mardi 29 avril 2025

AU SUJET DE LA PROGRAMMATION DES ARDENTES : 2 MANY KAREN'S.

 

Revoilà la petite pelletée de féministes 2.0 nous sortant leur petit sketch annuel au sujet du manque de femmes dans la programmation du festival d'été liégeois (largement hip-hop) Les Ardentes. Scandale à leurs yeux : « sur environ 130 artistes dévoilés, seuls 25 s'identifient comme des femmes, personnes intersexes, non binaires, trans ou agenres (Finta). »


Réponse, logique, du programmateur Jean-Yves Reumont : « Dans le milieu hip-hop et rap, qui est l'ADN des Ardentes, encore plus que dans d'autres genres musicaux, la production féminine reste malheureusement très minoritaire ».


Que le bankable du moment en matière de hip-hop commercial soit de la bite est un fait avéré. Tout comme tient également du fait inchicanable que les femmes elles aussi bankables dans le genre sont le plus souvent des mégastars impayables à la Beyoncé, Rihanna, etc... C'est la réalité du marché. Un autre fait avéré : les Ardentes sont une entreprise commerciale, pas un cursus d'éducation permanente sur la parité et les inégalités de genre.


Le festival a, me semble-t-il, choisi de se focaliser sur le hip-hop parce que c'est ce qui cartonne en ce moment, sans aucune pensée militante ou revendicatrice. Les Ardentes cherchent à être au hip-hop ce que Tomorrowland est à la culture électronique. Un festival ouvertement commercial, à la programmation axée sur le « facile ». C'est critiquable, bien entendu. Mais, justement, quand on critique Tomorrowland, c'est que l'on est généralement plutôt client et admirateur du Mutek, du Sonar ou, à un niveau plus local, du festival Listen, non ?


Des festivals à la programmation plus variée, plus aventureuse, plus osée. Avec un côté justement militant, revendicateur. On ne s'y contente pas d'une queueleuleu d'artistes connus sur TikTok faisant taper dans les mains, on y présente le panorama d'une culture spécifique : ce qu'elle a été, ce qu'elle est, ce qu'elle devient. On y pose aussi les questions de marchés, de stéréotypes, de structures, d'avenirs, d'inclusivités, de révolutions dans les têtes et les pratiques...


Autrement dit, qu'est-ce qui empêche ces collectifs féministes d'organiser leur propre festival hip-hop plutôt que de désormais chaque année chicaner la programmation des Ardentes ? Un Off, une alternative, une concurrence... selon leurs propres priorités, selon leurs propres kifs ? Durant mes vertes années, j'ai connu bien des cultures musicales alors émergentes qui furent dans un premier temps ignorées et même moquées et dénigrées par l'establishment culturel.


Le rap fut ainsi expédié comme une mode disco qui allait durer six mois, le punk comme une activité de branleurs, la house comme de « la musique de pédés », l'electro comme tenant du playback et la techno comme juste un truc de nazis drogués.


Je ne vais pas ici refaire l'histoire de chacune de ces musiques, de chacun de ses dossiers. En gros, on sait comment ça a tourné, à chaque fois : tous ces artistes, tous ces genres, se sont développés dans les marges; dans leurs mondes, dans leurs alternatives, dans l'underground, avant d'être un jour éventuellement admis, voire récupérés, par l'establishment.


Il se fait que l'idée d'un festival hip-hop paritaire me semble très utopique et une utopie culturelle, ça se travaille donc, justement, dans les marges. C'est pourquoi je pouffe quand je lis que ce collectif féministe dénonce le manque de personnes Finta dans les équipes de programmation des Ardentes comme « une des causes principales du manque de représentation de ces artistes sur les scènes des festivals. »


Parce que ça ressemble drôlement à l'arrogance de gens sortis de nulle part bien décidés à expliquer la life et un métier à des programmateurs qui ont pourtant plus de vingt ans d'expérience. Des militantes qui n'y connaissent strictement rien en matière de budgets, de ciblages de public et de transactions contractuelles avec des agents internationaux mais vont quand même aller déblatérer des généralités sur le sujet. Voire du hors-sol total. Tout cela avec derrière l'oreille l'idée de juste rafler le job des mecs en place, persuadées de pouvoir faire mieux.


Et bien, fais-le, alors. Montre que ton utopie ne tient pas juste de la rêvasserie d'un groupe Whatsapp. Rends la séduisante, convaincante. Crées ton kif plutôt que de vouloir détourner et même voler celui des autres. Rejoins la grande histoire des entreprises culturelles émancipatrices plutôt que celle des comités ronchons. Sors de ta tablée de Karen's et travaille au futur que tu désires tant plutôt que d'attendre un résultat qui ne viendrait que de pressions et de dénonciations à la Adolfa Ramirez; à l'aide de médias complices zappant toute idée de remise en cause de tes arguments neuneu, et de stories sur Instagram invisibles au-delà de ta clique braillarde. 


Get a life, j'ai envie de dire. 


Mais ça va encore être mal pris.


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samedi 5 avril 2025

VIE ET MORT D'UNE CERTAINE IDEE DE PIGE CULTURELLE

 


Jeudi 3 avril 2025 à Ostende, passant devant le Kursaal, je m'esclaffe à la vue des concerts annoncés : George Michael, Arno, Queen, Elvis... Que des morts ! Mais aussi Depeche Mode, Simple Minds, U2, Dire Straits et Elton John... Que des faux ! Le lendemain, rentré à Liège, je zone sur Facebook et me voilà devant le programme du Spirit of 66, la salle blues-rock de Verviers. Sur seize noms annoncés pour ce mois d'avril 2025, six sont des « tributes » : à Taylor Swift, à Electric Light Orchestra, à Muse, aux Scorpions, à Queen et à Michel Berger.


A part sur des braderies et le samedi après-midi dans des rues commerçantes devant un étui à guitare où jeter des pièces, je n'ai jamais vu un seul groupe entièrement consacré à des reprises de ma vie. Je ne cherche pas ici à me montrer méprisant : que des musiciens choisissent d'en imiter d'autres ne m'est pas du tout scandaleux. Je peux même très bien imaginer fort apprécier une soirée dans un bar où Adam Green reprendrait 15 chansons de Jonathan Richman et que de faux Cramps animent un futur anniversaire bien déglingosse. Où est d'ailleurs la limite dans l'imitation ? LCD Soundsystem n'est-il pas qu'un tribute-band à peine déguisé aux Talking Heads et au Bowie de 1980, autrement dit au guitariste Adrian Belew ?


Quoi qu'il en soit, disons que le groupe de reprises tient pour moi davantage de l'animation que de la culture. Ce qui explique aussi que je n'avais jusqu'ici pas trop percuté que des « tribute bands » se programmaient désormais presque autant dans de « vraies » salles que les « vrais » groupes. Que certains faisaient même de « vraies » tournées et pas que sur des fancy-fairs. Comme le virus du journalisme culturel n'est pas encore totalement éradiqué de mon intestin grêle, j'ai dès lors pensé que c'était peut-être une bonne idée de sujet à proposer à une gazette. Et que fait-on aujourd'hui quand on a une idée de sujet dont on ne sait rien ? On se tourne vers l'Intelligence Artificielle, histoire de se faire présenter un topo général et de voir ensuite si ça vaut vraiment la peine de creuser davantage.


« Existe-il un boom actuel des tribute bands ? », ai-je donc demandé Grok 3. Voici sa réponse, que je me suis permis d'éditer et de résumer :


« Oui, on peut effectivement parler d’un boom actuel des tribute bands, ce phénomène semblant s’amplifier ces dernières années. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance observable à travers le monde, notamment en Europe et aux États-Unis. D’abord, la nostalgie joue un rôle clé. Les tribute bands permettent aux fans de revivre l’expérience de groupes légendaires qui ne tournent plus, soit parce qu’ils se sont séparés, soit parce que certains membres sont décédés. Par exemple, des groupes comme The Beatles, Queen (dans sa formation originale avec Freddie Mercury) ou Pink Floyd attirent toujours un public fidèle, et les tribute bands comblent ce vide en recréant fidèlement leurs performances. Cette demande est particulièrement forte chez les générations qui ont grandi avec cette musique, mais aussi chez les plus jeunes qui découvrent ces classiques via des plateformes comme Spotify ou YouTube. »


« Ensuite, l’accessibilité financière est un argument de poids. Les concerts des grandes stars actuelles ou des groupes encore actifs peuvent coûter des centaines d’euros, tandis que les tribute bands offrent une alternative abordable, souvent dans des salles plus petites et intimistes. Cela démocratise l’expérience du live, rendant la musique accessible à un public plus large. Les chiffres appuient cette popularité croissante. Par exemple, une étude de Slingo (2024) a montré que Brit Floyd, un tribute band de Pink Floyd, a généré 481 100 recherches en ligne entre juillet 2023 et juillet 2024, loin devant d’autres acts similaires. De plus, des festivals entiers dédiés aux tribute bands, comme le Tribute Fest aux États-Unis (lancé en 2009), attirent des milliers de spectateurs chaque année, preuve d’un engouement qui ne faiblit pas. »


« Enfin, la professionnalisation du secteur y contribue. Les tribute bands ne se contentent plus de jouer dans des bars locaux ; beaucoup, comme Queen Extravaganza ou The Australian Pink Floyd Show, remplissent des salles de concert prestigieuses et investissent dans des productions sophistiquées (costumes, éclairages, son). Certains artistes originaux, comme Roger Taylor de Queen, ont même adoubé ces hommages, renforçant leur légitimité. En somme, oui, il y a un boom des tribute bands en ce moment, porté par la nostalgie, l’accessibilité et une qualité croissante des performances. Ce n’est pas qu’une mode passagère : c’est une réponse à un besoin culturel et émotionnel bien ancré. »


Deuxième question, portant sur le topo local. Réponse de Grok 3, toujours résumée et éditée :


« Voici quelques noms qui se démarquent sur la scène belge des tribute bands, souvent reconnus pour leur qualité et leur popularité : U2be, Belgian Quo Band (Status Quo), Magnetica (Metallica), Bruce Brothers (Springsteen), Slash N' Roses... (...) Il y a aussi des tribute bands qui rendent hommage à des artistes belges, ce qui ajoute une touche locale unique. Par exemple, des groupes comme Clouseau Tribute (inspiré du célèbre duo pop flamand) ou des hommages à Benny Neyman (chansonnier néerlandophone) montrent que la scène ne se limite pas aux icônes internationales. Ces projets attirent surtout un public attaché à l’identité culturelle belge, flamande ou wallonne (...) Les chiffres confirment indirectement que ça marche vraiment bien : des groupes comme ceux-ci remplissent des salles comme le Spirit of 66 à Verviers ou des événements locaux, et certains, comme U2be ou Magnetica, exportent même leur talent hors des frontières. La Belgique, avec sa diversité linguistique, voit aussi des tribute bands adapter leur répertoire : en Flandre, on préfère peut-être les hommages rock anglophones, tandis qu’en Wallonie, des tributes à des artistes francophones (Johnny Hallyday, par exemple) ont aussi leur place. En résumé, les tribute bands en Belgique, c’est un marché florissant avec des "stars" locales qui brillent par leur professionnalisme et leur proximité avec le public. »


Peut-être que je suis complètement rouillé ; peut-être qu'après avoir lu ça, je n'en ai tout simplement plus rien à foutre. Quoi qu'il en soit, je ne vois pas trop quoi rajouter, quelle autre question poser. Le sujet est plié. Je n'ai pas l'impression qu'aller ensuite interviewer le chanteur des Bruce Brothers et le programmateur du Spirit of 66 apporterait à un article sur les « tribute bands » autre chose que de l'habillage humain ; autrement dit du remplissage. Je me vois d'ici poser trop de questions dont on devine pourtant déjà les réponses à la lecture de Grok 3. Si l'un de ces chanteurs/imitateurs est particulièrement extravagant ou taré, il y a certes un reportage à la Strip-Tease à faire sur sa fraise ; autrement dit entamer une approche du sujet plus critique et créative, mais à un niveau strictement informatif et neutre, Grok 3 me semble plutôt très bien avoir fait le job, en quelques secondes et pour zéro balles... Même s'il faudrait idéalement un peu repasser derrière, fact-checker quelques trucs. 


Je ne vois dès lors pas très bien comment le journalisme culturel strictement informatif peut survivre et devrait même survivre. Ca fait un bout de temps que je critique le métier et lui prophétise l'Apocalypse mais là, on y est vraiment. This is the end. Pourquoi payerait-on encore un humain pour récolter et synthétiser une info que l'IA balance en quelques secondes ? Pourquoi payerait-on encore un humain au tarif du litron d'huile de coude alors que son job, faute de temps et de budget, consistera justement à enrober de disons 30% d'habillage « humain », plus ou moins inutile et plus ou moins principalement destiné à la légitimation déontologique, les 70% d'infos de fond fournies par l'IA ?


C'est d'autant plus the end que nous traversons par ailleurs une époque où l'approche humaine, que j'idéalise donc personnellement créative et critique, serait a priori plus de la pignolade militante à la mode du jour (du genre des articles sur le manque d'inclusivité de la programmation des Ardentes) que de l'humour et de l'érudition à l'ancienne; comme dans les vieux papiers sur la scène punk-rock de Los Angeles par Philippe Garnier, par exemple. D'autant plus que quiconque ferait ça aujourd'hui serait sans aucun doute aussitôt perçu comme un « tribute journalist » à Alain Pacadis, Lester Bangs et autres Nick Kent. Du revival, de l'imitation, de la nostalgie pure. Good night, and good luck, folks.


PS : l'illu est également l'oeuvre de Grok 3, cela va sans dire...



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