lundi 8 août 2011

LA TAGO-TAGOTHEQUE DU GENDARME



Si on me demande mon avis sur le tag et les graffiti, c'est bien simple, j'en ai pas. J'aime bien, j'aime pas, selon les pièces, selon l'esprit, mais sur les questions de fond, j'ai tendance à rester flan, très superficiel. Est-ce que c'est du vandalisme ? Oui, bien sûr, et c'est ça le kif. Est-ce que c'est de l'art ? Ca dépend. Est-ce que cela doit rester illégal ? Je m'en branle un peu. Est-ce que cela doit devenir légal ? Ce serait affadi. Est-ce que cela m'agresse ? Non, quand c'est de la contestation maline et du démontage bien wild. Oui, quand c'est de la simple signature de crapules. Tu aimes Banksy ? Evidemment. Et les poulets, ils en pensent quoi ?

Des sourires et Bonom
Dimanche 7 août 2011, 15h00, avec 40 autres personnes environ, je suis assis dans une salle de classe du Musée d'Ixelles et au tableau noir, s'expriment deux représentants de la Cellule Tag de la Police Bruxelloise. Cela fait une heure qu'ils causent et c'est franchement surréaliste. De par leur accoutrement d'abord : l'un porte un t-shirt un peu trop flashy, du genre qui se dégotte à Matongué, griffé Barack Obama Agent 008, et l'autre est tout boudiné dans son tee de môme représentant Darth Vader et Boba Fett en designer toys. Ils n'ont pas l'air de mauvais bougres, cela dit, encore que je ne leur prêterais pas un Stabilo. Quelque part, je me dis qu'ils doivent descendre de ces flics qui infiltraient les mouvements hippies tout en gardant leur amour pour les vestes de cuir courtes et les jeans aux ourlets cousus. Une joke qui nous fait bien marrer, mon pote et moi.

D'ailleurs, on n'arrête pas de se marrer, festival de vannes. Pas spécialement à l'encontre des flics, le temps de parole publique étant caviardé par une espèce de clochard à chapeau plumé complètement cinoque et passablement énervant qui nous sort commentaires déplacés sur commentaires déplacés ainsi que par un vieux type habillé en chasseur du dimanche qui croit savoir que « Bonom est protégé par des représentants des hautes sphères », ce qui expliquerait qu'il ait été relâché alors que ce « vandale » méritait une très lourde peine. Selon ce cliché d'abonné à Père Ubu, c'est une vérité certifiée. Les flics, eux, reconnaissent plutôt avoir carrément déconné avec Bonom. Le chef parle même de cette affaire comme de son « plus grand échec personnel ». Je la connais mal, des choses m'échappent, et nos questions aux policiers donnent l'impression d'être esquivées. Ils n'entrent pas dans le détail, parlent plutôt de confiance rompue et de travail bâclé. On devine toutefois la honte bue, surtout quand ils racontent que lorsqu'ils ont amené l'identité réelle de Bonom au propriétaire d'un immeuble « visité » par l'artiste, celui-ci a refusé de porter plainte et a affirmé que la décoration gratuite de sa façade s'était avérée une publicité énormissime pour son entreprise, faisant même l'admiration de la concurrence !!! 
 



Tolérance popo
Le coeur du débat, il est là, il s'illustre via cet exemple ayant fait beaucoup de bruit à Bruxelles, il y a quelques mois. En matière de graffiti et de tags, nous sommes actuellement en Belgique dans une période de transition, d'incohérence totale et personne ne sait plus très bien quoi. Le répressif ne marche pas. Les amendes sont rarement payées. Le Parquet n'intervient quasiment plus. Certains représentants politiques réfléchissent quant à l'intégration officialisée de l'art urbain dans l'espace public là où d'autres continuent de considérer tout ce qui se retrouve sans autorisation sur un mur comme relevant du vandalisme pur et dur. La Cellule Tag parle d'ouverture, de dialogue, de réflexion, d'éviter les conflits en rapprochant les parties. Cela n'en reste pas moins des flics chargés de faire respecter un arsenal législatif qu'ils sont tenus d'appliquer, même si eux, à titre personnel, le jugent inadéquat et dépassé. Comme souvent en Belgique avec la gestion des sujets de société polémiques, c'est du chipotage. Ce n'est pas franchement légal, c'est théoriquement illégal, mais on peut éventuellement le tolérer, sous certaines conditions, dans certains endroits. Visiblement, on va toutefois vers une dépénalisation du tag et du graf. Dépénalisation, cela ne veut pas dire légalisation. Cela signifie juste que taxes et amendes vont plus tard se décider à niveau communal. Vu comment tourne le pays, cela se traduira probablement par une incohérence encore pire, la caricature du mec que l'on gronde dans une rue avec un coup de pied rigolard au cul et à qui on exige des milliers d'euros dans l'avenue d'à côté parce que là, le bourgmestre est un brin davantage vieux jeu.

Facebook sous les bombes
Motivés donc, et à priori pas trop rats, les deux types de la Cellule Tag nous la présentent comme un espace de dialogue et de réflexion. La répression totale telle qu'exercée à San Diego et Paris, ils n'en veulent pas. On comprend qu'il s'agit d'une expérience flicarde, jamais sûre de survivre aux élections ou d'être très longtemps budgétée. Mon petit doigt croit deviner qu'instaurer le dialogue a surtout du sembler soudainement important aux autorités quand il s'est avéré flagrant que la véritable guerre entre graffeurs hard-core et cow-boys du gardiennage de la STIB et de la SNCB allait beaucoup trop loin. Que, dans l'exercice de leurs fonctions, les chasseurs commettaient éventuellement des « délits » pires que les « incivilités » des chassés. Que c'était à la police de reprendre en main la gestion d'un problème urbain jusque là laissé aux mains de quasi-milices.

J'ignore si la Cellule Tag est une bonne chose ou pas. Comme pour le street-art vandale, je n'ai pas vraiment d'avis. J'ai un peu de mal à réussir à combiner dans mon cerveau l'aspect "dialogue" à la fameuse tagothèque, fichier de 700 noms identifiés, chacun en regard de leurs oeuvres. Taschen en ferait certes un magnifique bouquin mais que cela soit préventif ou répressif, cela reste quand même un putain de fichier digne de la Stasi. Et quand la Cellule Tag parle d'un blog ou d'une page Facebook officielle pour honorer la mémoire des grafs détruits ou nettoyés sur le territoire bruxellois, se profile comme un potentiel sketch des Snuls.

Comme je n'ai vraiment pas d'avis définitif sur la question, je ne me suis toutefois pas trop moqué. Malgré un surf habile entre aveux sans enjeu et langue de bois de compétition, je reconnais même que notre ami le Gardien de la Paix des Murs a finalement posé sur la table une vérité à méditer : si pour les uns, c'est de l'art et pour les autres, du vandalisme, il faut un arbitrage et cet arbitrage, c'est l'autorité, le poing de la justice dans un bottin de velours. Comme ces choses là évoluent, dans 10, 20 ou 40 ans, il n'y aura plus personne pour considérer cela comme du vandalisme et il existera sans doute une forme de street-art tout aussi officielle et banale que les statues dans les parcs. En attendant que fait la police ? Elle se gargarise d'éthique et d'idées, pas forcément en se la pétant devant pour mieux cogner derrière. Evidemment, des policiers développent des idées originales, des flicaillons merdent à la Neanderthal. Comme toujours. Dans le public, il y a sinon des vieux cons réactionnaires, des dingues, des branchés cyniques qui ricanent et une majorité de personnes qui savent à peine de quoi on parle. 

C'est la vie, à Bruxelles, un dimanche après-midi d'août dans un musée qui n'est pas non plus le plus hype de la région. Réflexions un peu provinciales, un peu bourrines, largement snully. Pour applaudir la bouche ouverte, sur la même thématique, direction Bristol.

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