peut-être est-il même pire ? LE PIRE ? Fondamentalement, c'est un truc de parfait has-been, de mec qui aurait du arrêter en 1985 (sur Absolute Beginners, sa dernière vraie merveille, mis à part Little Fatman, sa chanson dans The Extras, haha). The Next Day cartonne alors qu'il est tout aussi pitoyable et anodin que le dix-septième album des Stranglers sorti l'an dernier ou le So, Who's Paranoid ? des Damned de 2008. C'est kif-kif, du piètre travail d'anciennes idoles dans la panade. On a aimé ces mecs parce qu'ils sonnaient différents, dangereux, qu'ils présentaient un certain challenge intellectuel et même moral, qu'ils charriaient des plaisirs interdits, nous emmenaient dans des mondes inconnus, nous liaient à des arts, des personnages et une littérature excitants. En plus de sonner d'enfer. Après une telle fiesta dans les cages à miel, un tel retournement de cerveau et de coeur, who gives a damned flying fuck de leurs envies FM ? De leurs trucs de vieux clowns calés sur leurs vieilles blagues d'un autre siècle ? Des raisons fiscales pour lesquelles ils sortent encore des disques ou, dans le cas de Bowie, combien de plans sociaux la sortie de The Next Day évitera au petit personnel de Columbia ? Ce que j'aime chez Bowie, je le trouve aujourd'hui chez Matthew Dear et MGMT. Ce que j'aurais aimé du vieux Bowie, c'est qu'il joue dans Inception, davantage au théâtre, fasse peut-être un peu plus de trucs avec David Lynch, embarque un orchestre contemporain, Pantha du Prince ou Gonzales, prenne des risques de dandy, soit curateur d'une ATP, enregistre des audiobooks d'Orwell. Vieillisse bien, en d'autres termes, en toute élégance, comme Scott Walker, idole et néanmoins rival, et non pas comme un énième gros connard de baby-boomer sarkozyste incapable de raccrocher, se singeant jusqu'à sentir la vieille banane. J'ai autant de douleurs à l'oeil que si il y était collé une sucette et d'aigreurs à l'estomac que si je digérais le sperme à Mick Jagger quand je lis que David Bowie bataille aujourd'hui pour la tête des charts avec... Jon Bon Jovi. Ambiance « dernière panne à caca de libre» au service gériatrique. Je pense surtout que lorsque l'on a été rival de Roxy Music et T-Rex au zénith de leurs grâces et de leurs génies, disputer le sèche-cheveux à Bon Jovi, ça tape la honte du millénaire. Bien qu'un mec qui greenlighte une pochette aussi wtf que celle de The Next Day doit en fait être totalement insensible au sentiment de honte. (Non mais allô, quoi ? T'es graphiste et tu te permets ça ? Allô ?). 

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mercredi 6 mars 2013

ABOULE UN PEU UN CLOPE, DIS...



Je n'avais jamais entendu parler de Mick Farren avant de croiser un exemplaire de son autobiographie, Give The Anarchist A Cigarette, mis en avant sur un présentoir de Heffers, la grande librairie de Cambridge. Il faut savoir une chose importante, c'est que malgré sa réputation de havre de lumières et de sciences, Cambridge, c'est la province britannique dans toute sa banale et grise horreur, avec ses magasins d'anoraks et de petits pulls à la Jean-Pierre Bacri, les pochetrons au pub et les salons de thé blindés de sosies de Martha Stewart. Les colleges et l'université attirent du monde, c'est aussi un pôle important dans la production de jeux vidéo, mais pour le reste, c'est une ville minuscule à peu près sans aucun intérêt, certainement pas touristique. Comme souvent dans ce genre de cas zéro, un certain sens poussé du régionalisme fait que les habitants tentent de faire rayonner la réputation de leur  trou à rats par des chemins aussi tortueux que souvent maladroits.

Mick Farren est né à Cheltenham et a passé l'essentiel de sa vie à Londres, New-York et Los Angeles. Son seul rapport avec Cambridge, vu que je ne suis même pas sûr qu'il y ait un jour foutu un pied, c'est que certains de ses amis musiciens ont un moment joué avec Syd Barrett. Le premier chanteur de Pink Floyd est quant à lui carrément la grande icône rock de Cambridge, où il a vécu une majorité de sa vie. Evidemment, Barrett a surtout vécu à Cambridge largué du monde réel, le cerveau grillé, reclus dans la maison de ses parents  durant des décennies entières. Quand Barrett était un dieu vivant de la pop, il n'avait plus aucun rapport avec la ville et si l'abus de LSD n'avait pas grillé ses neurones, il n'y serait sans doute jamais revenu. Je me demande dès lors toujours pourquoi quelqu'un du personnel de Heffers a cru bon de placer la bio de Farren sur un présentoir mettant en avant des gens qui sont nés à Cambridge, y ont vécu ou étudié.


Enfin soit. Le bouquin est extrêmement drôle, ce qui est assez rare dans la littérature rock pour être souligné, et ce qu'il raconte des sixties est de nos jours largement méconnu, donc forcément plus passionnant qu'un énième radotage sur les Beatles ou Led Zeppelin. Durant les années hippie, ce Farren était une figure de l'underground britannique mais malgré l'abus de drogues hallucinogènes et de petites pépées, il n'est pour ainsi dire dans ce livre jamais question de peace & love. Au contraire, ce qu'il raconte de la décennie 1964-1974 tient carrément de l'épopée punk. La drogue rend parano, les concerts tournent mal, le bad trip est quasi continu. Farren monte un groupe, The Social Deviants, qui galère et dont le split pathétique au Canada préfigure la démise miteuse et camée des Sex Pistols, plus tard, à San Francisco, en 1978. Les magazines pour lesquels il écrit collectionnent les procès pour obscénité. Il y a des bagarres, avec des mods, des bikers, des flics, pour ainsi dire la société toute entière. Il y a vraiment un souffle vénéneux et hargneux dans ce bouquin qui donne une idée bien différente de celle généralement admise de ces années là. On en ressort surtout avec l'idée que quelle que soit la « révolution » musicale en cours, on y retrouve toujours les mêmes ingrédients. Pas besoin de kiffer le Floyd et Soft Machine pour apprécier Give The Anarchist a Cigarette, donc. Un punk ou un raver peut très facilement également s'y retrouver. Moi, en tous cas, j'ai kiffé grave. 

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jeudi 21 février 2013

LE DECLIC DE LA TYRANNIE



L'autre jour m'est tombé sous les yeux un exemplaire de Ciné-Télé Revue où, le temps d'une interview exclusive, Laeticia Delhez se plaint que sur Facebook, elle se fait souvent basher par des trolls du net du fait de ses tenues légères, aux bras nus. Certaines personnes semblent estimer que si peu de tissu, c'est indécent sur une femme ayant été violée, et ne se privent pas de le faire savoir sur les réseaux sociaux.

Ma première réaction, ça été : putain, on va où là ?

La deuxième, de me demander pourquoi diable Laeticia Delhez s'affiche sur Facebook en mode public ?

La troisième, de me rendre compte que de lui reprocher ses bras nus et de ne pas cadenasser ses profils on-line, c'est fondamentalement kif-kif-bourricot. C'est lui interdire une vie normale, décider à sa place ce qui est mieux pour elle. Le déclic de la tyrannie.

Dans ce contexte chargé où les torchons belges en refont des tonnes et des tonnes bien putassières sur l'Affaire Dutroux, m'est aussi tombé sous les yeux ce que je pense être l'une des choses les plus traumatisantes, intelligentes et marquantes de ces dernières années : White Bear, le deuxième épisode de la seconde saison de la série  britannique BlackMirror, peut-être carrément le meilleur du lot, même si la qualité d'ensemble est tellement exceptionnelle qu'il est dur de trancher. Le rapport avec Dutroux, les vindictes populaires sur réseaux sociaux et le cirque médiatique qui perdure depuis 15 ans est évident mais l'expliquer ici serait dévoiler un twist final complètement ouf, carrément pervers, bien qu'au fond très humaniste. Cet épisode peut ressembler à un remake de film apocalyptique, du Prix du Danger, de La Traque, voire même tenir du torture porn. Ca n'en reste pas moins la critique la plus acerbe des lynchages symboliques modernes qu'il m'ait été donné de voir. Et ça donne juste envie de fermer sa gueule plutôt que de jouer la carte de l'empathie envahissante et de la tyrannie du bien sur le web. Ou celle de la vindicte, du soutien de la punition ultime. De ne pas participer à ce cirque malsain, en tous cas.
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