jeudi 19 octobre 2017

LE SERVICE APRES-VENTE (1)


On va tenter de remettre un peu de vie sur ce blog. Pour des raisons de droits, il se fait que je ne peux plus poster ici ce que je publie ailleurs. Mais je peux le commenter, forcément. Voilà donc une nouvelle rubrique, Le Service Après-Vente, qui raconte les coulisses, le making-of, balance les « scènes coupées » et répond aux critiques des papiers que je pond dans différents magazines et sur quelques sites.


Premier épisode : la chronique « Bertrand Cantat, un produit Universal », publiée ce jeudi 19 octobre 2017 sur le site du Focus-Vif.


Noir Désir, j'ai bien aimé l'album Tostaky à sa sortie. Je l'avais sur cassette avec Repeater de Fugazi sur l'autre face. J'ai écouté ça quelques mois, puis ça m'a gavé et je ne me suis plus jamais intéressé à ces groupes. D'ailleurs, je confonds toujours Noir Désir avec Téléphone. Tout récemment encore, j'ai même du vérifier lequel des deux avait sorti La Bombe Humaine.

Un truc me dérangeait déjà à l'époque. Je trouvais le son du groupe intéressant mais je n'aimais pas du tout ce qu'il dégageait. Leurs tronches de dockers, ce total-look Lavilliers, la gloriole pseudo-humaniste, cette impression d'avoir affaire à des ados bouillonnants qui ne peuvent pas s'empêcher de se branler dans la viande hachée. Des clichés rock et je n'ai jamais été très rock ou alors rock à la Bowie, à la Bauhaus – rock tarlouze, quoi. A l'époque de Tostaky, j'étais d'ailleurs surtout dans The Orb, Meat Beat Manifesto, William Orbit et les Beastie Boys. De la musique de geeks ganja et multiculturels. L'antithèse de Noir Désir.

Je me suis d'ailleurs toujours méfié des performers qui rendent les gens vraiment dingues : U2, Radiohead, Noir Désir, Johnny Hallyday, Elvis, Manu Chao, Clo-Clo, Morrissey en solo, Mélenchon... J'ai même un moment pensé écrire un bouquin là-dessus, sur les fans, sur ce rapport quasi religieux entretenu pour et par une personnalité. J'avais envie de comprendre. Avant de comprendre que cela ne me fascinait pas du tout, que cela me faisait juste pétocher. On va éviter de justesse le Point Godwin et les allusions à Gustave Le Bon mais vous voyez où je veux en venir. Les mecs qui flottent continuellement 10 centimètres au-dessus du sol et déclenchent des ferveurs démentes parmi les foules, je m'attends toujours à ce qu'apparaisse soudainement à leurs côtés un Terminator renvoyé dans le temps corriger le passé.

Des Bertrand Cantat, des wife-beaters, il y en a très probablement une chiée encore en activité et pas seulement dans le rock, dans la culture en général. Des Cantat et des Weinstein. S'il y a bien une phrase obsédante qui a tourné ces derniers jours, c'est «Tout le monde le sait mais personne ne dit rien ». Comme pour les violences de Polbru, comme pour les délires sexuels et les problèmes de cocaïne dans l'horeca, pour parler de choses que je connais un peu. Forcément, pour que ce genre de débilités s'épanouisse, il faut de l'impunité et du cynisme. Bref, un système qui regarde ailleurs au mieux et au pire, se sert de la saloperie pour engranger davantage de cash. Ce que dénonce la chronique de Focus, tout simplement, écrite un peu vite et très éditée, vu qu'au départ un peu trop juridiquement discutable.

Certains l'ont trouvée vide, d'autres exagérée. « Faut arrêter avec Cantat, il a purgé sa peine, il est quitte », a-t-il été avancé par des gens que je n'arrive pas à ne pas suspecter d'être juste nostalgiques d'une époque plus simple dans leur rapport à Cantat, celle où ils ont fait l'erreur de le juger admirable, peut-être même de s'être reconnus ou fantasmés en lui. Faut arrêter de déconner, les gars. Cantat a tiré 3 ans de taule au lieu de 8 et en France, il aurait probablement été condamné au double, minimum. 3 ans, c'est la ristourne du siècle. Je ne suis pas pour qu'on le pende, je ne suis pas pour qu'on le traque, je trouve même qu'il a encore tout à fait le droit de sortir des disques et des livres. Ce qui ne passe pas du tout, en revanche, c'est qu'il aille pavaner son malaise existentiel en couverture d'un magazine ami de 30 ans et régulièrement partenaire des campagnes promotionnelles de son label. Ce n'est pas passer à autre chose. C'est jouer de son passé de merde pour tenter de mieux (se) vendre. Et c'est totalement gerbant.

PS: la photo qui illustre ce post est un extrait d'une interview de Bertrand Cantat accordée aux Inrockuptibles dans leur numéro 15, celui de février/mars 1989, avec New Order en couverture. Si ça ne vous fait pas froid dans le dos et que vous en voulez plus, désolé, pour moi, vous avez vraiment un putain de problème.