vendredi 31 mars 2023

LE JOURNAL DU QUINCADO (23) : ENCEPHALOGRAMME PLAT, ZERO INTERET.


 

Mars 2023 - Fin des années 90, il y avait cette librairie à Bruxelles, tenue par un sympathique trentenaire flamand dans une ancienne boucherie, Place Fontainas. Le mec vendait toutes sortes de dingueries introuvables ailleurs : la Bible Satanique, des bédés trash, des bouquins conspirationnistes, des magazines sur la musique industrielle... J'ai acheté là quelques artefacts de ce que l'on peut appeler la « culture stoner » ; notamment un recueil de bandes dessinées « éducatives » censé démontrer le lien entre l'assassinat de Kennedy et les Petits Gris de Roswell. J'aimais bien traîner dans ce merveilleux concept store, y découvrir ce que l'esprit humain pouvait produire de culturellement tordu, voire même de carrément déviant. Parfois au premier degré, plus souvent au second. Je me suis alors un peu intéressé aux théories de conspirations. C'était nouveau, c'était fun. J'ai même pensé m'en faire une spécialité journalistique, me fabriquer une expertise de cet intérêt d'autant plus amusé que les plupart de ces théories malaxaient à leurs sauces (trop) riches des scénarios de films et de comics de mon enfance. Puis, un certain 11 septembre 2001, mon enthousiasme s'est complètement ratatiné vis-à-vis de tout ça. Dans les jours qui suivirent ces attentats, tout le fun s'est évaporé de ce qu'on allait commencer à appeler « le conspirationnisme ». La culture « stoner », les délires à la « Ancient Astronauts », tout ce qui rappelait Métal Hurlant et la collection rouge de chez J'Ai Lu ont laissé place à de la militance politique nauséabonde (de gauche comme de droite) et à de la folie humaine plus pathétique qu'amusante. Bien sûr, cela n'a fait qu'empirer depuis.


Aujourd'hui, je ne m'intéresse plus du tout aux théories de conspirations, qui m'ennuient encore plus que le cyclisme ou le tennis à la télévision. Encéphalogramme plat, zéro intérêt. L'autre jour, ça m'a toutefois bien fait marrer que tout le monde ou presque se mette à parler de l'adrénochrome sur les réseaux sociaux et chez Hanouna. L'adrénochrome, really ? Cette drogue inventée par Hunter S. Thompson dans Fear & Loathing in Las Vegas ? LOL. Et TILT aussi, sur deux points je pense assez capitaux. Le premier, c'est que si certains abrutis parlent aujourd'hui très sérieusement de l'adrénochrome comme d'une drogue puissante fabriquée à partir de glandes humaines, ça confirme que les racines des théories de conspiration qui « prennent » continuent de se dégotter dans la culture pop et/ou underground de jadis. Le second point, plus touchy, c'est que les actuels experts et expertes autoproclamé(e)s du conspirationnisme semblent toujours continuer à complètement s'en foutre.


La culture stoner leur reste inconnue, tout comme la SF des seventies. Ici, en l'occurrence, même un classique de la littérature américaine contemporaine - ce qu'est incontestablement Fear & Loathing in Las Vegas -, semble toujours leur passer également largement au-dessus des melons. Or, est-il raisonnable pour quelqu'un se prétendant expert en conspirations modernes de ne pas connaître ces sources ? On me dira, ce sont des intellectuels, des universitaires, des militants : où trouveraient-ils le temps de se farcir tous ces trucs zarbis ne leur étant clairement pas destinés ? Okay mais l'adrénochrome de Thompson est toute aussi fictive que la salsepareille des Schtroumpfs. Or, quand on connaît cette source et qu'on l'expose, la théorie de conspiration se ridiculise en moins d'une trentaine de secondes. Pour mieux et plus vite désamorcer les capacités de nuisances de certaines idées dès que sorties d'un cadre fictionnel, il me semble donc assez nécessaire que celles et ceux se réclamant de l'expertise conspirationniste savent ce que raconte par exemple le personnage du docteur James Kelloway dans le film Capricorn One ou ce qu'évoque le thriller politique Executive Order. Tout comme au moment d'aborder les théories du Great Reset liées à la vaccination Covid, citer la série Utopia, elle-même probablement déclinée d'une sous-intrigue du téléfilm britannique Alternative 3 des années 70, ne tiendrait pas vraiment du luxe.


Même si ça y ressemble fort, je n'étale pas ici ma (sous) culture juste pour me la péter. En fait, je pointe des mèmes, des idées fortes qui ont jadis nourri la fiction, ont été oubliées, ont décanté dans les esprits, se sont transformées et sont depuis réapparues, tenues pour vraies, dans d'autres cadres. Et donc, je pense que c'est en les traçant à la source et en exposant clairement leurs métamorphoses de fictions prises comme telles en pseudo-réalités qu'on les combat au mieux. A moins que le principal motif des experts et expertes autoproclamé(e)s ne soit pas d'aider les gens à rester un tant soi peu rationnels mais juste de prendre position, de le monétiser et de tenter d'en vivre ? 


Yes ! 


Voilà que je viens de lancer dans le public une théorie de conspiration sur les spécialistes des théories de conspirations !



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