mardi 11 novembre 2025

LE JOURNAL DU QUINCADO (36) : LA NOSTALGIE, CAMARADE ?

 


"Moi, plus rien ne m'impressionne, à part un sample de chant zoulou sur du krautrock"


Novembre 2025 - Ces deux dernières années, je n'ai trouvé vraiment formidables que trois albums : I Inside The Old Year Dying de PJ Harvey, le premier The Smile, émanation de Radiohead, et Rack, le retour cogneur des Jesus Lizard. Le gros point commun entre tous ces artistes est bien entendu qu'ils étaient déjà tous actifs durant les années 1990, la décade de ma vingtaine.


Régulièrement, on voit citées dans les médias et sur les réseaux sociaux des études qui affirment qu'à partir de tel ou tel âge, on arrête de découvrir de nouveaux artistes et qu'en vieillissant, on se réfugie dans une zone de confort culturel. Je pourrais chipoter, ne fut-ce que parce que je n'écoutais pas The Jesus Lizard dans les années 1990 et que Radiohead a depuis toujours plus tendance à me concasser les roustons qu'à me streetspiriter mais admettons.


Admettons, vu que la musique sur ces albums correspond pleinement à ce qui s'apparente pour moi à des idéaux : le planant troublant pour les uns et une certaine violence voire une violence certaine pour les autres. Bref, des zones de confort pour Gen X qui n'a jamais vraiment tranché entre ambient, grunge, folk, electro et punk.


Seulement voilà, ces albums sont aussi tous des pis-allers. Je ne les écouterais pas tant que ça si sortaient aujourd'hui des choses correspondant à mon idéal absolu, qui n'existe en fait toujours pas vraiment.


Je pense en effet qu'en 2025, ce qui devrait s'écouter le plus, le mainstream qui se streame par millions, le robinet à boumboum, devrait ressembler à la musique du bar de Taffy Lewis dans le premier Blade Runner et à celle de la boîte de strip-tease de l'espace dans Outland.


Du bizarre vraiment bizarre qui mélange beats, incantations, vibrations sexuelles et ondes qui retournent le cerveau. Ces dernières années, ce que joue le duo DJ Front2Cadeaux ressemble parfois à ça. Un ou deux morceaux d'Acid Arab, aussi. Sinon, ce qui s'en rapproche le plus a souvent entre 30 et 40 ans : les Front 242 les moins structurés, de la new-beat vraiment cinglée, une moitié de l'album My Life in The Bush of Ghosts de David Byrne et Brian Eno, des machins trop vite torchés de Psychic TV, le remix de Nusrat Fateh Ali Khan par Massive Attack, des pépites du catalogue Crammed Discs et quelques trucs de Jon Hassell et de Don Cherry sur des albums tardifs et oubliés, jamais leurs meilleurs...


Voilà de quoi me tirer encore et toujours de ma zone de confort : un chanteur soufi sur du funk africain remixé par des punks de l'électronique. De la new-beat satanique à GUITARES. Du folk païen SANS guitares. Du kraut raï. Du jazz dub chinois. De l'afro-tibétain rasta. Bref, tout ce qui aurait pu et du se faire en 1983, commercialement éclater en 1984, et n'a curieusement jamais vraiment pris, aussi parce que la filière s'est embourbée dans la soupe genre Buddah Bar et que cette culture de crossovers contre-nature est aujourd'hui fort critiquée (l'appropriation culturelle, tout ça...).


Malgré ma cinquantaine bien tapée, je ne suis donc pas du tout fermé à une certaine nouveauté mais alors vraiment neuve, espérant même toujours une prochaine révolution musicale globale à laquelle personne ne semble pourtant encore croire. 


Le Grand Soir du Grand Méchoui.


En revanche, je suis complètement fermé à beaucoup de ce qui est aujourd'hui présenté comme nouveau et excitant : cette énorme couillonnade de Rosalia - quasi un sketch des Inconnus -, le énième rap mongolo où l'autotune sonne comme un dauphin en pleine crise de foie, les boîtes à meuh disco façon Ed Banger, les rappeurs muets, le plus toc de TikTok...


Le futur musical que j'attendais n'est pas arrivé. Blade Runner non, Idiocracy oui. Crammed Discs, non. Zaho de Sagazan, oui. D'où la zone de confort. Aussi parce que je trouve la réinvention de PJ Harvey à 55 ans en prêtresse indus-folk et la patate juvénile toujours intacte des Jesus Lizard pourtant désormais sexagénaires beaucoup plus réjouissantes, riches et étonnantes que toutes ces imbécillités à peine nées et déjà ringardes.


Je ne pense sinon pas que le plus déterminant là-dedans se limite juste à des questions d'âge, de goûts et d'attentes. Un facteur important qui me semble toujours échapper à ces études sur la consommation musicale selon les démographies est celui des modes actuels de fabrication de la musique. Pas seulement le recours aux ordinateurs, aux presets, aux mélodies Nokia et autres passades technologiques.


Le fait que les sons soient aujourd'hui pensés pour être majoritairement écoutés en streaming sur des ordinateurs et des téléphones, le plus souvent via des écouteurs. Que la musique « nouvelle » soit donc fermement compressée, ce qui peut s'apparenter à du bombardement sonique, du gavage informationnel. Ce qui peut heurter, au sens le plus premier du terme.


Bref, ce sont peut-être surtout mes oreilles et mon cerveau qui cherchent une zone de confort, un bunker aménagé même, dans un monde musical moderne où la pire soupe peut être sournoisement mais réellement beaucoup plus violente - génératrice de séquelles physiques et nerveuses - que Jesus Lizard, Birthday Party, Slayer et Napalm Death ne l'ont jamais été.


L'abus d'Angèle nuit à la santé, oui, oui. C'est scientifique. 



0 commentaires:

Enregistrer un commentaire