Revoilà la petite pelletée de féministes 2.0 nous sortant leur petit sketch annuel au sujet du manque de femmes dans la programmation du festival d'été liégeois (largement hip-hop) Les Ardentes. Scandale à leurs yeux : « sur environ 130 artistes dévoilés, seuls 25 s'identifient comme des femmes, personnes intersexes, non binaires, trans ou agenres (Finta). »
Réponse, logique, du programmateur Jean-Yves Reumont : « Dans le milieu hip-hop et rap, qui est l'ADN des Ardentes, encore plus que dans d'autres genres musicaux, la production féminine reste malheureusement très minoritaire ».
Que le bankable du moment en matière de hip-hop commercial soit de la bite est un fait avéré. Tout comme tient également du fait inchicanable que les femmes elles aussi bankables dans le genre sont le plus souvent des mégastars impayables à la Beyoncé, Rihanna, etc... C'est la réalité du marché. Un autre fait avéré : les Ardentes sont une entreprise commerciale, pas un cursus d'éducation permanente sur la parité et les inégalités de genre.
Le festival a, me semble-t-il, choisi de se focaliser sur le hip-hop parce que c'est ce qui cartonne en ce moment, sans aucune pensée militante ou revendicatrice. Les Ardentes cherchent à être au hip-hop ce que Tomorrowland est à la culture électronique. Un festival ouvertement commercial, à la programmation axée sur le « facile ». C'est critiquable, bien entendu. Mais, justement, quand on critique Tomorrowland, c'est que l'on est généralement plutôt client et admirateur du Mutek, du Sonar ou, à un niveau plus local, du festival Listen, non ?
Des festivals à la programmation plus variée, plus aventureuse, plus osée. Avec un côté justement militant, revendicateur. On ne s'y contente pas d'une queueleuleu d'artistes connus sur TikTok faisant taper dans les mains, on y présente le panorama d'une culture spécifique : ce qu'elle a été, ce qu'elle est, ce qu'elle devient. On y pose aussi les questions de marchés, de stéréotypes, de structures, d'avenirs, d'inclusivités, de révolutions dans les têtes et les pratiques...
Autrement dit, qu'est-ce qui empêche ces collectifs féministes d'organiser leur propre festival hip-hop plutôt que de désormais chaque année chicaner la programmation des Ardentes ? Un Off, une alternative, une concurrence... selon leurs propres priorités, selon leurs propres kifs ? Durant mes vertes années, j'ai connu bien des cultures musicales alors émergentes qui furent dans un premier temps ignorées et même moquées et dénigrées par l'establishment culturel.
Le rap fut ainsi expédié comme une mode disco qui allait durer six mois, le punk comme une activité de branleurs, la house comme de « la musique de pédés », l'electro comme tenant du playback et la techno comme juste un truc de nazis drogués.
Je ne vais pas ici refaire l'histoire de chacune de ces musiques, de chacun de ses dossiers. En gros, on sait comment ça a tourné, à chaque fois : tous ces artistes, tous ces genres, se sont développés dans les marges; dans leurs mondes, dans leurs alternatives, dans l'underground, avant d'être un jour éventuellement admis, voire récupérés, par l'establishment.
Il se fait que l'idée d'un festival hip-hop paritaire me semble très utopique et une utopie culturelle, ça se travaille donc, justement, dans les marges. C'est pourquoi je pouffe quand je lis que ce collectif féministe dénonce le manque de personnes Finta dans les équipes de programmation des Ardentes comme « une des causes principales du manque de représentation de ces artistes sur les scènes des festivals. »
Parce que ça ressemble drôlement à l'arrogance de gens sortis de nulle part bien décidés à expliquer la life et un métier à des programmateurs qui ont pourtant plus de vingt ans d'expérience. Des militantes qui n'y connaissent strictement rien en matière de budgets, de ciblages de public et de transactions contractuelles avec des agents internationaux mais vont quand même aller déblatérer des généralités sur le sujet. Voire du hors-sol total. Tout cela avec derrière l'oreille l'idée de juste rafler le job des mecs en place, persuadées de pouvoir faire mieux.
Et bien, fais-le, alors. Montre que ton utopie ne tient pas juste de la rêvasserie d'un groupe Whatsapp. Rends la séduisante, convaincante. Crées ton kif plutôt que de vouloir détourner et même voler celui des autres. Rejoins la grande histoire des entreprises culturelles émancipatrices plutôt que celle des comités ronchons. Sors de ta tablée de Karen's et travaille au futur que tu désires tant plutôt que d'attendre un résultat qui ne viendrait que de pressions et de dénonciations à la Adolfa Ramirez; à l'aide de médias complices zappant toute idée de remise en cause de tes arguments neuneu, et de stories sur Instagram invisibles au-delà de ta clique braillarde.
Get a life, j'ai envie de dire.
Mais ça va encore être mal pris.